MORT SUR LE NIL
Critique du film
Le roman d‘Agatha Christie Mort sur le Nil fait partie des meilleures et des plus célèbres créations de l’auteure britannique. Ecrit en 1937, il a été adapté de diverses façons – théâtre, radio, télévision et cinéma – mais n’eut l’honneur du grand écran qu’une seule fois avant la version qui nous occupe ici. En 1978, John Guillermin, le réalisateur de La Tour infernale et du remake de King Kong qui fit connaître Jessica Lange, en fit une mise en images très honorable. Dans celle-ci, Peter Ustinov qui jouait pour la première fois le détective belge – il allait l’interpréter encore cinq fois pour le grand écran – était entouré de David Niven, Bette Davis ou Mia Farrow entre autres, et la mise en scène sobre et fidèle à l’ambiance du roman se trouvait soutenue par la bande originale de Nino Rota et la photographie de Jack Cardiff.
Après Le Crime de l’Orient Express, Kenneth Branagh a semble-t-il voulu en faire une version très personnelle et n’a pas hésité à modifier certains éléments du roman. En soi, cela peut parfois donner de bons films. Ici, certains des éléments greffés à l’intrigue semblent particulièrement saugrenus, comme ce prologue et cet épilogue qui ont peut-être pour but de donner du personnage d’Hercule Poirot une vision plus humaine, moins figée, mais qui peuvent paraître un peu plaqués et ridicules. De même, certains personnages disparaissent au profit d’autres absents de l’histoire originale – le Colonel Race remplacé par Bouc – sans que cela soit réellement motivé ou convaincant.
Et le personnage de Poirot, lorsqu’il se lance à la poursuite d’un criminel qui vient de tirer un coup de feu, fait montre d’une souplesse et d’initiative – il se saisit d’un hachoir, prêt à en découdre – qui peuvent laisser perplexe ceux qui ont découvert ce personnage par la lecture des romans d’Agatha Christie. Cette modernisation, et surtout cette volonté de faire de Mort sur le Nil quelque chose de très éloigné de ce qui faisait le charme suranné de ces livres, a quelque chose d’un peu triste.
Enfin, la mise en scène sacrifie à l’ostentatoire : tout semble artificiel et clinquant. Le dénouement traditionnel durant lequel Hercule Poirot fait la démonstration de sa conclusion est malheureusement expédié. Là où John Guillermin restituait à merveille une ambiance languissante, une torpeur et un climat mortifère, Kenneth Branagh ne fait que plaquer des images, sans avoir pris le temps d’installer réellement une atmosphère et se contente de moderniser de façon très superfétatoire des éléments de l’intrigue.
À l’exception d’une belle ouverture dans les tranchées durant l’introduction – ce fameux prologue gadget mais qui avait peut-être pour but de nous offrir ce plan séquence il est vrai assez réussi – de la présence de Sophie Okonedo et de l’intrigue d’Agatha Christie qui même chahutée pourra plaire aux néophytes, il ne reste pas grand-chose dans ce film qui justifiait une nouvelle version d’un sommet du roman policier à énigme.
Bande-annonce
9 février 2022 – De et avec Kenneth Branagh, et Rose Leslie, Emma Mackey, Gal Gadot