THE DUKE
En 1961, Kempton Bunton, un chauffeur de taxi sexagénaire, vole à la National Gallery de Londres le portrait du Duc de Wellington peint par Goya. Il envoie alors des notes de rançon, menaçant de ne rendre le tableau qu’à condition que le gouvernement rende l’accès à la télévision gratuit pour les personnes âgées. Cette histoire vraie raconte comment un inoffensif retraité s’est vu recherché par toutes les polices de Grande Bretagne, accomplissant le premier (et unique) vol dans l’histoire du musée.
Critique du film
Un trauma collectif tel qu’il se fraye un chemin jusque dans un James Bond. Le portrait du duc de Wellington, fierté de la nation britannique – le vainqueur de Waterloo – disparaît en 1961. L’année suivante, alors que personne ne sait où se trouve le tableau signé Goya, Terence Young le place dans le décor du repaire de son Dr. No, suggérant que seul le mal absolu pouvait être le commanditaire de l’odieux larcin.
C’est pourtant exactement l’inverse. Roger Michell – décédé en septembre dernier – met en scène l’histoire vraie, à quelques détails chronologiques près, d’un homme de combats. Kempton Bunton. Qui « emprunte » un tableau à 140 000 livres pour alerter sur les conditions de vie des personnes âgées au Royaume-Uni. Qui préfère ne plus recevoir la BBC que de devoir en payer la licence avec sa maigre retraite ; qui continuerait de manifester même sous un ouragan. Toujours avec le sourire, toujours avec fantaisie et idéalisme. Sous les traits d’un Jim Broadbent (de retour devant la caméra de Michell après Le Week-End) inspiré.
Le réalisateur de Coup de foudre à Notting Hill et My Cousin Rachel, excelle dans ce cinéma très « british », sympathique et rythmé, ainsi que dans la direction des acteurs. Broadbent rayonne d’un charme suranné. Helen Mirren n’en finit plus de hausser les yeux au ciel sans que l’on ne cesse de croire à leur amour. Enfin, l’impeccable et trop rare Matthew Goode (Downton Abbey, Watchmen) débarque dans la dernière partie du long-métrage pour incarner un avocat charmeur, en représentation, très « cinéma ».
De fait, tout inspiré de faits réels qu’il soit, The Duke fait « très film ». Chaleureux, feel-good assumé mais pas lisse pour autant. À travers une certaine bonhomie dans le récit, sertie d’un humour très anglais, acide lorsqu’il faut l’être. Avec des piques politiques, sans la charge du cinéma social britannique mais avec une volonté de mettre tout le monde d’accord. En témoignent les brèves apparitions de l’employeuse de l’épouse de Bunton, notable bourgeoise mais à 110 % derrière le combat de ce dernier.
Au Royaume-Uni, les cinémas Odeon proposent des séances « Silver Screen » aux plus de 60 ans, avec thé, café et biscuits servis avant le film. The Duke y trouverait parfaitement sa place. C’est un film plaid qui ne demande qu’à nous réconforter. Proposition : répliquer le concept et offrir les mêmes services au public français.
Bande-annonce
11 mai 2022 – De Roger Michell, avec Jim Broadbent, Helen Mirren et Fionn Whitehead.