AFTER YANG
Lorsque le grand ami de sa fille en bas âge, l’androïde Yang, tombe en panne, Jake tente de le réparer. Ce faisant, Jake découvre des pans de sa vie qui lui échappent. C’est l’occasion pour lui de resserrer les liens l’unissant à sa femme et sa fille qu’il n’avait pas vus se distendre.
Critique du film
Pour succéder à Columbus, un premier long-métrage passé inaperçu en France mais qui mériterait d’être éclairé pour la balade calme et introspective qu’il proposait en compagnie de Haley Lu Richardson et John Chu, le cinéaste Kogonada livre un film de science-fiction apaisé mais pourtant si spectaculaire dans les thèmes qu’il propose avec After Yang. Présenté au Festival de Cannes l’année dernière, et sur le point de faire l’ouverture du Champs-Elysées Film Festival, ce film de science-fiction reprend les thématiques fidèles à la figure de l’androïd dans la fiction pour aboutir à une véritable décharge émotionnelle.
After Yang est un film qui prend intelligemment à revers les écueils de la science-fiction paranoïaque sur les androïdes. Passé une multitude d’œuvres qui ont souhaité traité du sujet de l’humanisation des robots et autres intelligences artificielles, souvent en flirtant vers des registres plus violents, voire horrifiques, Kogonada propose un regard alternatif plus stimulant sur le sujet par la délicatesse avec laquelle il l’aborde. À la question de la possibilité de quête d’humanité d’un androïde, pour Yang en l’occurrence, une réponse limpide affirme que c’est une question tellement humaine à poser. C’est dorénavant aux humains de déceler ce que peut ressentir un androïde dans une vie comme le cas de la famille de Jake (celui-ci incarné par un bouleversant Colin Farrel, tout en retenue). En proie du deuil de leur androïde, membre à part de cette famille disparu suite à un dysfonctionnement interne, iels vont alors traverser cette étape difficile en s’intéressant aux souvenirs de ce robot.
De ce postulat découle alors une rétrospection mémorielle enrichissante par sa construction, le film devient une mosaïque de souvenirs où l’on se balade comme dans un cosmos vers différentes émotions qui font un miroir sur des obsessions universelles tels que la mortalité, le souhait de ressentir des choses plutôt que d’apprendre des faits (la culture du thé, distillée tout le film, sera le réceptacle d’une scène ravageuse glissée après une imitation de Werner Herzog par Colin Farrell), et l’amour. Le film va également plus loin dans la question de l’identité en abordant celle de la culture. Choisi pour accompagner la construction de l’enfant du couple formé par Colin Farrell et Jodie Turner-Smith, le personnage de Yang s’interroge également sur sa construction en tant qu’individu d’origine asiatique. Une valse des sentiments se déploie alors, dans un calme mélancolique qui donne l’impression d’être dans un cocon que l’on ne voudrait pas quitter. Un moment de méditation délicat, proposant une autre approche face au futur enrichissant éloigné des clichés dystopiques.
Bientôt visible sur les écrans français par Condor Distribution, boîte qui affirme une volonté de mettre en lumière les regards inédits et singuliers du cinéma américain, After Yang saura vous toucher en plein coeur. Bercée par les mélodies de Ryuchi Sakamoto, d’Aska Matsumiya et de Mitski, cette aventure intime saura vous convaincre qu’il est encore possible pour le cinéma américain d’offrir des propositions originales et poignantes. Une dernière chose : n’arrivez surtout pas en retard, vous risquerez de rater le générique d’ouverture le plus original de l’année.