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COUPEZ !

Un tournage de film de zombies dans un bâtiment désaffecté. Entre techniciens blasés et acteurs pas vraiment concernés, seul le réalisateur semble investi de l’énergie nécessaire pour donner vie à un énième film d’horreur à petit budget. L’irruption d’authentiques morts-vivants va perturber le tournage…

Critique du film

Le « jeu du chou-fleur » est une tradition des cours de récréation de nos chères têtes blondes. Il consiste, sur une distance donnée, à avancer méthodiquement face à un adversaire situé en face, avec pour objectif d’écraser le pied d’autrui en arrivant. La difficulté est que les deux participants doivent coller leurs pieds aux talons et donc user de techniques pour avancer très vite ou très lentement selon la stratégie mise en place, afin d’être certain de ne pas être piégé par son rival. Supposons désormais que Coupez ! de Michel Hazanavicius, soit en duel face au film japonais qu’il remake, One Cut Of The Dead de Shin’ichirô Ueda. Quelle stratégie aborder si le long-métrage de Michel Hazanavicius faisait une pointure de chaussure équivalente à du 38, et celui de Ueda du 57 ?

Le sel du film original était de prendre à contre-pied toutes les attentes initiées par le synopsis pour intégrer une mise en abime supplémentaire du récit, et de détourner le sujet vers un sous-texte propre à la passion du tournage et de la communion d’une équipe. Au regard de la carrière de Hazanavicius, adapter ce film dans la langue de Molière était la suite logique de son œuvre, un moyen définitif d’assumer sa soif de liberté après l’échec cuisant du Prince oublié et les quelques réserves que certains purent clamer à propos du Redoutable ou de The Search. Lui-même avouait dans le dossier de presse avoir toujours voulu réaliser un film sur un tournage de film, sans avoir l’idée qui lui permettrait de mener à bien ce projet. La possibilité d’adapter One Cut of The Dead parait alors tomber à point nommé, mais pour quel résultat ?

Coupez !

La problématique de ce nouveau-né est que le système narratif du long de 2019 est déjà tellement réglé au millimètre près qu’il paraît impossible pour Hazanavicius de se démarquer, de transcender le concept pour l’amener dans des sentiers encore jamais vus. Difficile d’imposer sa vision dans un sommet d’efficacité comique et stylistique, tout a déjà une raison d’être avant même que ce remake démarre. Même si l’intégralité du casting s’en donne à cœur joie (Finnegan Oldfield et Grégory Gadebois en tête) et parvient à bien retransmettre les gags savoureux et atemporels de son aîné japonais, Coupez ! ne se démarque jamais comme un programme indépendant et devient au fil des minutes une transposition francisée au détriment d’une réappropriation.

Le ventre mou (volontaire) du film, où s’installe tout le contexte qui entoure les difficultés inhérentes au tournage que l’on perçoit dès l’introduction, ne parvient pas à être autre chose qu’une petite série de blagues simplettes à propos des différences cuturelles entre la France et le Japon. Pour un cinéaste ayant officié sur les faux idéaux d’une France raciste et faite d’a prioris avec OSS 117, ces petites anecdotes comiques enfilées les unes après les autres semblent bien maigres et bien en dessous de tous les autres gags dont le réalisateur et scénariste français n’est pas l’auteur original…

Dans Coupez !, point tellement une volonté de respect, de retranscription de l’amour du cinéma sous toutes ses formes et de la synergie de groupe que Hazanavicius semble s’interdire de toute crudité humoristique, et répète ad nauseam les caricatures des personnages du film sans réussir à passer au niveau supérieur et imposer sa griffe acerbe. En résulte donc un film sans réelle plus-value, qui peut faire mouche pour les personnes qui n’ont toujours pas vu l’original, mais qui souffre hélas d’un sérieux goût de réchauffé pour les convaincus de l’œuvre de Ueda.

Bande-annonce

17 mai 2022 – De Michel Hazanavicius
avec Romain Duris, Bérénice Béjo, et Matilda Lutz


Cannes 2022 – Film d’ouverture