CE PLAISIR QU’ON DIT CHARNEL
Deux films de Mike Nichols ressortent en salles le 20 juillet grâce au distributeur Lost Films. L’occasion rêvée de (re)découvrir ces œuvres passionnantes signées par un des plus grands réalisateurs américains du siècle dernier.
Un été avec Mike Nichols
Depuis l’université et pendant plus de vingt ans, deux amis, Jonathan et Sandy, partagent leur quête amoureuse, leurs confessions sexuelles et leur vision des femmes. Inédit en salle depuis 1993.
Comment les hommes voient-ils les femmes ? Quel est leur idéal féminin ? Cherchent-ils une partenaire avec un physique particulier, un caractère facile, une conversation palpitante ? Qu’est-ce qu’ils attendent d’une relation ? Autant de questions posées avec une acuité féroce par Mike Nichols dans son quatrième film, Ce plaisir qu’on dit charnel, dont la teneur fortement sexuelle a choqué les spectateurs du début des années 1970 (au point de susciter une action en justice pour « obscénité » en Géorgie, finalement écartée).
Écrit par Jules Feiffer, un dramaturge et auteur de bandes-dessinées, le film suit le parcours de deux amis de fac jusqu’à la vie adulte. Jonathan (Jack Nicholson) est un séducteur. Il aime les femmes aux poitrines avantageuses et ne veut surtout pas se marier ni avoir des enfants. C’est un macho qui ne cherche dans la relation avec des femmes qu’une confirmation de sa propre masculinité et de sa puissance en tant qu’homme. Sandy (Art Garfunkel) est lui plutôt timide. Il a une vision romantique de l’amour, et même s’il se laisse souvent influencer par Jonathan, il cherche à établir une véritable relation avec ses partenaires, quitte à ce qu’elles le changent et lui permettent d’évoluer.
Face à ces deux figures masculines en apparence opposées – deux facettes intemporelles de l’homme américain – Nichols oppose des femmes fortes (Candice Bergen et Cynthia O’Neal), désespérée (Anne-Margret) ou soumise (Rita Moreno). Des femmes qui tentent de trouver une forme de bonheur avec des hommes dont on sait qu’ils ne sont pas à la hauteur de leurs espérances. C’est surtout le cas de Jonathan qui, à la fin du film, prisonnier de son bel appartement synonyme de réussite professionnelle, montre à son ami et sa compagne du moment (lui aussi n’arrive visiblement pas à se fixer) les photos de ses conquêtes passées, ce qui ne manque pas de les faire fuir.
PLONGÉE DANS L’INTIMITÉ
Un constat d’échec d’autant plus amer qu’il est mis en évidence par une mise en scène constamment juste, faite principalement de gros plans et de plans serrés, qui nous plonge dans l’intimité des personnages. Après Qui a peur de Virginia Woolf ? (1966) et l’excellent Le Lauréat (1967), Nichols poursuit ici son étude des relations hommes/femmes et l’enrichit d’un chapitre essentiel.
Les comédien.ne.s sont tou.te.s formidables. Après le succès surprise d’Easy Rider (1969) où il avait marqué les esprits, Jack Nicholson trouve ici un rôle mémorable qui fait décoller sa carrière. Notons qu’Anne-Margret a été nominée pour sa prestation à l’Oscar du meilleur second rôle et qu’elle a remporté le Golden Globe.
Succès en salle, Ce plaisir qu’on dit charnel est un jalon essentiel du Nouvel Hollywood et sonne comme un avertissement sur l’incompatibilité entre les hommes et les femmes. À notre époque où cette relation est largement remaniée, ce film montre avec humour et cruauté que les hommes doivent évoluer dans leur mentalité s’ils veulent espérer vivre en harmonie avec celles qui leur sont indispensables.
Bande-annonce
20 juillet 2022 (ressortie) – De Mike Nichols, avec Jack Nicholson, Candice Bergen