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FIRE OF LOVE

Katia et Maurice Krafft, volcanologues intrépides, s’aimaient passionnément. Pendant deux décennies, ce couple de français a parcouru la planète, traquant les éruptions et documentant leurs découvertes. Emportés par une explosion volcanique en 1991, ils laissent derrière eux un héritage qui a enrichi à jamais notre connaissance du monde naturel. À partir de leurs spectaculaires images d’archives, la réalisatrice Sara Dosa nous embarque dans leurs périples aux quatre coins du monde et dans une expérience de cinéma hypnotique sur le couple, l’amour, le temps et l’ambition des hommes et des femmes à tenter de percer les mystères de la nature.

Critique du film

Produit par le National Geographic, Fire of Love fait revivre, en accéléré, l’étonnant parcours de Katia et Maurice Krafft. Le film plonge dans les archives du célèbre couple de vulcanologues pour conter leur légende. Grâce à un montage brillant, Sara Dosa transcrit avec habileté le sens du jeu qui semble avoir scellé leur amour et accompagné leurs explorations au service de la science.

Des enfants savants

Elle était géochimiste, il était géologue, tout a commencé pour elle sur les pentes de l’Etna, pour lui sur l’île de Stromboli. Ils étaient tous les deux alsaciens et destinés à se rencontrer. Ils sont rapidement devenus des stars, à la lisière entre l’aventure et la science, comme seul peut l’être aujourd’hui Thomas Pesquet. À eux deux, ils ont fait entrer la vie des volcans dans les foyers français (et probablement au-delà). Ils ont scrupuleusement documenté toutes leurs missions, Katia avec son appareil photo, Maurice avec sa caméra. Le film aura permis de numériser 200 heures d’un matériel qui constitue toute la force du documentaire.

Fire Of Love

Aux incroyables images d’éruptions et de désolation, rapportées de tous les continents, s’ajoutent des extraits plus légers du couple au travail ou simples moments de vie. Ces séquences donnent à voir des enfants savants. En marge des institutions, leur carrière scientifique ne semble avoir été guidée que par la notion de plaisir qu’ils prenaient, en commun, à arpenter les volcans du monde. « Une existence de kamikazes dans la beauté des choses volcaniques » résume Maurice. Il faut dire qu’ils se sont rapidement distingués en bravant tous les risques pour mettre le nez là où personne ne l’avait jamais mis, au plus près du danger. Le film est l’histoire d’une double attraction fatale, celle entre deux êtres et celle du couple avec ce que la nature offre de plus énigmatique et dangereux.

Love & lave

C’est surtout l’intrépide Maurice qui avait le goût du risque. On le voit jeune, au cours d’une archive hallucinante, monter dans un bateau pneumatique pour voguer, avec un comparse géologue, sur un lac d’acide sulfurique. Cette fois-là, Katia avait refusé de le suivre. Le film avance et l’on se prend à penser que les Krafft ont laissé des archives comme on sème des petits cailloux, proposant aux générations futures un jeu de piste autant qu’une éblouissante leçon de plaisir. Maurice était devenue une bête médiatique, assumant un discours de vulgarisation et transmettant leur inextinguible passion. Katia, davantage dans l’ombre, assurait de son côté le travail d’archivage, de documentation et la préparation des ouvrages. Sara Dosa parsème son film de petites séquences animées, insufflant à la narration (la voix off est confiée à Miranda July) une forme ludique tout à fait en adéquation avec la philosophie des Krafft. L’art du montage est poussé dans les moindres détails, l’emballement d’un sismographe se confond avec les palles d’un hélicoptère, on rit en pensant aux Monty Python puis on est hypnotisé par l’effroyable beauté de mort répandue, images dignes d’un film d’Andreï Tarkovski.

À force d’être les premiers témoins des catastrophes causées par les éruptions volcaniques, du Zaïre à la Colombie en passant par l’Indonésie, Katia et Maurice Krafft ont voulu mettre leur expérience et leur savoir au service de la sécurité et de la prévention, rapports et conférences à l’appui. Leur propre sécurité les concernaient eux seuls. Maurice rêvait de mettre au point une embarcation lui permettant de flotter sur une coulée de lave. Sa jambe était brûlée (une erreur de jeunesse) autant que sa tête et Katia, malgré une approche naturelle plus réservée, savait qu’elle le suivrait jusqu’au bout. Maurice devant, Katia derrière mais ensemble, toujours. Le film traduit admirablement la chronique joyeuse d’une mort annoncée. L’histoire retiendra que c’est l’éruption du Mont Unzen en 1991 qui les emportera, point final d’un destin auquel ils s’étaient volontairement liés depuis longtemps. Tout porte à croire qu’ils ne furent pas étonnés d’être surpris. Pas plus que l’enfant, au jeu de la marelle, arrivant au ciel.

Bande-annonce

14 septembre 2022 – De Sara Dosa