LE PETIT NICOLAS – QU’EST CE QU’ON ATTEND POUR ÊTRE HEUREUX ?
Critique du film
Auréolé du Cristal du long-métrage au festival d’Annecy, qui récompense le meilleur film d’animation de chaque édition, et fier d’avoir été le seul film d’animation sélectionné au festival de Cannes cette année, Le Petit Nicolas – Qu’est ce qu’on attend pour être heureux ? parviendra dans nos salles obscures avec une résonance nouvelle depuis cette mise en lumière printanière : l’occasion de rendre hommage à Sempé, récemment disparu.
Au départ, Amandine Fredon et Benjamin Massoubre avaient pour projet de réaliser un film documentaire mêlant les vidéos d’archives de Jean-Jacques Sempé et René Goscinny aux histoires dessinées du Petit Nicolas. Au final, leur projet a muté pour finalement devenir pleinement un film en animation, ce choix s’imposant en pleine cohérence pour retranscrire au mieux l’univers des auteurs. Mêlant dans son récit la vie des auteurs et les aventures du petit Nicolas, ce si joli film d’animation a vu le jour grâce à un travail de réécriture en pleine collaboration avec la romancière Anne Goscinny, fille de René, apportant son regard forcément biographique pour donner plus de véracité aux tranches de vie des deux créateurs – auxquels Laurent Lafitte et Alain Chabat prêtent leur voix.
Devenus cultes dans d’innombrables foyers français, les livres du Petit Nicolas se transmettent de générations en générations. Benjamin Massoubre, lui-même, a hérité de sa passion pour le jeune personnage grâce à son père, et il ne manque pas de transmettre le virus à ses enfants aujourd’hui. Dans cette optique, célébrer une telle oeuvre représentait un sacré challenge, que le tandem de cinéastes relèvent haut la main, Qu’est-ce qu’on attend pour être heureux reflétant pleinement l’amour et la sincérité envers Le Petit Nicolas, réincarnant avec fidélité l’élégance du trait de Sempé et l’esprit de Goscinny.
En se replongeant dans l’histoire de Sempé et Goscinny, et celle de leur personnage culte ayant traversé les époques, le film met en lumière les traumas familiaux des deux artistes : ceux d’une enfance douloureuse pour Sempé (avec un père violent) et le lourd poids de l’histoire pour Goscinny, dont la famille fut déportée durant la Seconde Guerre Mondiale. L’on découvre alors comment les aventures du Petit Nicolas sont devenues une sorte d’exutoire, une échappatoire créative permise par leurs coups de crayon et leurs savoureuses lignes de dialogues. Ou comment retrouver le parfum d’une enfance qu’il n’a pas toujours été possible de savourer. Et puis il y a cette ode à Paris, capitale presque fantasmée par le provincial, Sempé, et l’ancien exilé, Goscinny – qui voyagea longtemps, d’Argentine aux Etats-Unis, loin de sa ville natale. Cette ville romantique et intemporelle, havre de nostalgie et de poésie, qui inspira et inspire encore tant d’artistes.
Avec Le Petit Nicolas – Qu’est-ce qu’on attend pour être heureux, Amandine Fredon et Benjamin Massoubre redonnent joyeusement vie au petit garçon et suit les deux hommes dans un Paris qui fleure bon les années 30, avec ses ruelles pleines d’histoire(s) et de rêves. Un décorum agrémenté par la partition jazzy de Ludovic Bource et, bien sûr, le célèbre tube de Ray Ventura, « Qu’est-ce qu’on attend pour être heureux ? », qui résonne comme un crédo pour ce formidable moment de tendresse, vecteur de joie et d’optimisme. Un feel good movie qui fait la part belle à l’amitié et à la résilience, et surtout un bel hommage à ces deux amis devenus deux grands artistes entrés dans la postérité.
Bande-annonce
12 octobre 2022 – D’Amandine Fredon et Benjamin Massoubre
