INGMAR BERGMAN, CARNETS 1955 – 2001
Un voyage dans l’intimité et l’univers de l’un des plus grands réalisateurs de l’histoire du cinéma.
Voici enfin en français, la première traduction au monde des Carnets d’Ingmar Bergman, dont la publication originale avait eu lieu en 2018 pour le centenaire du cinéaste et homme de théâtre suédois décédé le 30 juillet 2007, le même jour que Michelangelo Antonioni. Cet imposant ouvrage de plus de mille pages, à la fois journal intime et coulisses de la création d’un des plus influents artistes du vingtième siècle.
Entre 1955 et 2001, tous les matins, Bergman écrit même lorsqu’il n’a rien à dire. Il se pose la question de savoir s’il écrit pour se calmer ou parce qu’il a réellement envie d’écrire. Il reconnaît pactiser avec de puissantes pulsions et constate « qu’il y a tant de colère ». Une des grandes interrogations de l’homme : « Que s’est-il passé dans ma vie pour que je devienne un tel handicapé des sentiments ? ».
Uniquement constitué de notes inédites, à l’exception de très rares passages, ce livre offre une extraordinaire immersion dans l’esprit d’un homme en proie aux affres de la création, qui nous livre son monde intérieur, un monde sans tabou, une vision sans concessions de l’homme, du monde et de lui-même. Comme il l’écrit en 1962 : « Je demande le droit de produire une feuille de papier de verre. Et que celui qui veut s’y frotter, s’y frotte. »
Introspection, secousses intérieures, ressassements parfois d’obsessions ou de fantasmes, tout cela sourd d’un recueil qui parle de théâtre – rappelons que Bergman a monté des auteurs aussi divers que Strindberg, Shakespeare, Molière ou Tchékhov – de cinéma et des grands thèmes de prédilection qui traversent son œuvre : la mort, l’amour, l’absence d’amour, le sens de la vie ou l’absurdité de l’existence.
S’il n’était à n’en pas douter un immense artiste, Ingmar Bergman était une personnalité complexe, pouvant paraître dure, centrée sur elle-même. Il reconnaît d’ailleurs n’avoir jamais sacrifié son intérêt personnel pour ses enfants, par exemple. Il dit n’avoir rien à écrire, semble être dans la détestation de lui-même. On lui a reproché parfois une forme d’indifférence aux grandes problématiques sociales et politiques. Et pourtant, il s’est intéressé à la lutte pour les droits civiques notamment.. Et son approche de la psyché humaine, aussi dérangeante pouvait-elle être ne prouvait-elle pas une forme de quête intérieure d’une certaine forme de vérité, intransigeante, douloureuse et nécessaire ?
On découvre bien sûr énormément d’informations, d’anecdotes dans cet ouvrage, qui peut se voir comme une porte d’entrée vers une œuvre essentielle, qu’on lira comme tel, qu’on connaisse déjà ou pas les films d’Ingmar Bergman. Qu’il voulait faire un film sur Jésus ou envisageait de réaliser une comédie pornographique. Qu’une de ses plus grandes passions était la musique et que le tournage de La Flûte enchantée faisait partie des moments les plus heureux de sa vie.
L’une des qualités de cet ouvrage, et non des moindres, vient de sa qualité littéraire, de son contenu. Il ne s’agit pas seulement d’un livre sur le cinéma, le théâtre et la création artistique, ce qui serait déjà beaucoup. On a ici également une œuvre à l’intensité, à la vérité et à l’exigence qui évoquent des livres comme « Le Métier de vivre » de Cesare Pavese, pour ne citer qu’un exemple. Un extraordinaire voyage intérieur qui parlera à tout passionné de cinéma et de théâtre, mais aussi à ceux qui regardent en eux pour mieux se comprendre et comprendre le chaos du monde et leurs propres contradictions.
Les Carnets Ingmar Bergman 1955 – 2001 sont édités par Carlotta et disponibles depuis le 17 novembre 2022.