bilan_nov_2022

BILAN | Les meilleurs films du mois de novembre 2022

CHAQUE MOIS, LES MEMBRES DE LA RÉDACTION VOUS PROPOSENT LEUR FILM PRÉFÉRÉ LORS DU BILAN DU MOIS, CELUI QU’IL FALLAIT DÉCOUVRIR À TOUT PRIX EN SALLE OU DANS VOTRE SALON (SORTIES SVOD, E-CINEMA…). DÉCOUVREZ CI-DESSOUS LES CHOIX DE CHAQUE RÉDACTEUR DE LE BLEU DU MIROIR POUR LE MOIS DE NOVEMBRE 2022.

Le choix de Thomas Périllon

COW d’Andrea Arnold

Sa découverte sur grand écran remonte à seize mois. Un premier festival de Cannes, une première montée des marches en Debussy, pour découvrir le nouveau film de la grande Andrea Arnold, et en ressortir les jambes coupées. Pour sa nouvelle (surprenante) nouvelle proposition cinématographique, la britannique signe un documentaire sensoriel doublé d’un manifeste politique visant à secouer les consciences en donnant à voir l’envers du décor. En plaçant l’homme de l’autre côté, du point de vue de la vache, elle vise à déconstruire l’idée reçue collective selon laquelle les vaches produiraient naturellement du lait. Le beau se mêle à l’effroi, dans le dédale métallique d’une exploitation laitière déshumanisée. L’enfer du capitalisme à hauteur de bovin. Les musiques pop assourdissent, l’uppercut fait vaciller. Cow arrive enfin en salle.

Le choix d’Antoine Rousseau

ARMAGEDDON TIME de James Gray

Dépossédé du ‘’final cut’’ de son précédent long métrage (le pourtant passionnant Ad Astra), James Gray reprend le contrôle de son œuvre et s’offre la liberté d’un film plus intimiste et ouvertement autobiographique. Situé au début des années 80 dans les terres natales newyorkaises de son réalisateur, Armageddon Time touche avant tout pour l’(auto)portrait sensible qu’il fait d’un gamin du Queens aux ambitions artistiques contrariées. Mais c’est lorsqu’il associe sa chronique familiale aux bouleversements politiques et idéologiques de l’époque que le film prend une ampleur folle. À la fois universel dans l’émotion qu’il procure et terriblement pertinent dans son propos, Armageddon Time est l’un des sommets de l’année dont l’absence au palmarès cannois n’a toujours pas été digérée par l’auteur de ces lignes.

Le choix de Florent Boutet

SAINT OMER d’Alice Diop

Ce mois de novembre est l’occasion de la sortie de plusieurs des grandes oeuvres de cette année de cinéma, et si choisir un seul de ces films n’a qu’une portée très subjective, il demeure important de souligner le parcours incroyable de Saint Omer, premier film de fiction de la cinéaste Alice Diop après Nous, son très remarqué documentaire sorti l’an passé. Récompensé par le lion d’argent à la Mostra de Venise et le prix Jean Vigo avant une désignation comme représentant de la France aux Oscars, Saint Omer est un de ces gestes forts qui va marquer cette année. S’emparant du sujet universel de la maternité, Alice Diop réalise une merveille d’intelligence où brillent deux magnifiques actrices, Kayije Kagame et Guslagie Malanda. Plus qu’un film de procès, Saint Omer interroge la charge mentale qui pèse lourdement sur chaque femme au moment de ce choix si difficile.

Le choix de François-Xavier Thuaud

PACIFICTION d’Albert Serra

Il y a bien sûr, Armaggedon Time, le très beau film de James Gray que l’Histoire se chargera de placer à sa juste place dans l’immense filmographie du réalisateur américain. Et puis il y a le film d’Albert Serra, fascinante étude d’un microcosme sur lequel plane une indicible menace que le haut-commissaire de la République entretient et subit tout à la fois. Benoît Magimel en pantin colonial qui se rêve marionnettiste (un rôle pas si éloigné du Lucien Cordier de Coup de torchon de Bertrand Tavernier, un des plus beaux rôles de Philippe Noiret) glisse sur le film comme une savonnette, surfant le vague et observant les eaux (troubles) du lagon se refléter dans son regard (clair). Son interprétation tient du jazz, il tient la note et improvise à l’envi. La dernière demi-heure, quasi muette,  finit de plonger le spectateur dans un état second où la pure émotion esthétique le dispute à la sidération. Merci pour le doux choc.

Le choix d’Eric Fontaine

LES REPENTIS d’Iciar Bollain

Peut-on dialoguer avec l’assassin de son mari ? Y-a-t-il la possibilité d’un pardon pour l’indicible ? Des questions que pose le film Les Repentis avec délicatesse, mais sans angélisme. A une époque où les radicalités et l’absence de nuances abondent et où l’apaisement semble impossible, un film comme celui d’Iciar Bollain nous rappelle que le cinéma peut aussi offrir une forme de sérénité qui n’exclue pas l’exigence de vérité et la lucidité. Très beaux portraits d’un homme en proie à l’enfer de la culpabilité et d’une femme enfermée dans sa douleur – très beau travail sur le cadre, dans cette œuvre dont la sobriété n’est pas synonyme d’absence d’inspiration – avant d’apprendre à l’apprivoiser. 

Le choix de Victor Van de Kadsye

Pacifiction

PACIFICTION d’Albert Serra

« Fascinant » est le terme que l’on pourrait décrire pour qualifier l’œuvre de Serra. Ravageur dans sa critique politique, hypnotisant par le jeu halluciné de Benoît Magimel, Pacifiction est une oeuvre qui sait mettre son public à rude épreuve et parfois, ça fait un bien fou.

Le choix de Jean-Christophe Manuceau

Armageddon time

ARMAGEDDON TIME de James Gray

Retour en forme et sur des terres plus familières pour le nouveau film de James Gray qui se penche (comme d’autres réalisateurs de sa génération ces dernières années) sur sa propre enfance. S’appuyant sur des seconds rôles solides, des interprétations magnifiques du jeune Banks Repeta et du vétéran Anthony Hopkins, ainsi que sur une photo de Darius Khondji, Gray émeut avec cette histoire d’amitié entre deux garçons, et entre Paul et son grand-père. Sur fond d’avènement du Reaganisme, le réalisateur mêle petite et grande histoire pour aboutir à une tranche de vie dont on ressort bouleversé.

Le choix d’Audelia Parmantier

Pacifiction

PACIFICTION d’Albert Serra

Pacifiction est une expérience atypique, sorte de rêve que l’on fait à moitié éveillé: entre paysages baignés d’une atmosphère moite, intrigue qui demeure sans réponse durant tout le film et personnages déconcertants mais ne laissant jamais indifférent, Albert Serra nous livre une oeuvre curieuse et envoûtante. Benoît Magimel en impose par son talent et son naturel déconcertant à jouer une sorte de loser magnifique, et nous emporte avec succès dans l’errance de son personnage.

Le choix d’Emilien Peillon

Pacifiction

PACIFICTION d’Albert Serra

Peut-être avez-vous vu dans la réception dithyrambique de Pacifiction la nouvelle incarnation de ces films-paquebots, grande démarche radicale qu’il est obligatoire d’aimer, alors que ce n’est pas votre tasse de thé (c’est mon cas). Pourtant, l’éternel rythme élégiaque, les dialogues rompus où personne ne semble s’écouter ni se répondre, ainsi que la dimension vaguement introspective de l’ensemble s’articulent progressivement, à mesure que l’on plonge dans l’ambiance assommante de cette Polynésie lointaine. Là où la plupart des autres films s’éparpillent sans propos, Pacifiction fait de la disparition de sens son arme première et se désagrège lentement, dans les couleurs de la nuit. L’œuvre d’Albert Serra s’apparente alors à un Miami Vice dépossédé de toute action, de presque toute intrigue, où tout se rapporte au personnage principal, homme politique au complet blanc tour à tour démagogue, manipulateur, désabusé, séducteur et philosophe, campé par un Benoît Magimel charismatique mais monstrueux. Le réalisateur prend réellement la température de quelque chose, reste à définir ce dont il s’agit exactement à l’issue du film.