ALIS
Comment se construire une « nouvelle vie » quand on est né dans la pauvreté ? Par un acte créatif, huit adolescentes ayant vécu dans les rues de Bogota donnent vie à une camarade de classe fictive.
Critique du film
Les réalisateurs d’Alis, Nicolas van Hemelryck et Clare Weiskopf, parents de deux filles, souhaitaient explorer la place de la femme dans le monde. À partir d’un processus qu’ils avaient mis en place dans un atelier qu’ils animaient depuis 2016, ils ont posé leur caméra dans un internat public pour filles en Colombie, à Bogota. Ce dispositif créatif, cinématographique et ludique – peut-être même thérapeutique, qui sait ? – est le suivant : on demande à huit jeunes filles, marquées par l’abandon, des violences qu’elles ont subies ou qui ont emporté un proche, voire plusieurs, de fermer les yeux et d’imaginer une camarade imaginaire : Alis. Et de lui construire une histoire, un parcours de vie.
Très vite, on devine que ces jeunes intervenantes, souvent lumineuses et pleines de vie, malgré les blessures, les cicatrices et un parcours cabossé, parlent beaucoup d’elles-mêmes, de leurs souffrances, de leurs fêlures, mais aussi d’une certaine façon de leur vision de la vie et de leurs espoirs. Cette distanciation offerte par ce dispositif leur permet de voir différemment leurs propres expériences, de relativiser l’indicible et de constater qu’un avenir est toujours possible. Que la force, la résilience et l’humour ne les ont pas quittées.
Ce documentaire qui a remporté plusieurs prix constituera pour beaucoup une véritable bouffée d’oxygène, d’espoir et de vitalité. Voir et écouter ces huit jeunes filles raconter, à travers cette amie imaginaire de telles tragédies intimes, familiales, mais toujours avec pudeur et dignité et sans perdre cette force de vie qui permet de tenir le coup, voilà qui remet à leurs places beaucoup de nos préoccupations, de nos doutes et angoisses du quotidien. Le processus engagé par Nicolas van Hemelryck et Clare Weiskopf devient une très belle réussite humaine, enrichissante pour ses auteurs, ses spectateurs et on l’espère de façon durable pour ses intervenantes dont le courage force le respect.
Bande-annonce
25 janvier 2023 – De Clare Weiskopf et Nicolas van Hemelryck