LES STAGIAIRES
DEUX QUADRAS VRP APPRENNENT BRUTALEMENT QUE LEUR PATRON A DÛ METTRE LA CLÉ SOUS LA PORTE. ILS TENTENT ALORS DE RETROUVER UN BOULOT À UNE ÉPOQUE OÙ LEURS COMPÉTENCES SONT QUASIMENT DEVENUES OBSOLÈTES. AU CULOT, ILS EMBROUILLENT LES RECRUTEURS DE GOOGLE POUR OBTENIR UN STAGE, SUSCEPTIBLE DE SE TRANSFORMER EN CONTRAT À LONG TERME. Si l’on rapproche Les Stagiaires de The Company Men (John Wells, 2011) – dans lequel d’ex-cadres sup friqués étaient amenés à accepter de travailler dans le bâtiment pour ne pas stagner à la case chômage – et de Il n’est jamais trop tard (Tom Hanks, 2011) – où un employé senior tout juste licencié décidait de reprendre ses études en envisageant un changement de cap professionnel -, se dessinent les contours d’un nouveau sous-genre du cinéma américain centré sur les victimes des licenciements économiques en période de crise. Loin d’un cinéma social à l’européenne, et notamment français, dans lequel l’entreprise est souvent perçue et montrée comme une machine à broyer de l’humain (De bon matin, L’emploi du temps, Violence des échanges en milieu tempéré, Rien de personnel…) et où la question de la lutte des classes reste plus ou moins accentuée (Fair play, La Très très grande entreprise, Ma part du gâteau, Louise Michel…), ce qui prévaut dans ces exemples américains est la capacité de résilience de ces néo-chômeurs. Autrement dit, comment ces individus peuvent transformer ce passage difficile en opportunité. Ou, comment, au mythe du self-made man se substitue celui du self-remade man. Oubliés le cynisme, l’arrivisme, le matérialisme et l’ambition king-size des yuppies érigés en modèles durant les 80’s et une partie des 90’s, aujourd’hui, c’est la simplicité et l’humilité qui priment. « Il faut savoir retrouver les vrais valeurs et se concentrer sur ce qui compte vraiment », est le mantra de ce début des années 2010. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si le bad-boy des Stagiaires, un jeune loup bardé de diplômes prestigieux qui ne s’intéresse qu’à ceux qui pourraient lui être « utiles » dans son ascension vers le succès, aura droit à une humiliation publique parce que sa mentalité ne sera jamais soluble dans « l’état d’esprit Google », la « Googleness », comme on dit là-bas.
Apologie de l’open space…
C’est d’ailleurs ici que Les Stagiaires trouve sa limite. En faisant du mastodonte de la Silicon Valley, un havre de bonheur en open space, où l’on a l’air de travailler comme si l’on était en récré, il oublie de dire que tous ces aménagements ludiques contribuent également à amincir la frontière entre temps libre et temps de travail et à faire que le second prédomine sur le premier, à rendre ses salariés plus « captifs ». Très vite d’ailleurs, dès que les personnages pénètrent dans les locaux de Google, la comédie amorcée jusque là vire au film promotionnel en version longue. Chaque gag, chaque nouvelle étape du scénario, chaque personnage, devient un prétexte pour évoquer l’ensemble des activités et services proposés par la firme au logo aux quatre couleurs : du moteur de recherche à gmail, en passant par les applications, YouTube, les voitures sans conducteur ou les solutions publicitaires… c’est un véritable catalogue qui se déploie sous les yeux du spectateur. Ce qui donne la désagréable impression que la sortie au cinéma se transforme en exploitation forcée du fameux « temps de cerveau disponible » du public. Le générique de fin, qui aurait parfaitement trouvé sa place entre un spot pour une marque de lessive et un autre pour des chocos, enfonce le clou : les noms des acteurs, techniciens, musiciens, etc… sont mis en scène dans les différents supports de Google (Google Images, Google Traduction, Google +…). L’agencement est certes ingénieux, mais surtout déconcertant. Google n’a certes pas participé au financement des Stagiaires, mais elle a laissé les équipes tourner plusieurs scènes dans ses locaux en échange d’un droit de regard sur le montage final. Dans la réalité, le recrutement ne passe pas par une compétition entre équipes de stagiaires : pourquoi dans ce cas avoir laissé le scénario se développer autour d’un tel concours ? Si ce n’est parce que, au final, il s’agissait du meilleur moyen de faire triompher la « Googleness »… Dans ce cas, le cynisme des années 1980 n’a peut être pas complètement pris le large. On en oublierait presque que la comédie promise n’est jamais apparue à l’écran. – FabR
RÉALISÉ PAR SHAWN LEVY
USA – 119 MIN – COMEDIE PUBLICITAIRE
AVEC OWEN WILSON, VINCE VAUGHN
26 JUIN 2013
Merci de conforter mes impressions… je me contenterai de la BA ^^
[…] est une suite sans grand intérêt, aux gags recyclés et aux acteurs en roue libre. Shawn Levy (Les Stagiaires) n’offre qu’un vague bon moment quelque peu insipide. Resteront ces derniers mots […]