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TÓTEM

Sol a 7 ans, et doit passer la journée dans la maison de son grand-père. Le soir venu une petite fête sera donné en l’honneur de son père, très malade, pour célébrer son anniversaire en présence de toute sa famille.

Critique du film

Pour son deuxième long-métrage en tant que réalisatrice, après La Camarista en 2018, Lila Avilés choisit de regarder une enfant de 7 ans, Sol, qui passe la journée dans la maison de son grand-père. Déposée par sa mère, elle doit participer à une fête le soir-même donnée en l’honneur de son père, gravement malade. Les fondations de ce film sont radicalement mexicaines, en cela qu’il regarde la mort à la manière si particulière de ce grand pays d’Amérique du Nord où l’on célèbre les défunts plus qu’on ne les pleure. C’est avec ce point culturel précis qu’il faut aborder la nature profonde de Tótem et tenter de l’analyser dans tous ses aspects, avec une couleur presque animiste mais aussi terriblement sensible. L’autre point important de cette histoire est l’importance accordée à la famille, reconstituée entre acteurs confirmés et d’autres découvrant le métier par le biais de ce tournage.

Présenté en compétition à la Berlinale 2023, Tótem partage des similarités avec Nos Soleils de Carla Simón, Ours d’or en 2022. Les deux réalisatrices ont pris le même soin à composer une famille qui respire l’authenticité en captant l’essence de chaque personne pour créer une mémoire commune qui crève l’écran. Chaque personnage existe, révélé en quelques traits et petits détails pour devenir plus qu’une silhouette et constituer de cette façon un élément d’une somme palpable. L’autre point commun entre les deux films est la présence quasi organique de la maison, ici un lieu chargé de symboles et de vie où l’on se prépare à l’événement qui va suivre et se présente comme l’apothéose de la journée, un rituel important. Ce concept est poussé dans Tótem jusqu’au mysticisme, comme l’atteste plusieurs scènes importantes.

Le lieu se charge d’une énergie particulière, culminant au moment de l’exorcisme administré par une spécialiste qui effectue une série de gestes précis pour vaincre esprits et ondes négatives dont serait chargée la maison. Il faut souligner le fait que cette scène est dédramatisée par un humour très léger, tournant en dérision les « talents » de la vieille femme réalisant le rituel, sans vraiment se moquer d’elle non plus, déroulant quelques lignes de dialogue aidant à prononcer une rupture de ton salutaire qui adoucit la tonalité du film. Cette « guérison » de la maison presque chamanique est intéressante en cela que la maladie semble omniprésente pour cette famille. La grand-mère a succombé à cause d’un cancer, le grand-père porte encore les stigmates du sien, les cordes vocales amputées, et le père de Sol lui aussi est terriblement affaibli et jugé proche de la mort.

Cette thématique qui envahit le plan jusqu’à la fête finale, ne le gangrène pourtant pas totalement, conservant une atmosphère joyeuse, surtout dans ces derniers instants où ce jeune père sort de ses difficultés motrices pour redevenir l’espace de quelques instants l’homme qu’il a été, souriant et actif dans les célébrations organisées spécialement pour lui. Si tout cela n’est qu’une forme de baroud d’honneur, laissant temporairement la mort dans le hors-champ, c’est un témoignage assez fort d’une différence culturelle sur la gestion du deuil, inévitable, qui attend son heure pour occuper la scène complètement. La nature quelque peu évaporée du film, l’absence de tension dramatique suffisamment marquée, l’empêche de vraiment imprimer les esprits et donner une autre dimension à cette histoire. En quelque sorte, il souffre de son rythme lent, fruit des intentions de la réalisatrice et de sa sensibilité pourtant magnifique.

Tótem demeure une très belle tentative de regarder le drame par l’intermédiaire des yeux d’une enfant, avec déjà en elle une maturité de ceux qui ont déjà connu de graves instants et ont appris à contenir leurs émotions pour les canaliser dans les moments difficiles. Pour toutes ces raisons, ce portrait familial est un beau cadeau présenté aux spectateurs, avec un casting majoritairement féminin particulièrement attachant.

Bande-annonce

30 octobre 2024 – De Lila Avilés, avec Naíma Sentíes, Montserrat Marañon et Marisol Gasé.


Présenté en compétition à la Berlinale 2023