THE LOST KING
Critique du film
Qu’il s’agisse d’adapter des classiques littéraires ou des histoires vraies, Stephen Frears n’investit jamais un scénario en se plaçant au-dessus de ses personnages. Au contraire, le réalisateur des Liaisons Dangereuses articule systématiquement sa mise en scène à hauteur des protagonistes auxquels il s’intéresse. The Lost King ne fait pas exception. Le cinéaste y retrouve les scénaristes Jeff Pope et Steve Coogan, 8 ans après le joli succès de Philomena. Le trio se réunie cette fois pour porter à l’écran une version dramatisée de l’histoire de Philippa Langley, historienne britannique amatrice, (re)connue pour avoir découvert les ossements de Richard III, 500 ans après leur disparition.
Le projet de The Lost King pourrait être résumé à lui seul dans la mention qui achève son générique d’ouverture. La traditionnelle caution marketing ‘’Tiré d’une histoire vraie’’ est ici accompagnée d’une mention supplémentaire : ‘’son histoire à elle’’. Elle, c’est Philippa, une femme discrète au quotidien tout sauf épanouissant. Entre une promotion professionnelle manquée (pourtant légitime), deux adolescents à gérer et un ex-mari présent mais légèrement condescendant, Philippa peine à trouver sa place et un tant soit peu de reconnaissance auprès de son entourage. Au hasard d’une représentation de Richard III à Édimbourg, elle se prend subitement d’intérêt pour la figure controversée du ‘’roi usurpateur’’. Le monarque était-il aussi cruel et physiquement repoussant que le laisse entendre la pièce de Shakespeare ? Une question qui ne cesse de résonner dans l’esprit de Philippa, bientôt convaincue que le roi déchu a été victime d’une injustice historique et qu’il mérite d’être réhabilité…
De l’écriture à la mise en scène, Frears et ses scénaristes concentrent tous leurs efforts pour faire briller leur attachante héroïne à chaque étape de son parcours. À la manière du combat de Philippa pour poser un regard nouveau sur un homme unanimement dénigré au fil des siècles, le film s’attache à rendre justice à cette femme issue d’un milieu modeste et largement méprisée car perçue comme illégitime dans le travail universitaire qu’elle entreprend. La comparaison pourrait prêter à sourire, mais elle est opérée avec un premier degré et une absence totale de cynisme. Cela confère au film un charme sincère un brin naïf, pas très éloigné de celui ressenti dans Philomena. Les deux films utilisent d’ailleurs un schéma et des enjeux narratifs très similaires.
Pour autant, difficile de pardonner à The Lost King son manque de nuances pour représenter le monde universitaire auquel l’historienne en herbe se retrouve progressivement confrontée. Nul doute que la véritable Philippa ait dû subir un mépris de classe systémique et une misogynie crasse lors de sa croisade. Certains dialogues ou attitudes faussement bienveillantes à son égard – notamment lors de scènes d’interactions avec de potentiels investisseurs – demeurent particulièrement éloquents à ce sujet. Mais en voulant souligner le statut ‘’David contre Goliath’’ de son héroïne, le long-métrage n’échappe pas une forme de caricature. Les représentants de l’université de Leceister sont ainsi dépeints comme des personnes cupides et sans scrupule, moins intéressés par la découverte historique que par le merchandising que celle-ci va pouvoir générer. Dans ces moments, le script dévoile des lourdeurs d’écriture qui rendent l’affrontement entre Philippa et le système académique très artificiel.
Inégal mais jamais déplaisant à suivre, The Lost King vaut surtout pour son récit d’émancipation inspirant et le portrait touchant qu’il dresse d’une femme prête à déplacer des montagnes car portée par la flamme de ses convictions. À la fois fragile et déterminée, Sally Hawkins incarne à merveille les contradictions qui émanent de son personnage. En jouant sur différentes tonalités, l’actrice de La forme de l’eau finit par apporter un peu de profondeur à un script qui en manquait cruellement.