THE END (FRAGMENTS ARTIFICIELS DE L’ESPÈCE HUMAINE)
C’est peut-être l’histoire d’Esther dont la vie semble soumise à l’amusement d’un lapin cliquant, la souris à la patte ? Ou bien celle de Corinne harcelée par son patron libidineux? Ou celle d’un jeune homme rêvant quotidiennement qu’il étrangle une femme ? Et si tout était lié ?
Critique du film
Difficile à dire. Œuvre protéiforme, non-linéaire et morcelée, The End… est une expérience, comme on a peu l’habitude d’en voir au cinéma. Mais s’il y a un environnement propice pour la découvrir, c’est bien sûr l’Étrange Festival. Véritable vivier de trouvailles visuelles et sensorielles, The End… fait dans l’expérimental foutraque et transforme ses images en matière aussi imprévisible qu’étonnante, que l’on pourrait comparer à du « slime ». Tout comme cette substance visqueuse et colorée, The End… est un objet paradoxalement gluant mais sec, aussi frais que tiède, aussi rassurant que dérangeant.
Il aura fallu cinq années à Aurélien et Olivier Héraud pour que leur création finisse par voir le jour. Avec un budget minime, ces deux frères curieux et surdoués ont confectionné une série de saynètes sans rapport apparent les unes entres les autres, reliées toutefois par une narration singulière et un goût certain pour l’expérimentation, qu’elle soit technique ou narrative. À tel point qu’il serait vain d’essayer de donner du sens à tout ça. Pourtant, en abordant aussi bien des sentiments d’angoisse, de jouissance, de pulsions ou de frustrations, The End… est une œuvre qui transpire le cinéma et qui se réinvente scène après scène.
Avec un sens aigu du montage et de la transition, les frères Héraud alternent entre visions cauchemardesques et situations comiques, voire absurde, si bien qu’on se retrouve avec des sentiments similaires à ceux rencontrés devant un bon épisode de Black Mirror (soit ceux des trois premières saisons), un film de Radu Jude ou même de Roy Andersson dans sa période actuelle.
Réalisé avec un budget minime, The End… met en avant un beau travail sur la lumière, très aboutie, qui ne trahit en rien l’économie du film. Œuvre hybride et complexe, les frères Héraud réalisent ici un hommage au septième art et à sa pluralité. Ils signent ainsi une entrée remarquée dans le monde du cinéma débridé et joyeusement chaotique.