LE CONSENTEMENT
Paris, 1985. Vanessa a treize ans lorsqu’elle rencontre Gabriel Matzneff, écrivain quinquagénaire de renom. La jeune adolescente devient l’amante et la muse de cet homme célébré par le monde culturel et politique. Se perdant dans la relation, elle subit de plus en plus violemment l’emprise destructrice que ce prédateur exerce sur elle.
CRITIQUE DU FILM
Le 2 janvier 2020, Le Consentement, le premier livre de Vanessa Springora est publié. Trois décennies après sa rencontre avec Gabriel Matzneff, alors qu’elle était adolescente, l’autrice sort du silence et dépeint l’emprise. Son récit courageux, puissant et implacable, éclaire les dérives d’une société où le talent et la notoriété semblent suffire à éclipser la monstruosité. En plein essor du mouvement #MeToo en France, le témoignage de Vanessa Springora est accueilli avec un immense soutien et provoque une onde de choc médiatique.
En 2023, le récit est porté à l’écran par Vanessa Filho (Gueule d’ange), avec Jean-Paul Rouve dans le rôle de Gabriel Matzneff et Kim Higelin, qui incarne Vanessa Springora. Si l’on peut se réjouir d’y voir une nouvelle opportunité pour Le Consentement de résonner davantage (surtout lorsqu’on sait que Gabriel Matzneff a été très peu inquiété par la justice pour les crimes qu’il a commis), retranscrire toute la finesse, la complexité et la force de ce témoignage en images constituait un réel défi. Et force est de constater que les (longues) deux heures trente du film ne parviennent pas à rendre justice au choc du livre.
Pour tenter de transcrire la puissance des mots choisis par Vanessa Springora, le long-métrage s’obstine à donner à voir. Donner à voir la monstruosité dans son plus simple appareil, à grand renfort de scènes explicites, certes glaçantes, mais répétées jusqu’à noyer le propos du film dans ses images. Donner à voir des personnages qui peinent à sortir du papier, restant de pâles portraits, frôlant les caricatures du récit original. Donner à voir l’enfer de l’emprise et les séquelles, oui, mais trop peu le courage et la résilience.
Si le film est dense, il passe pourtant à côté de plusieurs éléments marquants du livre comme l’échange entre Vanessa et une autre jeune fille, également victime de Gabriel Matzneff. Le long-métrage se contente de guider nos émotions (notamment à travers la musique, trop présente) vers le malaise, puis la colère, là où le livre alimente une profonde réflexion sur la complaisance de la sphère littéraire de l’époque et l’immunité, immonde et tacite, des artistes.
On note tout de même quelques bonnes idées dans cette adaptation filmée. D’abord, lorsque l’intervention de Denise Bombardier sur le plateau d’Apostrophes est diffusée en plein écran. En 1990, la journaliste québécoise a été la seule à condamner Gabriel Matzneff sur un plateau de télévision, où il était, d’ordinaire, apprécié. Et pour symboliser la réception de ce discours à l’époque (Denise Bombardier ayant reçu de violentes menaces suite à la diffusion de l’émission), cette séquence est coupée brusquement par la mère de Vanessa (incarnée par Laetitia Casta), qui éteint la télévision.
Ensuite, le choix judicieux d’Elodie Bouchez pour incarner Vanessa Springora adulte. C’est seulement lorsqu’il touche à sa fin, que le long-métrage commence à puiser dans la force du livre, celle qu’on aurait voulu voir à l’écran. L’actrice dit alors avec le talent qu’on lui connaît, les mots de l’autrice, ces mots qui restent en mémoire longtemps après que l’on ait tourné la dernière page : « Depuis tant d’années, mes rêves sont peuplés de meurtres et de vengeance. Jusqu’au jour où la solution se présente enfin, là, sous mes yeux, comme une évidence : prendre le chasseur à son propre piège, l’enfermer dans un livre. »
Si, malgré ses bonnes intentions, l’adaptation de Le Consentement fait pâle figure à côté de l’œuvre originale, espérons tout de même qu’elle donne envie aux spectateurs de découvrir le livre, immense et nécessaire.
Bande-annonce
11 octobre 2023 – De Vanessa Filho, avec Jean-Paul Rouve, Kim Higelin, Laetitia Casta