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CESÁRIA ÉVORA

Cesária Évora surnommée »La Diva aux pieds nus » n’a pas toujours connu la célébrité. Ce documentaire riche d’images d’archives inédites retrace les luttes, les excès et les succès de la légendaire chanteuse capverdienne qui rencontra tardivement la gloire internationale. D’une enfance difficile à des décennies de pauvreté, rongée par l’alcool et la dépression, elle finira par faire briller sa musique à travers le monde, la consacrant reine de la Morna. Profondément engagée et généreuse, son seul rêve fut d’être une femme libre.

Critique du film

C’est une belle et triste histoire que raconte ce film, belle comme les chansons de « la diva aux pieds nus » qui connut une reconnaissance tardive et mondiale, triste comme sa voix qui transpirait le soleil du Cap-Vert mais aussi des abysses de mélancolie.

Une voix sans toit, voilà comment pourrait se résumer les cinquante premières années de Cesária Évora. Elle aurait aussi bien pu chanter toute sa vie dans les bars de Sao Vicente si elle n’avait pas croisé la route de José da Silva, cheminot français devenu producteur. Placée sur les rails du succès, la carrière internationale de la chanteuse ne changea pas la femme, devenue ambassadrice de son île et bienfaitrice de ses habitants. Ana Sofia Fonseca a eu accès a nombres d’archives familiales et professionnelles. Ce matériau est à la fois la force et la faiblesse de son film, riche de souvenirs mais souvent de piètre qualité pour une exploitation cinématographique digne de ce nom.

Cap-Vert et idées noires

Même en tournée huit mois par an, Cesária éprouvait le besoin de venir se ressourcer près de l’océan. Capverdienne jusqu’au bout des orteils que le monde entier a fini par connaître (chanter pieds nus était devenu une partie de sa légende mais la réalité est plus pragmatique, elle a toujours souffert de verrues), la chanteuse était sans cesse à l’affût, à Paris comme à Los Angeles, de ses concitoyens exilés. C’est ainsi qu’elle transporta jusque dans sa loge du Hollywood Bowl, une marmite de cachupa, le plat national de l’archipel.

CESARIA EVORA

Si voyager lui coûtait, c’était aussi une manière d’affirmer sa liberté, valeur qui semblait inscrite dans ses gênes. Le même sentiment qui la poussait à fuguer de l’orphelinat où sa mère la plaça à 7 ans après la mort de son père et à bousculer les conventions dans les salles de concert. Lors de sa première tournée parisienne, elle obtint d’avoir sur la scène du Théâtre de la ville, une petite table avec cigarettes et whisky en guise de choristes. L’alcool fut longtemps un carburant nécessaire pour monter sur scène, toute la difficulté étant pour la production, de savoir dérober le verre de trop. Il s’agissait, en l’occurrence, de surmonter une forme de timidité mais Cesária buvait aussi pour chasser des démons intérieurs.

Légende vivante

Alors que le Cap-Vert fêtait son indépendance en 1975, Cesária n’y était plus pour personne. 11 années durant, la dépression la coupa du monde, jusqu’à la rencontre avec José da Silva. Plus qu’une parenthèse, un gouffre dans la vie d’avant la diva. Il y avait probablement quelque chose d’écrit entre elle et la Morna, cette musique nostalgique et plaintive que personne n’incarnera avec autant de sincérité. Sodade en deviendra l’hymne, la plus belle chanson du monde, qui donne envie de danser en pleurant ou de pleurer en dansant. Le morceau conte l’histoire des cap-verdiens, affamés par le régime de Salazar, partis travailler à Sao Tomé dans les plantations de canne à sucre dans des conditions de semi-esclavage.

CESARIA EVORA

Le manque, Cesária le connut longtemps. L’humiliation aussi, elle dont on aimait la voix mais à l’on faisait comprendre que son physique n’entrait pas dans les standards recherchés. À la fin des années 80, la chanteuse profita de l’essor de la world music. Qu’importe l’étiquette, pourvu qu’on ait les frissons. Quand elle fut à l’abri du besoin, elle n’eut de cesse d’ouvrir sa maison aux laissés pour compte et de distribuer sans compter et sans distinguer les nécessiteux des parasites. Puis en 2005, à une dépression suivit une phase maniaque aiguë, deux faces d’une même maladie, aussi pénibles et déconcertantes l’une que l’autre pour son entourage. C’est une légende vivante qui s’éteignit à la fin de l’année 2011.

Un soleil traversé d’ombres, c’est ainsi qu’apparaît Cesária Évora. Le film enchaîne archives et témoignages sans grande originalité, mais il a le mérite de donner à voir une trajectoire hors du commun d’une femme hors du commun à la voix hors du commun.

Bande-annonce

29 novembre 2023 – De Ana Sofia Fonseca