IL ÉTAIT UN PÈRE
Dans une ville de province, Shuhei Horikawa, un enseignant veuf, mène une vie modeste avec Ryohei, son fils unique. Lors d’un voyage scolaire, un élève se noie. Shuhei prend la responsabilité de l’accident et décide de retrouver sa région natale. Au cours du voyage, père et fils discutent de la vie et du temps futur. Shuhei annonce à son fils qu’il ira étudier en internat, impliquant inexorablement leur éloignement l’un de l’autre.
Critique du film
Réalisé en 1942, Il était un père n’a connu une sortie française qu’en 2005 grâce à Carlotta Films qui l’avait alors fait connaître aux cinéphiles dans une très belle version légèrement différente de celle ressortie depuis quelques jours en salle. En effet, nous avons droit ici à des scènes inédites qui avaient été censurées par l’occupant américain. Des allusions à la seconde guerre mondiale avaient été supprimées et ont été rétablies, contribuant à enrichir le contexte de l’histoire.
Il était un père brasse plusieurs thèmes très puissants. Tout d’abord, bien sûr, celui de la relation père-fils, ici très forte avec un enfant, puis jeune adulte qui veut absolument se plier aux désirs de son père, quitte à s’oublier, voire à se sacrifier. Le père veut pour son enfant le meilleur avenir et le place donc dans un internat. Très porté sur le devoir et une vision assez rigoureuse de l’existence, il inculque à son fils des leçons de vie qui font passer au second plan la sensibilité et le besoin de proximité. Avec le risque de passer à côté de certaines choses, de la vie. Le père réalisera d’ailleurs que le meilleur de son existence se trouve certainement concentré sur les dix jours passés avec son fils, vers la fin de sa vie.
Yasujiro Ozu, qui vécut toute sa vie avec sa mère – et il mourut d’ailleurs très peu de temps après elle, magnifie ici les différents liens qui se tissent entre père et fils, mais aussi avec sa belle-famille. Et lorsque le fils part avec son épouse, il lui propose d’inclure sa famille dans leur foyer. Il est aussi beaucoup question de culpabilité. Le père s’estime responsable de la mort d’un enfant qui s’est aventuré sur une barque et s’est noyé. Ne se sentant plus digne d’être enseignant et avouant même sa peur de se retrouver face à des responsabilités écrasantes, il préfère démissionner et renoncer à une carrière pourtant prometteuse et les retrouvailles avec d’anciens élèves, plusieurs années après font comprendre à quel point cet enseignant était compétent et influent auprès de ses élèves. La transmission constitue un thème là aussi très prégnant.
Toute la sensibilité d’Ozu illumine ce merveilleux film tout en nuances et délicatesse. Une véritable ode à la famille se dessine dans cette œuvre magnifique, où l’on ressent à la fois de la tendresse pour les personnages et une profonde émotion en découvrant cette histoire.