MAMBAR PIERRETTE
La ville de Douala trépigne à l’approche de la rentrée scolaire. Les clientes se bousculent pour que les vêtements des enfants et des cérémonies soient prêts à temps. Plus qu’une simple couturière, Pierrette est aussi la confidente de ses clientes et d’une génération. Mais de fortes pluies menacent d’inonder son atelier – un malheur parmi d’autres – Pierrette va devoir rester à flot.
Critique du film
Après avoir réalisé plusieurs documentaires en Belgique, dont le très émouvant Les Prières de Delphine, Rosine Mbakam est allée tourner Mambar Pierrette dans son Cameroun natal, avec sa cousine Mambar Pierrette Aboheu, qui signe également les costumes de cette œuvre d’une grande délicatesse et d’où se dégage une authentique et profonde émotion.
La réalisatrice a mis en scène un premier long-métrage de fiction tout en gardant une recherche de réalisme, un soin du détail qui viennent magnifier le quotidien, tout du moins ennoblir la lutte de Mambar Pierrette, courageuse, déterminée mais aussi tiraillée entre tradition – respect des anciens, bienveillance envers le plus fragiles – et modernité – ne plus accepter sans broncher la défaillance masculine en la personne de son époux. Mambar Pierrette, ce sont les deux prénoms de la protagoniste, son prénom camerounais et son prénom français. Celle-ci se retrouve confrontée à des difficultés auxquelles elle doit faire face seule. Par pudeur et par souci de dignité, mais aussi pour ne pas inquiéter sa maman, elle garde pour elle les soucis qui viennent assombrir son quotidien et éveiller des craintes concernant ses enfants, leur scolarité et leurs besoins essentiels.
Malgré ses difficultés, la couturière reste bienveillante envers ses clientes, par rapport à ses prix. On se demande même si elle fait payer une femme qui vient d’apprendre que son homme ne viendrait pas – il est au Canada et a annulé son arrivée au Cameroun. Elle semble rester fidèle à ses principes et attache une grande importance à l’éducation de ses enfants, malgré le peu de temps que son travail lui laisse. L’incertitude du lendemain, la précarité de toute chose, encore plus grandes dans des pays comme le Cameroun, tout cela est évoqué avec une grande sensibilité, tout comme les questions de la tradition, des superstitions ou de l’émancipation souvent difficile. Jamais d’apitoiement, ni dans le regard de la protagoniste, véritable héroïne du quotidien au sens fort – éduquer et prendre soin de ses enfants, coûte que coûte, rester honnête et sereine malgré l’adversité – ni dans celui de la réalisatrice.
Tourné avec des interprètes non-professionnels – à une exception près, un personnage masculin – Mambar Pierrette, constitue une œuvre riche thématiquement et constamment passionnante.
Bande-annonce
31 janvier 2024 – De Rosine Mfetgo Mbakam