JOURNAL DE CANNES 2024 | Jour 6 : la compétition ronronne encore
Lundi 20 mai, alors que la deuxième semaine débutait, la compétition poursuivait son chemin après le chaos provoqué par la présentation du très clivant The substance, dont les avis plus mitigés commencent enfin à émerger. De là à penser que l’accueil chaleureux du film de Coralie Fargeat aurait un lien avec le sentiment de déception entourant cette 77e sélection, il n’y a qu’un pas – que l’on pourrait volontiers franchir. Et ce ne sont pas les deux films présentés ce lundi qui ont fait évoluer notre sensation d’être sur une année mineure, peut-être de transition.
Au Grand Théâtre Lumière, Ali Abbasi présentait son nouveau long-métrage, The Apprentice. Bien qu’il se défende de ne pas avoir fait « un film sur Donald Trump, mais sur un système », son film n’a pas suscité grand enthousiasme chez les festivaliers. Notre rédacteur Florent Boutet n’y a vu qu’un « biopic plat à la narration inintéressante, qui pourrait en faire un unitaire Netflix de fonds de back catalogue« . Comme Antoine Rousseau dans sa critique, il relève que « seul le personnage de Cohn, créateur du monstre Trump, mérite l’attention » et aurait certainement du être le sujet véritable.
La déception fut également présente à la découverte de Les linceuls, dernier film en date de David Cronenberg. Si Antoine Rousseau espérait une oeuvre personnelle plus poignante, en liant avec l’histoire personnelle du réalisateur qui a perdu son épouse, le film a rapidement douché ses espoirs. « Le film propose des pistes de réflexion passionnantes sur l’impossibilité du deuil et des histoires qu’on s’invente pour y survivre. Dommage qu’il se perde dans une intrigue vaporeuse qui se refuse totalement à l’émotion« . Florent Boutet est plus sévère, y voyant un « soporifique spectacle qui étire des scènes de dialogues interminables sur des sujets de fonds complotistes iniques« , faisant de Les linceuls une oeuvre qu’il faudra rapidement oublier.
Comme depuis le début de ce festival, c’est du côté des sections parallèles qu’il fallait se tourner pour de belles découvertes. À la Semaine de la Critique d’abord, où était présenté Le royaume, un « très beau film corse qui penche vers le romanesque et la tragédie grecque, là où À son image de Peretti était plus dans le quasi documentaire » note Florent Boutet qui a apprécié cette première oeuvre émouvante.
Au Théâtre Croisette, India Donaldson et sa jeune comédienne (franco-américaine !) Lily Collias ont lancé la présentation de Good one, film remarqué à Sundance en début d’année et sélectionné à la Quinzaine. On a apprécié ce premier long-métrage qui marche dans les pas de Kelly Reichardt, suivant de près sa jeune héroïne alors qu’elle accompagne son père et son ami de longue date pour un long week-end de randonnée forestière, lors duquel elle devra se confronter aux atermoiements des deux hommes. Pudique et minimaliste, le film réussit avec sensibilité et pudeur à raconter le parcours intérieur de la jeune femme à l’aube de sa majorité, trop habituée à être « une fille bien » qui arrondit les angles et se cantonne à son rôle de fille aînée arrangeante.
À Un Certain Regard, enfin, était présenté Santosh, un beau film indé indien qui montre une jeune veuve reprendre le métier de policier de son mari pour se bâtir un avenir. Florent Boutet salue la « construction narrative de très bonne qualité au sein d’une écriture qui est la vraie force du film« .