LE ROMAN DE JIM
Aymeric a vingt-cinq ans mais ne sait que faire de sa vie après une séparation et un séjour en prison. Ses retrouvailles fortuites avec une ancienne connaissance, Florence, quadragénaire célibataire et enceinte de six mois, lui offrent un nouveau départ.
Critique du film
Lorsque la voix de Karim Leklou ouvre Le roman de Jim, elle témoigne d’un homme qui va bien. Un homme qui a trouvé sa place et ne pose plus de questions. Pourtant, les premières images d’Aymeric dévoilent un homme incertain, en quête d’amour et d’identité. Lorsqu’il rencontre Florence, ce besoin est comblé. Elle est enceinte de six mois, et Aymeric la trouve encore plus belle pour cela. Il la photographie constamment, principalement dénudée. Elle est fascinante, libre, spontanée. L’inverse d’une société froide, restrictive, conventionnelle. Son nouveau-né, Jim, est autant son fils que celui d’Aymeric, qui aime à rappeler qu’il est présent depuis sa naissance. Pourtant, dès l’arrivée de Jim, il est traité comme un indésirable : il passe de bras en bras comme un parasite, et aura le sentiment de garder ce statut de paria jusqu’à l’âge adulte.
Parce qu’après le retour de son véritable père, tout s’effondre, pour Aymeric comme pour Jim. Le scénario du film des frères Larrieu est classique. Sa mise en scène l’est également la majorité du temps. Pourtant, les cinéastes signent un long-métrage qui détonne : ses personnages feignent la communication constante et honnête pour justifier leur situation peu conventionnelle (un enfant qui a deux figures paternels et une mère). Le roman de Jim est un mélodrame qui détonne, assumant complètement son ancrage dans le genre, quitte à trop tirer sur ses ficelles scénaristiques pour faciliter notre attache aux protagonistes.
Méli-mélo
Et au milieu de cet équilibre, un fantôme. Christophe, le géniteur de Jim, apparaît par bribes à l’écran. Les Larrieu prennent soin de dévoiler ce quatrième personnage avec retenue, avant qu’il ne finisse par occuper tout l’espace. Aymeric était protagoniste, il devient spectateur : comme nous, il assiste à l’émancipation de la parole de Christophe. De plus en plus bavard, de plus en plus pesant, de plus en plus père. Et même si Florence envoie balader ceux qui oseraient trouver leur trio étrange, les cinéastes ne cachent plus l’évidence : à l’écran, les deux amoureux sont constamment séparés. Par un autre couple, par un meuble, par Christophe. « Il a pris la place du chien », balance même Aymeric. Les Larrieu font intervenir la nuit, qui avait dicté le choix d’Aymeric de se rapprocher de Florence. Cette fois-ci, la nuit les écarte et le réveil est impensable. Ces deux êtres apolitiques (ils n’ont pas voté aux présidentiel;es et se fichent de leur résultat) et naïfs (Aymeric ne comprend pas pourquoi un tribunal pourrait intervenir dans sa situation).
Mais les Larrieu prennent soin de ne jamais juger leurs personnages, même lorsqu’ils s’apprêtent à commettre l’irréparable. Ils filment les corps et la vie quotidienne avec tendresse. Ils multiplient les plans rapprochés sur le visage de Karim Leklou, seul. Quand l’inévitable éclate, Aymeric manque forcément d’un point d’ancrage. Ce point d’ancrage, c’est Olivia (Sara Giraudeau), personnage secondaire absente de la première moitié du film. À mi-parcours, sa seule présence rééquilibre Aymeric, et la caméra des Larrieu trouve enfin un second personnage à filmer dans des scènes de danse exorcisantes et libératrices. On pourrait d’ailleurs penser que la voix off s’adresse à Olivia, et correspond à une scène de discussion — coupée juste avant qu’elle ne commence — vers la fin du métrage.
Le roman de Jim est un mélodrame qui s’assume, n’hésitant pas à appuyer la dramaturgie de son récit pour servir ses personnages. Lorsque le récit semble prendre un virage trop serré, il surprend par la profondeur de ceux qui le composent. Le récit – situé sur une vingtaine d’années – grandit au même rythme que Jim, qui malgré sa condition de spectateur de son propre sort va finir par prendre la décision finale de son histoire. Et les gestes de son enfance reviennent : on fait des bougies avec des allumettes, on discute maladroitement, on réapprend à vivre ensemble.
Bande-annonce
14 août 2024 – Par Arnaud et Jean-Marie Larrieu, avec Karim Leklou, Laetitia Dosch, Sara Giraudeau