vermiglio

VERMIGLIO

Au cœur de l’hiver 1944. Dans un petit village de montagne du Trentin, au nord de l’Italie, la guerre est à la fois lointaine et omniprésente. Lorsqu’un jeune soldat arrive, cherchant refuge, la dynamique de la famille de l’instituteur local est changée à jamais. Le jeune homme et la fille aînée tombent amoureux, ce qui mène au mariage et à un destin inattendu…

Critique du film

Documentariste, la réalisatrice italienne Maura Delpero avait fait des débuts de qualité dans la fiction avec Maternal (2020), récit dur et éloquent d’une jeune religieuse italienne arrivant en Argentine pour prendre une position dans un couvent de jeunes filles. On retrouve la même subtilité dans le regard et dans l’approche féministe d’un thème difficile dans Vermiglio, deuxième long-métrage de fiction de la cinéaste. Situé dans le Trentin, au nord de l’Italie, c’est en 1944, vers la toute fin de la Deuxième Guerre mondiale, que nous convie Maura Delpero, au sein d’une famille nombreuse menée par le patriarche, instituteur du village. L’élément qui provoque la crise, arrivé de l’extérieur de la petite communauté, est un soldat sicilien taiseux, qui trouve refuge chez ces villageois dont il comprend à peine la langue. La réalisatrice joue de cet élément linguistique pour illustrer la différence entre ce nouvel arrivant et ces Italiens du nord de la péninsule qui pratiquent un autre type de dialecte.

Tout comme pour Maternal, la forme est tout d’abord très épurée et resserrée dans Vermiglio. Le village est un petit territoire, recouvert d’un duvet blanc hivernal, qui semble refermer ses serres autour des habitants pour mieux les protéger de l’extérieur. Dès les premiers instants, on ressent l’hostilité des autochtones envers Pietro le sicilien, qui ne peut compter que sur l’assistance de l’instituteur pour apaiser les humeurs. Ce notable de la communauté est tout d’abord présenté comme un homme de raison, bon et sage, dévoué dans sa mission d’éducation, allant jusqu’à donner des cours aux adultes pour que tous puissent savoir lire et écrire. Ce portrait idyllique va peu à peu se fendiller pour révéler une vérité plus complexe, témoin d’une réalité sociale très conservatrice très prégnante au milieu du XXème siècle.


Aussi bon soit-il, l’instituteur reste un homme de son époque : il trône en chef de famille, appliquant un lot d’injustice terrible vis à vis de sa femme et ses enfants. C’est lui qui décide qui doit faire des études et qui doit rentrer dans le rang, et les humiliations sont bien présentes dans son éducation. Le personnage du fils aîné, Dino, est en cela révélatrice : jugé inapte pour les études, il recueille peu d’attention du père, qui lui signifie ses carences intellectuelles et ses limites personnelles en public. L’inimitié est forte et palpable, et les mots sont durs, il n’y a pas besoin de diplôme pour celui qui va passer sa vie à s’occuper des champs. De la même façon, l’autrice montre bien la sécheresse des rapports entre les époux. La mère de famille ne remplit que ce rôle, multipliant les grossesses, avec en parallèle une mortalité enfantine préoccupante qu’il faut compenser par un rythme effréné de naissances.

Les plus beaux personnages sont très certainement ceux des filles de cette famille, dont l’aînée s’éprend tout de suite de Pietro, cet « étranger » qui représente une respiration à l’extérieur de leur monde fermé que représente le village. La beauté du film est de parfaitement réussir sa transition avec la dernière partie, en réamorçant la narration avec un drame qui va pousser la jeune femme à effectuer un voyage vers le sud de l’Italie. Si l’objet de ce voyage devient rapidement caduque, il lui permet de se confronter à sa propre maternité, et d’assumer cet enfant née de ses amours avec Pietro. La très fine écriture de Maura Delpero, et l’éveil d’un amour jusqu’ici en sommeil, sont tout simplement magnifiques de justesse et de sensibilité.

Malgré une sécheresse narrative assez déroutante, Vermiglio réussit à déployer ses ailes et son histoire, creusant les détails pour manifester une complexité dans les relations entre les personnages assez surprenante. La culpabilité, sentiment chrétien par excellence, et l’acceptation de soi, sont les deux éléments les mieux mis en valeur par ce très joli film, où l’on retient le jeu délicat de Martina Scrinzi, la jeune mariée des montagnes.


19 mars 2025 – De Maura Delpero, avec Giuseppe De DomenicoTommaso RagnoCarlotta Gamba


Mostra de Venise 2024