BLINK TWICE
Quand le milliardaire Slater King rencontre Frida, c’est le coup de foudre. Invitée sur son île privée, elle y découvre des soirées décadentes où le champagne coule à flots. Mais des événements étranges commencent à se produire et Frida devra découvrir la vérité si elle veut sortir vivante de cette fête.
Critique du film
En pleine fin du mois d’août, alors que s’achève le Brat Summer et que la saison des festivals musicaux bat son plein, le premier film de Zoé Kravitz arrive à point nommé pour nous préparer à la grisaille automnale. Démarrant sous un faux air idyllique, les vacances de Blink Twice se transforment en véritable cauchemar dans un thriller plein d’assurance et de colère, inspiré de l’affaire Epstein.
Tout pourrait laisser croire à un conte de fée des temps modernes. Frida (Naomi Ackie), serveuse à des soirées mondaines qui cherche à avoir une place dans ce monde, noue un lien avec Slater King (Channing Tatum), un philanthrope richissime qui a tout du prince charmant : il va même jusqu’à régler un problème de chaussure comme dans Cendrillon. Pourtant, emporté par l’euphorie effervescente des coupes de champagne et autres festivités de la vie fortunée, un détail présenté au début passe presque inaperçu : Slater a dû démissionner de sa position de PDG suite à des accusations de comportement toxique. Mais cela, tout le monde l’oublie, que ce soit la petite troupe bourgeoise qui le congratule pour ses galas de bienfaisances, Frida qui souhaite intégrer un monde qui ne la remarque pas et même le spectateur, qui risque de tomber sous le charme de l’île “paradisiaque” que le milliardaire charismatique a acheté. Cette idée de l’oubli est ce qui va guider Zoé Kravitz dans la conception de Blink Twice, avec l’aide du scénariste E.T. Feigenbaum.
Peut-on commettre l’impardonnable et être lavé de ses crimes grâce à l’oubli ? Un oubli matérialisé par les tortionnaires du film mais, pour aller plus loin, un oubli de l’inconscient collectif face aux comportements problématiques et/ou criminelles des personnalités publiques. C’est la clé de l’horreur révélée dans Blink Twice, un film inspiré par l’affaire Jeffrey Epstein. Sans trop en dévoiler, le film utilise le principe du gaslighting comme moteur narratif à l’effet étourdissant et terrifiant. Aidé par le travail de la monteuse Kathryn J. Schubert, au rythme si acéré qu’il accentue le malaise de la situation, le film n’a pas peur de provoquer un effet d’horreur absolue lorsque la vérité éclate très frontalement (à ce titre, les scènes de flashbacks sont difficiles à regarder, d’où les Trigger Warnings présentés par la production).
Mais il n’a pas peur également d’offrir une alternative à ses héroïnes. Si les bourreaux estiment que l’oubli est ce qui va les rendre insoupçonnables des horreurs qu’ils perpétuent, les victimes vont préférer partir vers une quête du souvenir et de la sororité – ce qui apporte au film une dimension revancharde à la tonalité très enjouée, notamment grâce aux prestations de Naomi Ackie et Adria Arjona. Les ruptures de ton sont bien élaborées par Kravitz, qui n’oublie pas de faire avant tout un divertissement pop soigné.
Cette dimension pop aurait pu présenter des limites théoriques, contribuant au débat actuel sur la manière dont la comédie peut, par exemple, servir à aseptiser les violences de la société et s’imbrique aussi dans le principe de gaslighting présent dans le film, mais qui s’ancre bien dans ce qu élabore Zoé Kravitz : un thriller redoutable, divertissant, qui souhaite marquer le coup et capter notre attention sur ces sujets.
Bande-annonce
21 août 2024 – De Zoë Kravitz, avec Naomi Ackie, Channing Tatum, Alia Shawkat