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BEETLEJUICE BEETLEJUICE

Après une terrible tragédie, la famille Deetz revient à Winter River. Toujours hantée par le souvenir de Beetlejuice, Lydia voit sa vie bouleversée lorsque sa fille Astrid, adolescente rebelle, ouvre accidentellement un portail vers l’Au-delà. Alors que le chaos plane sur les deux mondes, ce n’est qu’une question de temps avant que quelqu’un ne prononce le nom de Beetlejuice trois fois et que ce démon farceur ne revienne semer la pagaille…

Critique du film

Quel objet culturel a trouvé une issue favorable à une suite intervenant plusieurs décennies après son installation ? Telle pourrait être la question initiale que l’on pourrait se poser avant de considérer Beetlejuice Beetlejuice de Tim Burton. En 1988, ce deuxième long-métrage du cinéaste américain avait démontré toute la singularité de son imaginaire, entre conte gothique et comédie horrifique, dans une veine qu’il exploitera régulièrement pendant les décennies suivantes. Que ce soit dans le cinéma, la littérature, ou même la bande-dessinée, peu d’exemples démontrent qu’une suite réussisse à prolonger le geste originel, entraînant le créateur le plus souvent dans un désastre créatif certain. Trente ans après, Tim Burton réunit donc de nouveau Winona Ryder et Michael Keaton, de retour dans la petite ville de Winter River, théâtre de leurs premières aventures.

Le premier échec du film est contenu à la fois dans ce qu’il réutilise de la formule d’origine, mais également dans ce qu’il tente d’apporter de nouveau. Les ingrédients sont en effet les mêmes, même cadre, la maison hantée du couple Maitland est toujours là, et on y retrouve la famille Deetz, amputée du pater familias, ornithologue reconnu, qui représentait une forme de rationalité dans un récit tout entier tourné vers le fantastique et une forme de folie qui caractérisait si bien Beetlejuice premier du nom. Burton réinstalle également la même forme de fossé générationnel qu’on pouvait trouver en 1988, la jeune Lydia devenue mère, incarne celle qui ne comprend pas sa fille, en rébellion ouverte contre elle et son « excentricité ». Si le temps a fait son œuvre, c’est dans un même esprit classique d’incompréhension et de conflits familiaux.

Dans cette permanence thématique se niche un ennui où ne surnage aucune surprise : là où le fantastique permettait de creuser les différences de chacun et de les laisser à distance dans une énergie communicative, cette suite banalise le recours au surnaturel, devenu grotesque à force d’être utilisé, notamment dans une émission télévisée surannée qui semble anachronique tellement elle respire les années 1950-1960 et une certaine vision américaine de ces thématiques en pleine guerre froide. Cet enlisement, le premier écueil auquel le film se heurte de plein fouet, amène le deuxième questionnement, celui des éléments apportés spécifiquement pour développer cette nouvelle histoire.

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Alfred Gough et Miles Millar, co-scénaristes du film et connus notamment pour leur rôle à la tête de la série Smallville, apportent au film quelques nouveaux personnages, notamment celui de Delores, jouée par Monica Bellucci, ou un policier d’outre-tombe incarné par Willem Dafoe. Chacun et chacune sont des tentatives intéressantes de développer de nouvelles histoires, et d’enrichir un scénario beaucoup linéaire et attendu. Là où le bas blesse furieusement, c’est dans l’incapacité du duo d’écrivains à réussir à définir ces personnages au-delà de l’esquisse initiale qui en est faite, Delores en étant le plus bel exemple. Découpée en petits morceaux, le spectateur assiste à la réunion macabre des parties du corps de la femme de Beetlejuice, dans une orchestration virtuose très enthousiasmante. Au delà de cette présentation au tout début du film, plus rien n’est fait dans l’utilisation de Delores, qui demeure dès lors au stade de la promesse d’un arc narratif constituant.

Rien de neuf n’émerge de ce cocktail qui a un goût de déjà vu d’une très grande platitude, multipliant les clins d’oeil à un passé glorieux qui ne demandait qu’à rester tapi dans un coin du XXème siècle. Les oripeaux de ces beaux personnages ne demandaient qu’à rester dans leurs habits de lumière plutôt qu’être ainsi exhibés dans une lumière pâle qui ne leur rend pas justice. La thématique même de la parentalité, qui se veut un prolongement du traitement opéré autour de la famille Deetz en 1988, est une fadeur et d’une absence d’idées assez prodigieuse. Si les corps sont fatigués dans Beetlejuice Beetlejuice, Justin Théroux est en première ligne de ce constat tellement il semble éreinté avec son catogan luisant de transpiration, c’est bien les esprits, dans toutes les acceptions du terme, qui hurlent leur besoin de repos, qu’on espère désormais éternel, loin des sirènes du commerce qui revendiquent l’exploitation ad nauseam du moindre concept qui fut jadis un succès.

Bande-annonce


11 septembre 2024 – De Tim Burton, avec Michael KeatonWinona RyderCatherine O’Hara et Jenna Ortega


Mostra de Venise 2024