MALDOROR
Belgique, 1995. La disparition inquiétante de deux jeunes filles bouleverse la population et déclenche une frénésie médiatique sans précédent. Paul Chartier, jeune gendarme idéaliste, rejoint l’opération secrète « Maldoror » dédiée à la surveillance d’un suspect récidiviste. Confronté aux dysfonctionnements du système policier, il se lance seul dans une chasse à l’homme qui le fera sombrer dans l’obsession.
Critique du film
Fabrice du Welz et l’Étrange Festival, c’est une longue histoire. C’est en présentant ses premiers courts-métrages au sein du festival parisien qu’il se fait connaître à la fin des années 90. Depuis, le festival l’a accompagné, présentant quasiment chacun de ses films en avant-première. Il était déjà là il y a trois ans pour Inexorable. Il n’était donc pas surprenant de le retrouver cette année encore devant le public de la salle 500 en compagnie d’une partie de ses actrices et acteurs pour nous présenter Maldoror, quelques jours seulement après l’avoir dévoilé à la Mostra de Venise où il était sélectionné hors-compétition.
Avec Maldoror, Fabrice du Welz signe un thriller difficile, dans le style âpre qu’on lui connaît, mais aussi dans le sujet qu’il aborde puisqu’il s’agit d’une histoire librement inspirée de l’affaire Dutroux. Presque trente après, le traumatisme de cette affaire est toujours présent en Belgique, mais également au-delà des frontières du pays. Le réalisateur, qui avait 20 ans au moment des faits, voulait depuis longtemps aborder ce souvenir douloureux qui a plongé tout un peuple dans la honte, la tristesse et la colère.
Le film nous fait vivre les événements par le biais d’un jeune gendarme idéaliste. Après la disparition de deux jeunes filles de sa région, il se plonge corps et âme dans l’enquête pour tenter de les retrouver. Confronté à la bureaucratie qui freine son travail et aux guerres internes entre les différents corps de Police, il n’hésite pas à défier l’autorité et la hiérarchie. Alors qu’il vient de se marier avec son amour de jeunesse, la chasse à l’homme dans laquelle il s’est embarqué tourne à l’obsession.
Pour s’emparer de ce sujet compliqué, Fabrice du Welz s’est entouré d’un casting d’envergure : Anthony Bajon, impressionnant dans le rôle du jeune gendarme, mais aussi Alexis Manenti, Alba Gaia Bellugi, Sergi Lopez, Béatrice Dalle, et beaucoup d’autres, dont plusieurs fidèles. Des rôles forts et qui feront date dans la carrière de chacun d’entre eux.
Si les noms diffèrent de la véritable histoire et si plusieurs éléments ont été volontairement changés ou altérés, impossible de ne pas faire le lien tant la ressemblance est grande. À mesure que le film se déroule, les souvenirs refont surface, et le malaise avec. On est atterré de voir le laxisme avec lequel cette affaire a été gérée, révolté de voir les égos et le corporatisme prendre le dessus sur l’urgence de la situation. La colère et la frustration du héros deviennent les nôtres.
Mais, malgré le souci du détail apporté à la reconstitution, Maldoror n’est pas un documentaire, c’est le film d’un cinéaste parmi les plus doués de sa génération, une œuvre forte qui ne s’oublie pas facilement et qui bouleverse autant qu’elle dérange. Fabrice du Welz, en sa qualité d’auteur, prend des libertés fortes par rapport à la réalité, rappelant ainsi la fonction cathartique du film (à la manière d’un Once Upon a Time in Hollywood). Des libertés qui occasionneront probablement des débats, mais peut-être est-ce là ce dont nous avons le plus besoin face à de tels drames : parler.
Bande-annonce
15 janvier 2025 – De Fabrice Du Welz, avec Anthony Bajon, Alba Gaia Bellugi, Alexis Manenti