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A REAL PAIN

Deux cousins aux caractères diamétralement opposés – David et Benji – se retrouvent à l’occasion d’un voyage en Pologne afin d’honorer la mémoire de leur grand-mère bien-aimée. Leur odyssée va prendre une tournure inattendue lorsque les vieilles tensions de ce duo improbable vont refaire surface avec, en toile de fond, l’histoire de leur famille…

Critique du film

Pour sa seconde réalisation, l’acteur-réalisateur Jesse Eisenberg s’embarque dans un road-trip polonais aux côtés de Kieran Culkin pour un drame modeste sur la reconnexion de deux cousins entre eux-même, ainsi que sur le lourd poids de leur héritage familial. Initialement, on pourrait appréhender A Real Pain comme un récit assez conventionnel : on y suit le voyage, en multiples étapes, de deux cousins qui se sont perdus de vue. Quand l’un (Kieran Culkin) semble perdu mais déborde pourtant d’énergie aux abords des gens et des lieux, l’autre (Jesse Eisenberg) reste au contraire constamment aux aguets. Que ce soit pour arriver à l’heure à l’embarquement de son vol ou bien pour savoir où se trouve son cousin, c’est une dynamique d’opposition qu’Eisenberg ne souhaite pas cacher, que ce soit aux yeux du monde gravitant autour d’eux mais également à ceux du public. –

Quiconque aura déjà vu un épisode de Succession retrouvera dans le tempérament de Kieran Culkin des réminiscences de son personnage insolent. Il envahit la scène, n’échoue jamais à trouver la petite phrase cinglante ou déconnectée du réel. Une scène où son personnage donne un feedback intense à un guide (et doctorant) joué par Will Sharpe, pourtant importante pour ce qui va suivre dans le récit, nous ramène immédiatement aux tourments de Roman Roy au cours de la dernière saison. Et quiconque aura vu un film avec Jesse Eisenberg ne sera pas surpris de retrouver l’esprit anxieux et timide que l’on pouvait découvrir dans Bienvenue à Zombieland. Le film use de nombreux gags (notamment un répétitif lié aux retards) pour marquer la fracture entre ces deux duos. On retrouve ainsi cet humour basé sur les mots, les tonalités, la gestuelle, mais qu’on commence à vite connaître par cœur. Jusqu’à ce que la douleur ressorte…

A real pain

Le voyage touristique en Pologne, magnifiquement capté par la photographie de Michal Dymel et ses teintes chaleureuses, se fait progressivement plus grave. Les deux cousins, souhaitant revenir sur les traces de leur grand-mère juive polonaise récemment décédée, parviennent peu à peu à laisser échapper ce qui les tourmente. Un épisode dramatique dans leur vie va rejaillir dans une explosion d’amertume et va se confronter au passé de leur famille touchée par la Shoah. Car, malgré la répétition des situations laissées par les deux cousins, A Real Pain nous saisit réellement lorsqu’il convoque Histoire et crise existentielle. 

À chaque étape du voyage, la mémoire laissée par le génocide pèse sur nos deux personnages principaux, ceux-ci ayant conscience de ce que cela implique dans leur vie quotidienne. Les rires s’estompent petit à petit pour laisser place à une tonalité plus solennelle, le point culminant étant la visite d’un camp de concentration, traversée par un calme assourdissant. Cette mélancolie, rythmée par la musique de Chopin, nous cueille et fait d’A Real Pain, un récit existentiel très émouvant. En cela, Eisenberg témoigne d’une véritable sagesse en canalisant ses tonalités. La mélancolie nous gagne et rend palpable cette douleur réelle, omniprésente jusqu’à un dernier plan dévastateur. 

Bande-annonce


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