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BONJOUR TRISTESSE

Cécile passe l’été dans une villa du sud de la France avec son père veuf Raymond et sa dernière amoureuse, Elsa. Bientôt, l’arrivée d’Anne, une vieille amie de Raymond et de la mère de Cécile, modifie l’ambiance au sein de la villa.

Critique du film

Bonjour Tristesse est un titre qui convoque deux monuments dans deux arts différents, la littérature avec Françoise Sagan en 1954, et sa première adaptation signée par Otto Preminger en 1958, très peu de temps après la publication du roman. Cette histoire est tout d’abord la grande œuvre de jeunesse d’une immense autrice, qui n’avait pas 19 ans quand elle a écrit ce texte célèbre qui la fait naître comme écrivaine. Si Cécile est un personnage autobiographique, c’est Jean Seberg, l’inoubliable actrice d’À bout de souffle de Jean-Luc Godard, qui lui prête ses traits sur grand écran, et une certaine idée de la jeunesse par la même occasion. Preminger est lui déjà un artiste reconnu et admiré, pour des chefs d’œuvre tels que Laura (1944), Mark Dixon Détective (1950) ou encore Un si doux visage (1952). Il imprime une direction artistique très particulière, avec une grande énergie dans sa mise en scène qui contamine tout son casting.

Autant dire qu’il est très ambitieux et difficile d’affronter un tel texte, mais aussi de se mesure à une première adaptation de si grande qualité. La proposition de Druga Chew-Bose a le mérité initial de ne pas être dans l’imitation de la version de 1958 et de vouloir trouver d’emblée sa propre voie. Sa Cécile est plus opiniâtre, libre dans ses gestes et ses humeurs, et d’une manière générale le ton est plus sérieux, la folie douce qui imprégnait l’air chez Preminger laisse place à une vision de l’été où flotte moins l’air de la fête, et plus celui de la culpabilité. Cécile est présentée comme une jeune femme qui s’assume, notamment dans ses désirs vis à vis de Cyril, l’homme qu’elle a décidé d’aimer. Son inquiétude pour son mode de vie, qui serait contrarié par l’irruption du personnage d’Anne dans la vie de son père, apparaît moins vive, mais aussi plus mystérieuse.

L’écriture même d’Anne et le jeu de Chloë Sévigny sont moins conservateurs, celle-ci apparaissant plus comme une complice que comme une ennemie pour la jeune femme. Les escapades amoureuses de Cécile ne semblent jamais mises en péril, l’amour continue de vivre entre les jeunes gens. De la même façon, la cinéaste prend un grand soin de montrer l’importance de la relation de Cécile avec Elsa, l’amante éconduite par son père, à laquelle elle reste très attachée. C’est un trait marquant de cette histoire, les amitiés et liens entre personnages féminins sont forts, importants, moins marqués d’un venin de perversion que ne l’était la version de 1958. De la même façon, Raymond, le père, est moins ridicule et guidé par ses instincts de mâle. Il ne perd jamais véritablement son lustre de père complice, il se fait plus le jouet des jeux de sa fille que sa perversion profonde de vieux séducteur comme c’était le cas pour David Niven.

Bonjour tristesse

Il faut souligner la qualité du jeu de Lily McInerny, dont la candeur apparente apporte un décalage parfait avec les manigances de Cécile, qui manipule son monde pour garder la main sur le déroulement de son été. Pourtant, malgré cette volonté de marquer ses différences, avec une Chloë Sévigny magnifique dans un rôle pourtant difficile, ce Bonjour Tristesse manque cruellement d’émotions et ne parvient pas à générer la tension et le déchirement attendus avec un tel matériau original. L’incarnation d’une nouvelle vision de cette histoire, nécessaire pour la légitimer, se fait attendre et n’arrive pas dans un final qui est si important pour donner une consistance aux partis pris dans la mise en scène. Cécile revenue à Paris, le choix esthétique de la réalisatrice n’est pas assez fort pour signifier le drame advenu et l’impact des événements du film sur ce personnage n’est pas aussi évident qu’il devrait l’être.

Si le dépaysement et le cadre sont magnifiques, il manque une âme à cette adaptation et surtout une capacité à rendre compte d’une jeunesse qui, selon les mots mêmes de Sagan, serait perdue, tout comme Cécile, en quête de sens et de direction pour devenir adulte. Cette version de Durga Chew-Bose ne nous permet pas d’y parvenir, ce qui est, en soit, un constat d’échec.


De Durga Chew-Bose, avec Lily McInerny, Chloë Sévigny et Claes Bang.


Festival de La Roche-sur-Yon