LE SHÉRIF EST EN PRISON
Une petite ville de l’Ouest, un gouverneur et un juge peu scrupuleux qui veulent exproprier les habitants des lieux au profit d’une compagnie de chemin de fer, un shérif et son adjoint alcoolique. Les ingrédients classiques qui ont permis à Mel Brooks de réaliser une parodie délirante des Westerns où déferlent une tempête de gags, et où fusent les calembours…
Critique du film
Le Shérif est en prison a été tourné en 1974 entre deux réussites majeures de Mel Brooks, Frankenstein Junior, extraordinaire mélange de parodie et d’hommage aux grands classiques de l’horreur (Frankenstein et La Fiancée de Frankenstein), et La Dernière folie de Mel Brooks (Silent movie), ce dernier réussissant le pari de livrer un film totalement muet – ou presque puisque le Mime Marceau prononçait la seule réplique parlante de l’histoire. Des douze films de la filmographie de Mel Brooks, que peut-on dire aujourd’hui ? Qu’il s’agit d’œuvres qu’on ne pourrait peut-être plus réaliser ou concevoir de la même façon. L’humour n’y est pas toujours des plus fins. Mais force est de constater que certains longs métrages ont mieux vieilli que d’autres pour différentes raisons.
Tout d’abord, et ce n’est pas la moindre qualité de ces histoires, la réalisation est techniquement très au point, particulièrement soignée. Loin d’être bâclée, la mise en scène est au cordeau, tout comme la partie plastique, qu’il s’agisse du superbe noir et blanc de Frankenstein Junior ou de la reconstitution des saloons et des villes de l’Ouest américain dans Le Shérif est en prison. Dans celui-ci les bagarres sont orchestrées, millimétrées à la perfection.
Bien sûr, il y a aussi l’humour, déployé ici sous toutes ses formes, l’un des attraits majeurs de ce film. On y trouve des calembours et des pitreries pour la partie la plus désuète du film, mais aussi des anachronismes réjouissants, des scènes visuellement réussies, un hommage au slapstick avec batailles de tartes à la crème chorégraphiées comme à la grande époque du muet. Mel Brooks ne se cantonne pas à une forme de gags mais en orchestre toute une panoplie, et parmi la multitude de saillies, de jeux de mots, de délires visuels, une partie de ses trouvailles continue de faire mouche.
Enfin, n’oublions pas la dénonciation du racisme qui est faite ici. Tourné en 1974, alors que de nombreux événements douloureux sont encore très présents dans les mémoires et que la lutte des droits civiques n’a pas totalement modifié les mentalités – peut-on guérir un esprit malade ? – Le shérif est en prison raconte l’histoire d’un shérif noir qu’on met en place car on sait que les habitants de la bourgade ne supporteront jamais de voir un homme de couleur représenter l’autorité. Avec Mel Brooks, l’humour est également une arme de destruction massive destinée à ridiculiser et à faire taire les racistes de tous poils et à galvaniser celles et ceux qui luttent pour faire valoir leurs droits.