LES SALAUDS
MARCO RENTRE À PARIS APRÈS LE BOULEVERSEMENT DE LA VIE DE SA SOEUR SANDRA. SELON ELLE, TOUT EST DE LA FAUTE D’ÉDOUARD LAPORTE. MARCO S’INSTALLE ALORS DANS SON BÂTIMENT…
Les ordures
Sur le papier, il y a une idée. Au départ, on découvre une bande-annonce mystérieuse et intrigante, sur fond de musique envoûtante des Tindersticks. Même si la phrase des Inrocks sonne comme un mauvais présage : « le vrai film punk du Festival de Cannes« . Encore une réplique imbécile dont seuls les plus grands ont le secret.
Mais on a envie d’y croire. On se dit que les cinéastes qui assument leurs idées à fond, c’est toujours intéressant. C’est là qu’arrive la désillusion. Violente. Frontale. Pénible. Elle s’insinue dès les premières minutes. On se croit devant un mauvais épisode de Faites entrer l’accusé avec ses reconstitutions lugubres bon marché. La mise en scène est médiocre, les effets navrants. Lola Créton se promène le derrière à l’air, sans qu’on ne sache trop pourquoi. Avant de retrouver Vincent Lindon, qui tire la tronche. Encore. Toujours. Un rôle de composition, à nouveau. Celui-ci s’éprend de Chiara Mastroianni. Mais la belle est mariée au type le plus répugnant de la planète. Alors inévitablement, celle-ci va aller voir ailleurs. À l’étage du dessus pour être exact. Lorsque le marin jette l’encre, c’est souvent pour aller voir une prostituée. Cette fois-ci, c’est une poule de luxe. Ce qui devait arriver arrive.
Une imposture pour se relancer
Ce qui est assez consternant dans ce film est sa faculté à ne rien raconter, à broder du pseudo-mystère autour d’un scénario de pauvre consistance avec un montage inutilement alambiqué. Un cache-misère en quelque sort, que même la musique des Tindersticks ne parvient pas à masquer. Et ce qu’il y a de meilleur dans Les salauds est sans aucun doute son générique de fin avec le morceau du groupe britannique. Avant cela, il faut se coltiner 1h40 d’une « saloperie » toute droit sortie de la cuisse de DSK : pute, alcool, baise, drogue, clubs lugubres, appartements de luxe, virées nocturnes, abus de mineurs…
Il faut dire que la Claire Denis n’y va pas de main morte. Dès le départ elle donne le ton : de la jeunette à poil, de la gueule cassée allant du petit loubard trafiquant au grand manitou au regard pervers, du fauteuil en cuir avec des traces douteuses… La suggestion ne laisse aucun doute. Mais elle ne s’arrête pas là. La cinéaste, non seulement incapable de susciter la fascination ou même le simple intérêt pour son histoire ou ses protagonistes (certains savent sublimer les ordures, pas elle visiblement), va même avoir le mauvais goût de tomber dans le morbide et le glauque démonstratif dans le dernier quart d’heure. De l’accident de la route, du viol incestueux avec objet alimentaire, des coups de feu… Tout y est. On se croirait chez Gaspar Noé, le chef-op de génie en moins. C’est presque du Despentes : tout est déversé sans savoir-faire, en vrac et à la pelle. Vas-y que je te balance une séquence de taule froissée, tant qu’à faire du sensationnalisme. Vas-y que je te sers à nouveau la Lola en tenue d’Eve, mais avec l’entre-cuisse ensanglantée cette fois-ci. Rien ne nous sera épargné dans cette grande parade du mauvais goût.
Si l’on ne craignait d’être suspecté de mauvaise foi, on soupçonnerait Claire Denis d’avoir voulu refaire parler d’elle à tout prix avec un film réalisé dans l’urgence pour créer la polémique ou le buzz. Celle qui présentait son film hier soir en déclarant « J’espère que vous n’aurez pas trop horreur de mon film » en s’accrochant au qualificatif de « film noir, très noir », ne mériterait presque que l’indifférence. Laissons les magazines trashouillards l’adouber, Vincent Maraval s’auto-congratuler et Les Salauds atteindre la seule destination qu’il mérite : les ordures.
LES SALAUDS
RÉALISÉ PAR CLAIRE DENIS
FRANCE – 100 MIN – DRAMATIQUE
AVEC VINCENT LINDON, CHIARA MASTROIANNI
7 AOÛT 2013
Ah oui tu te lâches ! Encore pire que ce que tu m’avais dit… 😉 en tout cas pire que moi : http://lecinedefred2.over-blog.fr/les-salauds
Oui, c’est légèrement un coup de gueule et je suis peut être excessif. En revanche, je commence déjà à être accusé de mauvaise foi, de ne pas aimer Claire Denis ou de rejeter le film parce que j’ai été choqué. Des arguments assez prévisibles et limités, mais bon…
On a tous le droit d’être choqué ; c’est un sentiment très personnel, qui correspond au vécu intime de chaque personne. On aime, on n’aime pas, les blogs sont là pour exprimer nos coups de cœur et nos coups de gueule… ceux qui « jugent » ne sont que des fascistes.
Pour ma part j’ai beaucoup apprécié ton billet, franc et sincère, tout ce que j’aime. Je ne savais pas que le film était aussi « dur » ; reste à savoir si comme tu le suggères c’est pour faire le buzz ou pas. Je tâcherai de le voir un de ces jours pour me faire mon idée.
Non, justement Chonchon, je n’ai pas été choqué par ce film. Il n’est pas « dur ». J’appelle ça juste de la provocation. C’est gratuit et raté. Elle a voulu faire un film noir, elle a masqué ses grosses lacunes de son film derrière une mise en scène prétentieuse et un montage d’escroc.
C’est simplement mauvais et c’est pour ça que ça m’énerve.
Plus j’y repense et plus je me dis que ce film est vraiment mauvais… mais comme beaucoup je me suis laissé séduire par une bande annonce intrigante et un casting alléchant (je te trouve un peu dur avec Chiara Mastroianni d’ailleurs), sinon, je suis tout à fait d’accord avec toi si ce n’est que l’émission c’est « Faites entrer l’accusé » et non « faites rentrer… » qui est la version hard… 🙂
Merci pour cette précision Fabrice, cela donnera peut être des idées à quelques visiteurs. Je vais corriger ça illico.
Je suis effectivement un peu dur avec la pauvre Chiara qui est bien la seule qui m’a un peu convaincu dans ce film.
Ouais, un peu dur avec Chiara Mastroianni qui a prouvé, ailleurs, la puissance de son talent. Pas d’accord non plus sur la mise en scène, que je trouve travaillée et marquée. D’accord sur le reste : ça ne marche pas.
Bonjour Wilyrah, je serais moins virulente que toi parce que j’ai trouvé Lindon, très bien (heureusement qu’il est là). C’est un polar noir, très noir, l’horreur est suggérée et heureusement pas montré mais j’avoue ne pas avoir détesté ce film sans raison particulière si ce n’est que les personnages sont plus ambigus qu’il n’y paraisse. On croit que le personnage de Subor est le « salaud » et ce n’est pourtant pas lui. En revanche, le personnage de la mère est à baffer (c’est elle la vraie « salope ») qui n’a pas voulu voir ce qu’il se passait. Chiara Mastroianni n’est pas une vraie actrice mais elle a de plus plus la voix de sa mère. Bonne journée.
Pour une fois, j’ai été aussi virulent que toi : http://le-monde-de-squizzz.fr/2013/08/13/semaine-express-7-aout-2013/
Je n’ai pas vu le film. Je n’ai pas l’intention de le voir. Mais j’apprécie ta critique, courageuse.
Oui, le personnage de la mère est à baffe comme tu dis. Quant à Lindon, d’ordinaire, je le trouve bon. Là, son jeu est assez plat.
[…] Les salauds – Claire Denis […]
Merci de ce passage et de ce feedback 🙂 Bonne continuation !