ALICE BELAÏDI | Interview
C’est une Alice Belaïdi chaleureuse et débordante d’enthousiasme que nous avons eu le plaisir d’interviewer pour l’ouverture de l’édition 2024 de Mon Premier Festival, ce mercredi 23 octobre. L’occasion de parler de ses premiers souvenirs de cinéma, de créer des ponts pour permettre aux enfants d’accéder à la culture, mais aussi de revenir sur cette année 2024 qui aura été très riche pour elle, du carton d’Un ptit truc en plus à la troisième saison d’Hippocrate, en passant par Le fil de Daniel Auteuil, sélectionné au festival de Cannes.
Vous avez été présidente de jury à Deauville le mois dernier et vous devenez désormais marraine de cette édition de Mon Premier Festival, qui se tiendra jusqu’au 29 octobre dans les salles parisiennes. Comment appréhendez-vous ce rôle de marraine et en quoi il diffère à vos yeux de celui de jurée ?
Finalement, quand tu participes à un jury, tu as envie de regarder le cinéma avec des yeux d’enfants, comme si c’était la première fois. Avec un regard neutre. J’essaie de ne pas être « acteur de cinéma », mais plutôt comme un spectateur lambda, comme quand tu es enfant et de découvre un film. Sans filtres. J’aspire à essayer de garder ce ressenti instantané, égoïstement, et de ne pas perdre ce regard d’enfant.
Marraine, c’est un peu un rôle d’ambassadrice…
D’accompagnatrice aussi, et si ça peut permettre un coup de projecteur sur ce festival. C’est tellement important d’intégrer les enfants à l’art, de les éduquer à ça. De pousser les collectivités, les écoles, les enseignants à le faire…
J’ai découvert Apocalypse Now à douze ans ! J’étais peut-être un peu trop jeune d’ailleurs…
On peut justement regretter que le dispositif Collège et cinéma soit menacé dans certains départements comme dans le Nord…
Et c’est bien dommage… Au contraire, il faut leur donner envie ! Il y a plein de choses qui permettent de voir autre chose. Il faut trouver des ponts entre les médias qui parlent aux enfants et l’éducation aux arts. Ce n’est pas évident. On ne se réveille pas avec l’envie de voir des films, de découvrir de la peinture, d’écouter de la musique… Au contraire, il faut s’aider d’outils et se servir de ponts comme Youtube, TikTok, pour leur ouvrir la porte. Ici, grâce à ce festival, c’est une belle occasion de faire naitre des passions, avec ces rencontres pour qu’ils découvrent comment ça se passe derrière la caméra.
C’est important de créer ses premiers souvenirs de cinéma… D’ailleurs, quel serait votre premier souvenir de cinéma ?
Je n’ai pas vraiment de souvenir marquant, je ne suis pas sûre de pouvoir en identifier un réellement. Je n’ai pas eu accès très tôt au cinéma. On n’avait pas de magnétoscope à la maison. J’ai des souvenirs très forts de cinéma quand j’étais petite, mais ce serait mentir que de citer un film qui a bouleversé ma vie, changer mon regard. C’est plutôt à l’adolescence où j’ai pris conscience de la portée du cinéma, mais aussi de la musique, de la poésie, de la littérature. Ça m’a vraiment submergée quand j’étais adolescente. J’ai découvert Apocalypse Now à douze ans ! Bon, j’étais peut-être un peu trop jeune d’ailleurs (rires). Mais ça fait partie de mes premiers vrais souvenirs de cinéma. Ça m’a fascinée !
2024 a été une année assez forte pour vous, avec de très beaux rôles à l’écran. On ne peut ignorer le grand succès populaire d’Un petit truc en plus. Comment l’avez-vous vécu ? Est-ce que cela vous donne de la confiance et peut-être la permission de prendre encore plus de risques ?
Pas forcément, au contraire. Je n’ai pas trop le droit de faire n’importe quoi. Les gens t’ont montré qu’ils t’aiment, ils t’ont fait confiance et ils attendent à ce que tu les surprennes, que tu les fasses de nouveau rire et rêver. Le pari est plus challengeant quand personne te connaît et que tout le monde s’en fiche ! À côté de ça, je reçois des vagues d’amour très puissantes et c’est quand même assez canon ! Les gens projettent sur toi ce qu’ils connaissent et le personnage que je joue est très sympathique. Et ça fait du bien de recevoir autant d’amour.
Évoquons un autre rôle important de cette année, avec un personnage de prime abord moins « abordable » dans Le fil de Daniel Auteuil et pourtant essentiel, puisque vous êtes l’antagoniste juridique du personnage principal et bel et bien la représentante de la partie civile, la victime qui n’est plus là pour se défendre. Comment avez-vous préparé toutes ces scènes majoritairement au tribunal ?
Daniel Auteuil a recréé une salle d’assises et on a répété une semaine pleine avant le tournage. Avant ça, j’étais partie pendant trois semaines pour m’isoler et apprendre le texte à fond. On est arrivés sur le plateau en sachant où on allait. C’est un directeur extrêmement précis, donc j’ai été un bon soldat et et je ne me suis pas autorisée de libertés. Il me faisait confiance, je le suivais. Parfois, il nous dirigeait au mot près. Je me suis énormément investie, mais c’était très agréable de lâcher prise entre ses mains. C’était très intéressant de suivre ses idées.
Avez-vous collaboré avec des avocats pour trouver votre posture, votre théâtralité ?
On a beaucoup parlé de théâtralité avec Daniel et il a géré cet aspect-là. C’était plus sur la technique pure, la tenue, les accessoires et ma posture pour être crédible en avocate. Je ne prétendais pas essayer de comprendre le personnage, mais j’ai essayé de trouver des petits détails qui me rendaient crédible dans ce rôle.
D’avocate au tribunal à médecin interne dans un hôpital francilien, parlons un peu d’Hippocrate dont la 3e saison arrive enfin (en novembre sur Canal+) et conclura votre année en beauté…
Nous sommes très fiers de cette saison. Elle est très intense, resserrée sur six épisodes et c’est sûrement la meilleure. Elle commence très fort, surtout pour Alyson, mon personnage.
Avec Hippocrate, c’est comme si on avait tourné onze longs métrages ensemble !
Les précédentes saisons étant déjà assez anxiogènes, ça promet… À part la temporalité forcément différente, vivez-vous différemment le tournage d’une série et celui d’un film ?
Oui, ce sont six mois de tournage. On a fait le calcul, mais c’est comme si on avait tourné onze longs métrages ensemble. Au-delà de l’intensité du tournage, j’ai eu le sentiment de retrouver ma famille. C’est facile d’être sur ce plateau. Bouli (Lanners – ndr) c’est mon grand frère, Zach (Zacharie Chasseriaud – ndr) mon petit frère. C’est comme une famille qui se retrouve. Parfois, il y a des tensions mais en même temps on s’aime à la folie et au bout de deux jours on se manque déjà. C’est très joyeux de se retrouver pour la promotion en ce moment et ce n’est pas toujours facile pour les journalistes (rires).
Cette troisième saison pousse encore plus le bouchon, Thomas Lilti va vraiment au bout de son sujet qu’il maitrise et alerte sur l’état des services publics. Il y a une vraie intensité, c’est dément ! Dans certaines séries, il y a parfois des ventres mous et ça s’étire un peu trop, alors que là on arrive avec une saison dont on est très fiers parce qu’on sait que vous allez kiffer !
Est-ce que le fait de retrouver le personnage d’Alyson, que vous connaissez tellement après une longue pause, créé une petite appréhension ou, justement, une sorte de responsabilité après l’avoir quittée pendant quelques temps ?
Un peu, mais au bout de deux minutes, dès que je remets la blouse… Clac clac, je suis enfoncée dans mes claquettes et je la retrouve.
Devra-t-on attendre encore deux ou trois ans pour une saison 4 ?
C’est possible, mais on ne veut pas lâcher. C’est une priorité pour nous tous. Thomas (Lilti – ndr) veut vraiment bien faire, prendre le temps soigner l’écriture, la prépa, les détails. Il s’occupe même de caster chaque petit rôle, il voit des centaines d’acteurs… Il fait attention à tout et c’est un visionnaire. Mais j’espère qu’il ne le sera pas avec la saison 3 parce que sinon ça fait un peu peur ! (rires)
Entretien réalisé le 23 octobre 2024 (Forum des Images – Mon Premier Festival)
Remerciements : Claire Vorger, Calypso Le Guen