AVANT QUE NOUS DISPARAISSIONS
Alors que Narumi et son mari Shinji traversent une mauvaise passe , Shinji disparaît soudainement et revient quelques jours plus tard , complètement transformé. Il semble être devenu un homme différent , tendre et attentionné . Au même moment, une famille est brutalement assassinée et de curieux phénomènes se produisent en ville. Le journaliste Sakurai va mener l’enquête sur cette mystérieuse affaire.
Chronique de la neurasthénie quotidienne.
Il ne faut pas se fier au résumé officiel du dernier film de Kiyoshi Kurosawa. Le premier quart d’heure d’Avant que nous disparaissions donne très rapidement le ton : il s’agit d’un film sur une invasion extraterrestre qui ne dit pas son nom. Et c’est précisément là, dans cette tension entre un traitement réaliste et une thématique SF, que réside son intérêt.
Avant que nous disparaissions en décontenancera plus d’un. Pourtant, par-delà son propos étrange, limite énigmatique, il recèle une grande vérité sur la mentalité de notre époque. La méthode qu’ont adoptée les envahisseurs extraterrestres fournit une clef d’interprétation à un film qui s’ouvre à bien des lectures.
Les extraterrestres du film ne ressemblent en rien à des petits bonshommes verts, des grands machins gris et autres formes inhumaines. Comme vous et moi, auteur de ses lignes, ils ont deux bras, deux jambes, deux oreilles… une apparence humaine en clair. Mais ce qu’ils n’ont pas, ce sont nos concepts. Et c’est ce qui les fascine. À chaque fois qu’ils rencontrent un être humain, ils n’ont de cesse de lui demander de visualiser un concept – la liberté, le travail, l’amour… – avant de le lui « voler ».
Or, on se rend compte que les « envahisseurs » ne détruisent pas tant la société qu’ils n’en révèlent la ruine morale. Bien peu de leurs interlocuteurs sont aptes à formuler clairement les concepts-clefs de la vie en société. Au fur et à mesure des entretiens, on découvre le vide conceptuel de cette société acharnée dans la course au productivisme et le culte du travail, incapable de redéfinir les fondamentaux de son devenir.
Ainsi, le titre du film a valeur de programme. Avant que nous disparaissions invite à l’introspection collective, à la redéfinition de nos valeurs communes avant qu’il ne soit trop tard. D’où le traitement réaliste, avec une focalisation intimiste sur le drame conjugal entre Narumi (Masami Nagasawa) et Shinji (Ryuhei Matsuda). À travers leur parcours se dessine la neurasthénie ordinaire, faite d’oublis des autres, d’indifférence à la douleur, d’acceptation absurde de la violence (mention spéciale à la séquence dans l’hôpital, lieu archétypal de la folie sociale banalisée). Et si le film perturbe, c’est parce qu’il témoigne du caractère perturbé du monde.