BILAN 2021 | Les meilleures séries de l’année
2021 touche à sa fin et il est l’heure de dresser (également) le bilan des fictions proposées sur les écrans de salon. Voici une sélection des meilleures séries de l’année 2021, disponibles légalement en France.
SUCCESSION (saison 3)
Après Game of Thrones, il fallait bien que HBO offre à ses spectateurs un nouveau jeu de massacre au sein d’une dynastie. Elle se fait ici chez les Roy. Une famille que plus personne n’aurait envie de voir à l’écran aujourd’hui : à savoir, des ultra-riches qui étalent toute leur fortune devant nos yeux. Et pourtant, qu’est-ce que l’on aime suivre cette famille au comportement proche de l’annihilation…
Il faut dire que tout nous est donné pour être à la fois fascinés et dégoûtés par ces personnages odieux. Dans un rythme effréné, la tragédie shakespearienne moderne qui se joue sous nos yeux nous bouleverse. Cette dimension tragique s’incarne notamment envers le personnage de Kendall, incarné par l’impressionnant Jeremy Strong, qui incarne les ambivalences de la série. Une figure aussi pathétique pour décrire le monde des ultra-riches que poignante quand elle s’attarde sur les traumatismes laissés par les abus familiaux. Par la richesse de ses dialogues et la musique monumentale de Nicholas Britell, Succession est une série ultra-violente où bourreaux et victimes se confondent au sein d’une famille. – VVDK
SERMONS DE MINUIT
Après avoir terrifié son monde avec les deux saisons de The Haunting, Mike Flanagan continue sa fructueuse collaboration avec Netflix et signe avec Midnight Mass – Sermons de Minuit un nouveau bijou d’écriture et de mise en scène. En prenant son temps sur 7 épisodes, le réalisateur de Doctor Sleep dresse le portrait d’une communauté insulaire isolée, que la venue d’un jeune prêtre va soudainement mettre en émoi alors que des événements étranges commencent à se produire sur l’île. D’une richesse thématique infinie (il est question de foi, de rédemption et du sens que chacun donne à son existence), Flanagan se sert des blessures de l’intime pour créer une horreur qui interroge la morale humaine. Le résultat est aussi bouleversant que cauchemardesque et comporte des morceaux de bravoures qui hantent l’esprit du spectateur bien au-delà de son binge-watching. À (re)découvrir sans plus tarder ! – AR
A TEACHER
Comment faire alors évoluer les opinions et les discussions autour de la maltraitance alors que la prédation sexuelle semble encore attachée aux victimes de sexe masculin ? A Teacher s’efforce de sonder comment la culture américaine valorise la jeunesse et la satisfaction personnelle de façon obsessionnelle, souvent au détriment des autres. Et, fort heureusement, la mini-série a la lucidité de ne pas se parer d’artifices qui auraient été malvenus. Hannah Fidell assume sa tonalité délibérément inquiétante et, ainsi, profondément dérangeante, consolidée par les solides performances de Mara et Robinson qui soulignent à quel point nos stéréotypes sexistes mettent en péril celles et ceux qui ont le plus besoin de protection. – TP
It’s a sin
It’s a Sin dresse, en l’espace de cinq épisodes, un portrait des dix premières années SIDA à travers le prisme d’une bande de jeunes gays, cachant leur homosexualité à leur famille ou étant rejetés par celle-ci. La force de la série tient justement dans ses personnages, auxquels on s’attache presque instantanément. Le premier épisode nous les montre effectivement comme heureux d’avoir enfin pu trouver une famille de cœur où ils peuvent être eux-mêmes, loin du regard en biais de la société. Mais rapidement commence à poindre une menace qui va mettre à mal l’équilibre du refuge qu’ils ont trouvé. Ainsi, It’s a Sin aborde les premières années SIDA via l’intime et l’émotion plutôt que sous un versant politique (même si celui-ci apparaît également mais sans qu’il soit réellement le moteur de la série).
Un pari gagnant qui permet à It’s a Sin de s’adresser à tout le monde, y compris aux nouvelles générations qui connaissent peu cette période et sont moins sensibilisées à l’importance du dépistage (dont le nombre a d’ailleurs sensiblement augmenté outre-Manche suite à la diffusion de la série). En abordant les années SIDA à travers le regard de la communauté gay, It’s a Sin rappelle également comment la maladie l’a très fortement marquée et marginalisée encore un peu plus. Au fur et à mesure que les épisodes et l’épidémie avancent, le cri de détresse des personnages se fait de plus en plus palpable et provient autant de la menace de la maladie que de la volonté de se voir enfin considérés par la société. Touchant en plein cœur, nous faisant passer du sourire aux larmes avec beaucoup de subtilité, It’s a Sin est une réussite totale à ne pas manquer. – FG
MAID
La mini-série américaine s’ouvre sur une scène de fuite, celle d’une jeune mère terrifiée emmenant son enfant loin du foyer familial. Maid aurait pu aisément choisir la facilité du road movie, mais se concentre sur autre chose, non pas sur ce que la jeune femme a décidé de fuir mais sur le chemin qu’elle va emprunter ensuite suivant sa propre volonté. Margaret Qualley, épanouie dans un rôle qui représente sans doute son meilleur jusqu’à présent, parvient à donner à son personnage cette vibration céleste : l’espoir, et cette énergie créatrice : la volonté d’indépendance. Sa véritable mère, Andie MacDowell, est sa génitrice à l’écran. Les deux entretiennent un rapport sublime, noué d’une grande complexité et d’aléas tortueux, qu’un lien d’amour indicible embrasse. Maid suit ainsi la lutte acharnée d’une mère pour son enfant, lionne pour son petit, mais c’est la mise en scène de l’authenticité de la volonté de sortir du puits de la misère et de l’isolement qui élève la série au rang de conte initiatique moderne. Ici, point de bonne fée ou de forces maléfiques, simplement l’ardeur des tentatives. Prenant son inspiration des violences faites aux femmes, Maid repose sur la persévérance de celle qui apprend à demander de l’aide et la construction de la force individuelle, dans la tourmente. Elle n’est pas dénuée de traits d’humour, voire de poésie tout au long de ses épisodes riches en intrigues, en réflexions philosophiques, laissant son empreinte en notre esprit, comme s’il ne s’agissait plus de fiction. – EB
YOUNG ROYALS
De prime abord, Young Royals fait penser à une déclinaison d’Elite en version suédoise. On y suit en effet l’arrivée de Wilhelm, fils cadet de la famille royale, dans un internat pour adolescents aisés qui accueille également des élèves boursiers. Un air de déjà vu donc mais qui se heurte rapidement à une différence totale de traitement, en faisant de Young Royals l’antithèse de la série espagnole. Là où Elite fait dans la surenchère et choisit ses acteurs pour leur physique, Young Royals ne cache pas les boutons d’acné de ses protagonistes et préfère la sobriété dans sa mise en scène. Ici la classe sociale des adolescents, qu’elle soit aisée ou modeste, n’est qu’un obstacle à leur développement personnel, Young Royals se revendiquant avant tout dans son intrigue du coming of age. Pour le personnage principal, Wilhelm, cela prendra l’apparence d’un choix cornélien entre l’image imposée par son appartenance à la famille royale et la volonté de revendiquer son identité propre en assumant son homosexualité et l’amour qu’il porte à l’un de ses camarades. Dans cet arc narratif, la série se rapprochent en de nombreux points de la façon dont The Crown traite du poids de la couronne, le versant LGBT en plus. Ce dernier est par ailleurs admirablement traité, les séquences de la naissance de l’amour entre les deux jeunes garçons étant en effet filmés avec beaucoup de subtilité et s’avérant des plus touchantes.
Parce qu’il est servi par un excellent casting (Edvin Ryding est particulièrement juste, en proie à ses doutes, ses désirs et ses erreurs), parce qu’il dresse des portraits d’adolescents dans toute leur complexité (aucun n’est totalement ni bon, ni mauvais, mais tente juste d’écrire sa propre histoire), et parce qu’il les filme avec beaucoup de sensibilité, Young Royals est un teen drama loin de ce que Netflix a l’habitude de proposer, et on aurait tort de s’en priver. – FG
HIPPOCRATE (saison 2)
La saison 1 d’Hippocrate plongeait ses téléspectateurs au cœur d’un service hospitalier malmené par des conditions sanitaires imprévues, conduisant plusieurs internes à prendre le relai de titulaires assignés à résidence. Portée notamment par Louise Bourgoin et Karim Leklou, cette création originale Canal+ dévoilait avec réalisme les coulisses d’un hôpital public français grâce au vécu personnel de Thomas Lilti, lui-même (toujours) médecin dans la vraie vie. Hippocrate résonnait déjà comme un signal d’alarme – avant la pandémie de COVID qui satura les services hospitalier – et montrait sans complaisance ni idéalisme le quotidien d’un personnel dévoué et soumis à d’immenses pressions alors que la vie des patients est en jeu. Le deuxième chapitre met à nouveau en lumière les carences liées aux choix des pouvoirs publics dirigeant les établissements de santé comme des entreprises. Remarquable, elle nous immerge un peu plus dans le quotidien sous tension de ces bouleversants soignants, dévoués jusqu’à l’épuisement et si démunis face au manque de moyens. Et ce terrible épisode 2 où l’enjeu est bel et bien celui qui se jouait récemment dans nos services : le tri des patients. – TP
En thérapie
On pouvait se demander pourquoi le pays de Lacan n’avait pas encore sa version de la série israélienne BeTipul, déjà adaptée aux Etats-Unis et dans une dizaine de pays. Toledano et Nakache sortent de leur zone de confort et relèvent le défi avec En thérapie.
Les réalisateurs désormais showrunners font le pari du temps long, comme pour une véritable thérapie : les cinq personnages évoluent sur sept épisodes chacun. La série se déroule en novembre 2016 avec le Bataclan en toile de fond. Au fil des épisodes, on se rend compte que ce sera le psychanalyste le véritable sujet : Frédéric Pierrot et son regard profond et chaleureux incarnent Dayan – le professeur Dayan pardon, n’en déplaise à Pio Marmai et Clémence Poésy. Psychanalyste très compétent, tant sur son terrain que celui des petites piques lancées à la volée, il aura donc trente épisodes pour se retrouver lui, sans abandonner ses patients si possible. – AP
SCENES FROM A MARRIAGE
Hagai Levi, le créateur israélien de la série BeTipul (adaptée dans plusieurs pays, notamment en France sous le titre En thérapie), s’attaque à la mini-série Scènes de la vie conjugale qu’Ingmar Bergman avait créée pour la télévision suédoise en 1973 (et dont il avait monté une version plus courte pour les salles l’année suivante). Scenes from a marriage (disponible en France sur OCS) nous plonge dans l’intimité d’un couple en crise en adaptant l’intrigue à notre époque (cette fois c’est la femme qui quitte l’homme et pas l’inverse). Sur cinq épisodes d’une heure, la série vaut surtout pour les performances de ses deux comédiens : Jessica Chastain et Oscar Isaac, terriblement justes et émouvants. Ceux qui connaissent le film (ou la série) de Bergman pourront comparer les deux versions, quant aux autres ils se laisseront emporter par l’émotion d’une œuvre qui interroge la place de l’homme et de la femme dans le couple et dans notre société. – JCM
MARE OF EASTTOWN
Une décennie après Mildred Pierce, Kate Winslet fait son grand retour sur le petit écran dans une nouvelle production HBO. L’actrice, dont on ne doute plus de l’immense talent, porte la mini-série Mare of Easttown. Elle campe Mare Sheehan, une policière d’une petite contrée de Pennsylvanie enquêtant sur un meurtre commis dans la région. Alors que sa vie personnelle s’effondre en parallèle, Mare déterre de sombres secrets du passé.
Avec une finesse bienvenue dans l’écriture des personnages et la dimension émotionnelle, sublimée par la prestation XXL de sa comédienne principale, ce polar crépusculaire devient un poignant portrait de femme au coeur d’une communauté rurale rongée par le chagrin. Bien plus qu’une fiction criminelle, cette traque éprouvante (l’épisode 5, notamment, marque les esprits) offre une exploration convaincante de la thématique du deuil. Assurément l’une des meilleures productions sérielles de l’année. – TP
Fran Lebowitz : Pretend it’s a city!
Imaginez la juge du Loup de Wall Street prendre vie. Et en plusieurs épisodes : après le documentaire Public Speaking, Scorsese filme à nouveau Fran Lebowitz, auteure relativement peu connue en France mais toujours incroyable.
Fran parle de New York, de son New York (qui était mieux avant, ou pas d’ailleurs) et de son parcours dans une suite de digressions bien mises en scène. L’écrivaine a beaucoup de choses à dire sur notre époque et le sens de la formule. Quand elle aime, elle tacle – à moins que ce ne soit l’inverse. Scorsese lui prête une oreille attentive, s’esclaffe souvent face à ses saillies. Quand Marty rit, nous aussi. – AP
VENENO
Veneno, c’est le surnom de Cristina Ortiz Rodríguez, une femme trans qui a surgi dans le paysage médiatique de l’Espagne de la fin des années 1990, a défrayé la chronique est est devenue une icône pour la communauté LGBT. La série redonne du pouvoir et sa dignité à cette figure « bigger than life » souvent traitée, à l’époque, comme un monstre de foire. La fiction, la dimension fantasmée et fantasmatique, assumées – notamment à travers les choix de mise en scène -, servent paradoxalement à la véracité et à la pertinence du propos. Le kitsch et le trivial n’y sont pas stigmatisés et n’empêchent pas la subtilité. Outre son aspect biographique, Veneno parle de la transidentité, de la famille choisie, de la solidarité de la communauté, de l’importance des représentations et de la visibilité, des discriminations, de l’émancipation. En résumé, une excellente mini-série, bien écrite, parfaitement incarnée, débordant d’émotions. – FR