BILAN | Nos coups de coeur du mois de décembre 2021
Chaque mois, les membres de la rédaction vous proposent leur film préféré lors du bilan du mois, celui qu’il fallait découvrir à tout prix en salle ou dans votre salon (sorties SVOD, e-cinema…). Découvrez ci-dessous les choix de chaque rédacteur de Le Bleu du Miroir pour le mois de décembre 2021.
Le choix de Thomas Périllon
Flamboyante et tragique, la réinterprétation de West Side Story par Steven Spielberg éblouit par sa virtuosité, résonne par sa modernité et bouleverse grâce à son casting féminin. Une éclatante réussite, entre charme vintage et sous-texte très actuel.
Le choix de Fabien Randanne
Paolo Sorrentino délaisse son emphase habituelle pour signer son film le plus personnel. Son histoire est celle d’un ado des années 1980, fan de Maradona, se destinant à des études de philo jusqu’à ce qu’une tragédie fasse bifurquer son parcours vers le cinéma. La première moitié est une célébration de la famille, aux membres iconoclastes, et de la sensualité. Les jours heureux y sont filmés sous un soleil radieux mais dans un temps suspendu laissant entrevoir la mélancolie qui affleure. Et puis il y a cette ville à l’identité si marquée qu’est Naples et que Sorrentino magnifie à l’écran. Une ville qui ne se laisse pas facilement approcher ni apprivoiser – comme semble le souligner la séquence d’ouverture. Une ville à la cinégénie évidente. Voir Naples et mourir, disait Goethe. Voir Naples et vivre sa vie, dirait Sorrentino.
Le choix d’Elodie Martin
En réalisant un rêve d’enfance, Spielberg signe avec son 35e long-métrage bien davantage qu’un simple « remake ». Entre l’hommage et la réappropriation, le regard qu’il porte sur West Side Story est celui d’un cinéaste conscient de l’universalité des thèmes de l’œuvre originale de Broadway. Si sa version renoue avec le genre traditionnel d’une comédie musicale sur grand écran, sa grande force réside dans la mise en exergue des conflits individuels de chacun des personnages, sublimés par une performance d’actrices et d’acteur brillants de justesse et d’énergie. Un film grandiose et intimiste à la fois, et une merveilleuse déclaration de cinéma de la part de l’indetrônable King of Entertainment.
Le choix de Florent Boutet
Film franco-laotien réalisé par Kiyé Simon Luang, cette très belle histoire est un moment flottant qui épouse le calme et la quiétude du lac où se déroule son action. Si une année se déroule, on a du mal à en saisir la durée tant un sentiment de continuité émane de chaque scène, privilégiant le temps long et la douceur d’un découpage tout en finesse. Le bateau de France et de sa famille semble un anachronisme face au monde capitaliste représenté par le chinois mister Wong, rempart contre une accélération du monde dont elle se protège. C’est aussi le temps qui permet à Hugo de laisser guérir sa relation avec sa femme, exilée dans ces territoires si lointains. Une ode contemplative qui rafraichit l’âme, tout en étant très consciente de son étrangeté et de son décalage. Une bien belle découverte.
Le choix de F-X Thuaud
Un film gigogne mal emboîté et surtout joyeusement mal embouché. Un agencement de formes libres qui finissent par composer un tableau grotesque. De la déambulation dans la ville à la circulation virale d’une sextape, Radu Jude dessine un dédale infernal, fait circuler son actrice (Katia Pascariu dont le regard au dessus du masque n’abdique jamais) dans un labyrinthe d’hypocrisie parsemé d’éclats de rire grinçants. Film bulldozer et bulle de malice.
Le choix de Tanguy Bosselli
Sous les décombres, une fenêtre s’ouvre. A peine sortis des entrailles de la ville, les Jets et les Sharks s’affrontent dans un New York en passe d’être gentrifié. Ces deux gangs se ressemblent socialement, mais au fil des péripéties macabres qu’ils vivront, ils resteront rivaux. Dans ce contexte brûlant et toujours d’actualité, Steven Spielberg signe avec West Side Story le film du mois voire de l’année 2021. Une relecture nécessaire du célèbre musical ornée, à l’inverse du premier long-métrage signé Robert Wise, d’une violence physique et morale plus sournoise.
Le choix de Fabien Genestier
Dans l’immensité des paysages du Montana, Jane Campion filme un drame intimiste au sein d’une famille aux membres dissonants. L’incursion de la réalisatrice dans le genre du western est l’occasion pour elle de se pencher pour la première fois sur la masculinité, mais pour mieux en égratigner les codes habituellement véhiculés par le genre. Fort de la présence et de la justesse de ses interprètes, de sa mise en scène irréprochable, de sa sublime photographie et de la puissance de sa musique, The Power of the Dog nous emporte, comme hypnotisés, dans un songe tantôt malaisant, tantôt émouvant, mais incontestablement troublant et mémorable.
Le choix de Grégory Perez
En s’attaquant à l’adaptation d’une pièce emblématique (sa première comédie musicale), en même temps qu’à un classique du cinéma, Spielberg n’a pas choisi la facilité et a prouvé une fois de plus qu’il était un homme de défi. Si sa version manque un peu de la délicieuse légèreté du film de Robert Wise, West Side Story 2021 nous réserve de nombreuses séquences mémorables, comme sur l’incroyable numéro « Gee, Officer Krupke » dans le commissariat, qui nous offrent à voir des chorégraphies aussi magistrales que sa mise en scène. Et s’il est impossible de remplacer Rita Moreno et George Chakiris, le casting de cette nouvelle itération n’a pas à rougir, loin de là. Plus qu’un simple remake, Steven Spielberg nous apporte un regard singulier sur cette œuvre mythique du XXe siècle qui justifie pleinement son existence et contribue à perpétuer sa légende.
Le choix d’Augustin Pietron
Un long métrage aussi discret que lancinant du trop rare Uberto Pasolini (qui, comme son nom ne l’indique pas, est le neveu de Luchino Visconti). Entre Mike Leigh et Ken Loach, la mise en scène est pure, passe par des regards et des coups d’œil sur des fenêtres qui s’ouvrent sur d’autres vies. Ces œillades sont lancées par un James Norton inspiré ; ses regards se portent sur son fils à l’écran, le (très) jeune Daniel Lamont, adorable et prometteur. Un endroit comme un autre avance sur le terrain de la filiation puis parle de la mort ; se demande comment en parler, justement. Beauté, inspirations et gosse décidément trop mignon : les larmes, les vraies.
Le choix d’Antoine Rousseau
Après avoir offert les plus beaux portraits de femmes de ces dernières décennies au cinéma, Jane Campion s’attaque à la figure de l’homme dans sa masculinité la plus toxique. Loin des clichés, la réalisatrice adapte avec brio le récit de Thomas Savage pour raconter le parcours d’un cowboy, dévoré de l’intérieur par des désirs inavoués et un mal-être qui le pousse à transformer la vie de ses proches en enfer. En résulte un faux western dont la réalisatrice s’amuse à pervertir les codes pour déconstruire l’image d’une virilité absurde. Aidée d’un casting renversant (Benedict Cumberbatch n’a jamais été aussi bon) et d’une photographie sublime, Campion livre avec The Power of the Dog une fable cruelle parsemée de moments suspendus d’un érotisme troublant, prouvant que la cinéaste sait filmer le désir comme nul(le) autre, peu importe le genre de ses personnages : The Power of Campion en somme.
Le choix de Jean-Christophe Manuceau
Cruel échec en salles de cette nouvelle version du classique de Broadway dans laquelle Spielberg a mis tout son coeur et son savoir-faire. La faute uniquement à une campagne médiatique insuffisante et mal calibrée ? Peut-être pas. Les jeunes investissant majoritairement les salles, le public potentiel de cette comédie musicale a été bloqué à domicile par la pandémie, dommage. Le rattrapage se fera… à la maison.