BILAN | Nos coups de coeur du mois de juin 2022
Chaque mois, les membres de la rédaction vous proposent leur film préféré lors du bilan du mois, celui qu’il fallait découvrir à tout prix en salle ou dans votre salon (sorties SVOD, e-cinema…). Découvrez ci-dessous les choix de chaque rédacteur de Le Bleu du Miroir pour le mois de juin 2022.
Le choix de Thomas Périllon
Avec Men, Garland joue avec les motifs de l’étrange et du monstrueux pour créer des images vraiment dérangeantes assez dingues, saupoudrées d’une dose d’humour noir, afin de nourrir son récit de culpabilité et de traumatisme. Avec ce troisième long-métrage où la véritable terreur réside presque entièrement dans son étrangeté, le réalisateur d’Annihilation signe une oeuvre audacieuse, provocatrice et créative traversée par son message féministe.
Le choix de Florent Boutet
S’il reste engoncé dans les lignes du biopic, Elvis est une tentative flamboyante pour décrire le phénomène de société que fut l’éclosion du King du rock’n roll, de son enfance dans un quartier noir de Memphis, jusqu’à sa mort au sommet de sa gloire en 1977. Mise en scène flamboyante, interprétation bluffante et talentueuse, le film ne manque pas d’atouts ni de charme, allant jusqu’à interroger sur les influences de la direction artistique, qui semble lorgner par séquences sur le Retour vers le futur 2 de Zemeckis, l’influence du personnage de Biff Tannen, à mi-chemin entre Trump et Elvis, arrivant à une forme d’aboutissement en devenant lui même un patron des couleurs et décors de ce Graceland des années 1970. Entre force et fragilité, le réalisateur de Moulin rouge réussit un film captivant gorgé d’aspérités et de scènes hors du temps, comme ce moment où le King s’échappe de sa vie et du film pour passer une nuit avec BB King dans un club, pour le plaisir pur : le sien mais aussi celui du spectateur.
Le choix d’Antoine Rousseau
Pas facile de passer après une quasi perfection stylistique et narrative comme Mademoiselle. Mais impossible n’est pas Chan-Wook Park, qui vient rappeler avec Decision to leave qu’il est sans aucun doute l’un des plus grands réalisateurs contemporains. Virtuose, sa mise en scène se réinvente à chaque séquence pour mettre en image un ballet amoureux romantique et pervers entre un flic et celle qui fait l’objet de son enquête. Les motifs ont beau être des archétypes de cinéma usés jusqu’à la moelle, Park Chan Wook les investit à chaque instant d’idées formelles qui donnent le vertige et subliment cette histoire d’amour contrariée. Inutile de dire que le Prix de la mise en scène décerné à Cannes semblait être le minimum syndical pour une telle œuvre dont on a pas fini d’explorer toute la richesse.
Le choix de Pierre Nicolas
C’est avec beaucoup de malice et d’exubérance que le tandem argentin Mariano Cohn et Gaston Duprat dépeignent le monde du cinéma dans Compétition officielle. En explorant de façon burlesque et outrancière les arcanes de fabrication du « plus grand film du monde », les cinéastes figurent surtout le théâtre d’une jubilatoire guerre d’égo et de vanité.
Le choix d’Augustin Pietron
Doit-on regarder un film d’Alex Garland pour autre chose que la mise en scène ? Si Annihilation instiguait le doute, Men vient le confirmer. Une métaphore grossière parce que tellement évidente sert de carcan à une suite d’images et de moments de mise en scène. L’exercice formel est réussi et toujours surprenant ; la simplicité du message fait hurler mais Jessie Buckley peut briller. Le contrat est rempli : est-ce que Men dit plus que son idée de base, certainement pas. Mais on reste chez A24 : une balade en forêt ne peut que dégénérer.
Le choix de Jean-Christophe Manuceau
À partir d’un sujet en apparence déjà vu (une femme tente l’expérience de la vie en commun avec un androïde mâle fabriqué pour répondre au mieux à ses désirs), la réalisatrice allemande Maria Schrader déjoue les pièges liés au sujet pour livrer une œuvre d’une grande intelligence, constamment surprenante. Maren Eggert, dans le rôle principal, livre une performance toute en intensité et subtilité, qui lui a valu le prix de la meilleur actrice aux German Film Awards en 2021. Avec humour, I’m your man pose des questions philosophiques essentielles sur l’avenir de l’humanité, dont le destin sera forcément, et plus tôt qu’on ne le croit, chamboulé par l’intelligence artificielle.
Le choix de Tanguy Bosselli
Plus proche de la narration en segments de Isao Takahata que des films de Hayao Miyazaki, La chance sourit à Madame Nikuko est un très bel hommage aux femmes japonaises et à leur condition difficile en tant que célibataires. L’attachement aux personnages principaux est immédiat. Aussi le film, d’une grande simplicité et orné de dessins remarquables, se pare de quelques moments oniriques d’une grande émotion.
Le choix de Victor Van De Kadsye
Sacré par le jury cannois de Vincent Lindon avec le Prix de la Mise en Scène à la clé, Decision To Leave ne tient pas uniquement par la réalisation inventive et méticuleuse que l’on connait de Park Chan-wook. C’est avant tout un thriller remarque dans son écriture, où la brume de l’enquête se dissipe pour laisser apparaître un récit romantique tourmenté qui rappelle les coups d’éclats de Mademoiselle et Thirst.