BILAN | Les meilleurs films du mois de novembre 2023
CHAQUE MOIS, LES MEMBRES DE LA RÉDACTION VOUS PROPOSENT LEUR FILM PRÉFÉRÉ LORS DU BILAN DU MOIS, CELUI QU’IL FALLAIT DÉCOUVRIR À TOUT PRIX EN SALLE OU DANS VOTRE SALON (SORTIES SVOD, E-CINEMA…). DÉCOUVREZ CI-DESSOUS LES CHOIX DE CHAQUE RÉDACTEUR DE LE BLEU DU MIROIR POUR LE MOIS DE NOVEMBRE 2023.
LE CHOIX DE FLORENT BOUTET
Tout juste récompensée par le prestigieux prix Jean Vigo, La rivière raconte l’histoire du combat pour la préservation de tout un écosystème gravitant autour des gaves du Béarn dans le sud-ouest de la France. Entre témoignages d’experts, d’association et d’étudiants tous concernés par le devenir de ces courts d’eaux, le documentaire de Dominique Marchais est un exposé pédagogique, précis, qui ne se perd pas dans une technicité qui mettrait à distance le spectateur, et qui, au contraire, permet de bien cerner toutes les problématiques liées au climat, à la pêche intensive, et à une dégradation progressive mais pas inévitable de lieux fondamentaux dans la vie de millions de personnes. En une poignée de films tous en lien direct avec l’écologie et la défense de l’environnement, le cinéaste est devenu un regard incontournable sur l’étude du vivant et de l’anthropocène qui gangrène le contemporain.
LE CHOIX DE THOMAS PÉRILLON
Ce mois de novembre, d’une immense richesse et d’une grande diversité, a offert au public français de nombreux longs métrages avec pour point commun d’avoir été sélectionnés à Cannes et d’être mis en scène par des réalisatrices. Hasard du calendrier ou non, alors que le 25 novembre est consacré aux violences faites aux femmes, cet avant-dernier mois de l’année aura donc vu les très prometteurs How to have sex et Rien à perdre parvenir dans nos salles, en espérant qu’ils auront trouvé leur public autour de sujets délicats. Deux coups de coeur de la dernière édition cannoise sont également arrivés sur les écrans, comme pour confirmer le talent de Monia Chokri (Simple comme Sylvain) et Katell Quillévéré (Le temps d’aimer), deux artistes très estimées dans la rédaction. Pourtant, c’est un revenant qui a (presque) le plus surpris sur la Croisette en signant l’un de ses plus beaux films, Perfect days : Wim Wenders. Le vétéran, honoré au festival Lumière, offre une déambulation d’esthète dans Tokyo, plutôt taiseuse mais indiscutablement poétique, invitant à chérir la beauté des petites choses. Une bulle de simplicité et de douceur dont on n’a presque plus envie de ressortir lorsque le générique final s’achève et nous invite à retrouver le chaos extérieur.
LE CHOIX DE FRANÇOIS-XAVIER THUAUD
Un film comme un îlot de confiance et de légèreté, grâce à la personnalité de Ricardo Cavallo, homme-chevalet qui a dédié sa vie à son art mais aussi grâce au dispositif de tournage mis en place par le cinéaste, entre le portrait, la conversation érudite et le making-of intégré. De la Bretagne à Paris, de musées en souvenirs, Ricardo et Barbet retracent une histoire de la peinture telle qu’elle façonné l’oeil du peintre et remontent le cours de sa vie. Une atmosphère d’amitié et de contemplation active plane sur ce film, assurément le plus harmonieux de l’année.
LE CHOIX D’ANTOINE ROUSSEAU
Fallait-il une nouvelle preuve que l’animation française compte en son sein quelques-unes des propositions les plus intéressantes et singulières de ces dernières années ? Parmi les J’ai perdu mon corps ou Le Sommet des Dieux, Mars Express s’impose sans peine comme l’une des réussites les plus éclatantes du cinéma animé hexagonal. Jérémie Périn y déploie un imaginaire fort, nourri des plus grandes œuvres de science-fiction sans jamais pour autant perdre de sa propre identité. En résulte un « planet opera » d’une maîtrise totale et à la frontière des genres, convoquant dans une même scène aussi bien l’esprit de Mamoru Oshii que celui de Brian de Palma. Le cocktail est aussi stimulant que déroutant, mais toujours fascinant dans son appropriation des thématiques éternelles soulevées par le genre
LE CHOIX DE MARIE SERALE
Venu réchauffer notre mois de novembre avec ses neiges québécoises, son humour irrésistible et sa sensualité, Simple comme Sylvain est un film aussi beau que lucide. Dans ce troisième long-métrage, la géniale Monia Chokri nous livre ses réflexions sur l’amour, nourries de vécu, de philosophie et d’illusions s’étant heurtées à la réalité. En résulte une comédie douce-amère qui interroge le système du couple et ses injonctions, tout en célébrant le désir féminin. Pétillant, intelligent, cruel parfois, le film offre un nouveau souffle au genre de la comédie romantique, et ça fait du bien !
LE CHOIX DE GREGORY PEREZ
Riche d’une carrière de plus de cinquante ans, Marco Bellocchio continue de scruter, avec toujours la même maestria, la construction de la société italienne à travers son histoire. Avec L’Enlèvement, il nous entraîne au coeur du XIXème siècle dans une histoire aussi absurde que tristement vraie et qui, malgré les siècles qui nous séparent, prend un relief particulier en raison de l’actualité récente. Edgardo, « piccolo bambino » de sept ans, est arraché à sa famille juive car il aurait été baptisé en secret. Sans autres explications, le Pape exige que l’enfant reçoive une éducation catholique loin des siens. Tout autant drame historique que film de procès, L’Enlèvement retrace une époque cruciale dans l’histoire de l’Italie, entre un pouvoir pontifical vacillant et un esprit libertaire croissant au sein de la population italienne. Faisant preuve d’une force de caractère admirable pour ne pas céder à la tentation facile de la révolte face à l’injustice, Marco Bellocchio signe une oeuvre somptueuse et une reconstitution magistrale. Il montre comment des lois absurdes et des abus de pouvoirs peuvent aliéner un individu et nous rappelle, avec émotion, qu’il n’y a bien que sous les jupons de sa mère que l’on se sente réellement en sécurité.
LE CHOIX D’ADRIEN ROCHE
Le mois de novembre a été marqué par la sortie du grandiose Le Garçon et le Héron, dont nous avons déjà dit tout le bien possible dans notre critique. Quant à L’enlèvement de Marco Bellocchio, injustement boudé à Cannes, il aurait été le cœur de ce texte si Mars Express n’était pas arrivé. Mais la densité de l’œuvre de Jérémie Périn en fait un long-métrage immanquable. Mars Express revisite le film noir dans un thriller de science-fiction fataliste et questionne notre rapport à la technologie. Son univers cyberpunk ultramoderne hyperbolise nos maux actuels pour ironiser sur la société contemporaine. Les hommes assujettissent les robots pour se donner un semblant d’importance, et font de la quête de l’immortalité mentale le cœur de leur existence. Le film n’a pas peur de multiplier les clins d’œil aux œuvres majeures du genre mais n’oublie jamais de se concentrer sur son identité, trouvant son propre chemin parmi ses multitudes de références. On en ressort presque frustré : son vaste monde ne demande qu’à être découvert, et 1h30 ne suffit pas exploiter toutes ses idées vertigineuses.