BILAN | Les meilleurs films du mois de janvier 2023
CHAQUE MOIS, LES MEMBRES DE LA RÉDACTION VOUS PROPOSENT LEUR FILM PRÉFÉRÉ LORS DU BILAN DU MOIS, CELUI QU’IL FALLAIT DÉCOUVRIR À TOUT PRIX EN SALLE OU DANS VOTRE SALON (SORTIES SVOD, E-CINEMA…). DÉCOUVREZ CI-DESSOUS LES CHOIX DE CHAQUE RÉDACTEUR DE LE BLEU DU MIROIR POUR LE MOIS DE JANVIER 2023.
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Le choix de Thomas Périllon
Todd Field aura pris son temps. Quinze ans après Little Children, superbe film injustement méconnu, il signe son grand retour avec Tàr, présenté à la Mostra de Venise et sorti en salle en cette fin de mois de janvier. Il signe l’un des grands films de ce premier trimestre, une représentation symphonique autour d’un personnage contradictoire, brillamment incarné par Cate Blanchett. Tel Icare qui vola trop près du soleil et tomba dans une chute dévastatrice, Lydia Tàr acquiert un statut de déesse abusant de son statut avant de perdre la raison et de voir sa vie s’effondrer en morceaux. Une tranche de cinéma captivante et déroutante.
Le choix de Florent Boutet
Au sein d’un mois exceptionnellement riche, avec la sortie de films aussi beau et ambitieux que Nos Soleils (Carla Simon) ou Tar (Todd Field), ainsi que des gestes intéressants et singuliers (Retour à Séoul ou Interdit aux chiens et aux italiens), se niche un documentaire d’Alain Gomis qui retient l’attention. Composé de rushs enregistrés à la fin des années 1960 pour une émission de télévision musicale, il montre le grand pianiste de jazz Thelonious Monk, entre séances de questions et démonstration musicale. La qualité de montage du cinéaste souligne avec brio le sentiment de malaise qui transparaît entre un présentateur qui piège Monk dans une boucle interrogative, provoquant par conséquence son embarras, voire même un sentiment d’hébétude. Boite noire insolite d’une émission disparue, Rewind and play est un document particulièrement passionnant sur cet artiste hors du commun.
Le choix de Fabien Randanne
« Nuit américaine » enfiévrée et exploration zinzin d’un Hollywood bouleversé par l’arrivée du parlant, Babylon, c’est trois heures frénétiques, généreuses, débordantes d’excès et de trivialité, de poésie et de folie. Ce film donne tout son sens à l’expression si souvent galvaudée de « déclaration d’amour au 7e art » avec un jusqu’auboutisme qui force l’admiration.
Le choix d’Antoine Rousseau
Fascinante plongée dans la tête d’une artiste au sommet de sa gloire, Tár décortique avec brio les mécanismes du pouvoir et des abus perpétrés de manière quasi inconsciente par ceux qui le détiennent. Loin des clichés et d’une morale hollywoodienne prémâchée, Todd Field propose au spectateur d’assister au ralenti à la chute d’une femme puissante complexe aux desseins ambivalents. Un film troublant et inconfortable qui mise sur l’intelligence de son spectateur pour trouver des réponses – jamais satisfaisantes – dans le regard énigmatique (et toujours aussi cinégénique) de Cate Blanchett.
Le choix de François-Xavier Thuaud
Les micro événements et la macro économie, Nos soleils embrasse tout cela à la fois, la langueur d’un été et le prix des dernières fois, les journées identiques et les dégradés de mélancolie qui, peu à peu, imprègnent l’écran. En deux heures, Carla Simon compose, dans sa chronique douce amère, un portrait de groupe où toutes les sensibilités de la famille Solé se combinent dans un jeu perturbé par le soudain changement de règles. Chacun à sa place, chacun à sa hauteur, livre sa partition, de l’innocence d’Iris au bourrèlement de Rogelio. Mais c’est à travers les yeux de Mariona, adolescente à qui aucune discordance n’échappe, que la réalisatrice accorde son récit naturaliste aux troubles de l’incertitude. Un dernier été tous ensemble, grains de sable secoués par le renversement du grand sablier de la modernité aveugle. Longtemps après la séance, on se souvient d’une carcasse de 2CV, d’un figuier presque centenaire et d’un paillasson de lapins.
Le choix de Tanguy Bosselli
Face à un cinéma indépendant de plus en plus situé au-dessus des personnages et non plus à leurs niveaux, Tár de Todd Field impressionne par sa manière d’embrasser les tourments de sa protagoniste. La capacité du réalisateur à faire des petits détails caractériels et comportementaux une tragique gradation dramaturgique et narrative fait mouche durant sa longue durée. Cate Blanchett mérite tous les honneurs qu’on a pu lui accorder et qu’on lui accordera sûrement aux prochains Oscars.
Le choix de Jean-Christophe Manuceau
Absent des écrans depuis 2006, le réalisateur Todd Field revient enfin avec un projet ambitieux et original qui nous plonge dans la tête d’une chef d’orchestre renommée, Lydia Tár, au sommet de sa gloire, dont la vie va être bouleversée par un événement inattendu. Porté de bout en bout par une Cate Blanchett totalement investie dans son rôle (elle est aussi co-productrice), le film bénéficie d’un scénario riche décrivant d’une façon très précise un monde rarement représenté à l’écran, celui de la musique classique. Radiographie de notre époque post-Metoo, Tár s’avère aussi troublant que fascinant et nous pousse à réfléchir à la responsabilité qu’implique le pouvoir. Déjà un des films de l’année.