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BINKA JELIAZKOVA, ÉCLAT(S) D’UNE CINÉASTE RÉVOLTÉE

Nous étions jeunes et Le ballon attaché, deux films d’une extraordinaire réalisatrice censurée tout au long de sa vie. Une redécouverte majeure, permise grâce à Malavida films.

Nous étions jeunes 

Bulgarie, 1941. Des jeunes gens ordinaires, qui appartiennent à la ligue de la jeunesse ouvrière, organisent un commando de résistants contre les forces nazies. Alors que les préparatifs d’un attentat se précisent, Veska, qui vient d’intégrer le groupe, et Dimo s’attirent mutuellement. Mais l’étau se resserre autour de leur groupe. Comment protéger son innocence et sa capacité d’aimer dans une situation où chaque instant, chaque geste, chaque regard peut vous perdre ?

Nous étions jeunes

Critique du film

Le film débute par des images d’un jeune qui court et se fait abattre à bout portant. Une voix-off parle de ces jeunes gens qui prennent des risques pour résister, se battent et ne connaîtront de la vie qu’une partie de ce qu’elle peut représenter ou apporter. Mourir avant d’avoir goûté à tous les aspects de l’existence, voilà ce qui attend peut-être les protagonistes de cette histoire. Nous sommes en Bulgarie en 1941, et face à l’occupant nazi, des hommes et des femmes se rebellent, s’organisent pour des missions de sabotage, de lâchers de tracts, avec parfois un attentat qui rate, ou la peur qui fait paniquer.  

Sacrifier sa jeunesse et sa vie, ou profiter de sa vie et des plus belles années qu’elle offre, un choix cornélien auquel les jeunes héros de Nous étions jeunes sont confrontés. Avec la fougue, l’insouciance, parfois l’inconscience qui caractérisent la jeunesse, ils prennent tous les risques mais aussi le temps parfois de se séduire, de connaître l’amour. Même si c’est furtivement, et même si c’est en sachant que c’est d’une grande fragilité, happés qu’ils sont par l’histoire et l’urgence de leur mission. 

Formellement très réussi, par ses mouvements de caméra, son sens du cadre, une photographie en noir et blanc qui magnifie les visages, Nous étions jeunes offre des scènes très fortes comme celle qui nous présente une de ces femmes dans les bois, alors qu’on entend la lecture d’une lettre d’adieu, ou encore cette jeune handicapée qui, malgré son apparente fragilité, ne craint pas d’affronter très ouvertement le danger. Et lorsqu’une résistante tombe sous les balles, une autre prend sa relève. Profondément humaniste, le film n’idéalise pas ses personnages, mais évoque leurs failles, leurs doutes. Ce qui rend les personnages d’autant plus attachants, aimables et crédibles. 



Le Ballon attaché

Un gros ballon volant arrive au-dessus d’un village et attire l’attention des paysans. D’abord effrayés par cet objet apparemment venu de nulle part, ils sont bientôt fascinés par sa beauté et une enviable liberté de mouvement. Et ils projettent bientôt sur lui tous les fantasmes, attentes et espérances que des vies dans le dénuement peuvent susciter… Ils décident de le suivre et de le capturer, mais le ballon s’avère indocile…

Le ballon attaché

Critique du film

« C’est la peur qui la première au monde a créé des dieux ». C’est la première citation qu’on pourra découvrir au début de ce film. Il y aura bien d’autres aphorismes, tout au long de cette œuvre singulière et presque aussi mystérieuse que ce ballon, venu d’on ne sait où et dont on ne connaît ni la nature profonde, ni les intentions, si tant est qu’une telle machine puisse en avoir.  

Car de quoi s’agit-il ? Ce ballon est-il un espion, une sorte de dieu ? Cette espèce de dirigeable semble en tous les cas rendre les hommes fous ou agités. Et les incite à le pourchasser. Mais pour quelle raison ? Par peur ? Agressivité ? Rapacité ? Et savent-ils ce qu’ils en feront quand ils l’auront attrapé ? Tout le monde court après le ballon pour des raisons différentes – quand il les connaît, mais on pourrait parier que certains ne le savent pas eux-mêmes – mais au final presque tout le monde aura droit à cent coups de bâton.  

Avec ses très belles prises de vue, sa mise en scène ample, majestueuse qui joue sur les mouvements de foule, la folie collective, Le Ballon attaché constitue une œuvre particulièrement originale et qui peut aisément inciter à bien des interprétations. Satire politique, œuvre simplement ubuesque et absurde ou fable philosophique, vision sombre et presque entomologiste de la bêtise humaine ? Ce film est peut-être bien tout cela à la fois. Il est drôle, caustique et en même temps il s’agit d’une œuvre artistique intelligente et énigmatique. 



Nous étions jeunes, tourné en 1961, deuxième film de Binka Jeliazkova et Le Ballon attaché qu’elle réalise en 1967, forment la première partie de cette rétrospective, inédite en France, que Malavida consacre à cette cinéaste bulgare, femme de caractère et de conviction et dont l’œuvre fut longtemps censurée. On pourra voir ces deux longs-métrages dans des versions restaurées à compter du 8 mars. La seconde partie de cette rétrospective est prévue pour le 5 juillet avec deux autres films : La Vie s’écoule silencieusement et La Piscine.