BRAQUEURS
Yanis, Eric, Nasser et Frank forment l’équipe de braqueurs la plus efficace de toute la région Parisienne. Entre chaque coup, chacun gère comme il peut sa vie familiale, entre paranoïa, isolement et inquiétude des proches. Par appât du gain, Amine, le petit frère de Yanis, va commettre une erreur… Une erreur qui va les obliger à travailler pour des caïds de cité. Cette fois, il ne s’agit plus de braquer un fourgon blindé, mais un go-fast transportant plusieurs kilos d’héroïne. Mais la situation s’envenime, opposant rapidement braqueurs et dealers…
Go-fast.
Il faut reconnaitre à Julien Leclercq sa passion pour un certain cinéma d’action, nerveux et intense, qui transparait mieux que jamais avec Braqueurs. Une maîtrise formelle du genre assez rare sur le territoire française ces dix dernières années. La scène d’introduction, très prometteuse, frappe fort. On ressent la tension, l’adrénaline qui monte avec les protagonistes, le souffle qui devient court. Mais ce qui intéresse véritablement le réalisateur c’est l’après, les retombées, et les interactions sociales entre les différents protagonistes, domaine dans lequel il se trouve bien moins à l’aise.
Le film est resserré au maximum, 80 minutes sans gras ni fioritures, mais sans profondeur non plus. On fonce mais l’ensemble est quand même ralenti par l’absence d’une véritable intensité dramatique – la faute à un scénario linéaire et creux, à un traitement beaucoup trop lisse. Cette histoire de braqueurs confrontés à des dealers de cité est assez mal racontée. Avec pareil sujet, difficile de ne pas penser à un modèle du genre comme Heat dont le lyrisme, totalement absent ici, était pour beaucoup dans la réussite du film de Michael Mann. Pire encore, il manque un point de vue affirmée sur ces personnages et leurs actes, car l’unilatéralité du regard force à éprouver de l’empathie pour des sales types aux figures d’archétypes, inconfort déplaisant pour un film qui se veut réaliste.
Si le film réussit à éviter le misérabilisme, et une certaine glorification du grand banditisme, il ne peut s’empêcher de foncer tête baissée vers tous les autres clichés qui s’offrent à lui. Les protagonistes sont d’assez vilaines caricatures trop peu développées ce qui oblige les acteurs (pas tous très bons) à faire au mieux avec pas grand chose. Leurs personnages sont, en plus, affublés de dialogues qu’on espérait ne plus jamais entendre, venant souvent freiner la tension présente à l’image. Au centre, Sami Bouajila, dans un registre où on l’a trop peu vu, froid et visage rentré, est le point fort de ce casting, bien épaulé par Guillaume Gouix, qui sait faire naitre l’émotion. Quant à Kaaris, sur qui est vendu le film, ne fait qu’une courte apparition bien anecdotique et aura encore à faire ses preuves en tant que comédien. Dommage par ailleurs que le scénario ne creuse pas un peu plus les différences entre braqueurs et dealers, comme promis sur les affiches promotionnelles.
On ne demandait pas la profondeur du Cercle Rouge de Melville mais bien de faire exister les à-côtés nécessaires pour se laisser embarquer émotionnellement dans cette intrigue qui, sans eux, ressemble à une vague histoire de petits et gros bonnets qui commettent des actes violents, se retrouvent dans la merde et finissent par en payer le prix fort. Leclercq est plus modeste qu’Olivier Marchal mais manque cruellement d’ambition. Si Braqueurs s’avère efficace dans l’action et remplit son petit cahier des charges, il ne vient jamais transcender un genre entravé depuis trop longtemps par ses modèles. Encenser ses quelques fulgurances ne serait pas rendre service à ses futures productions, qui, si elles veulent convaincre, devront s’armer de scénarii plus exigeants. Pour cette fois, plein les yeux et les oreilles, et c’est tout. C’est trop peu.
La fiche
BRAQUEURS
Réalisé par Julien Leclercq
Avec Sami Bouajila, Guillaume Gouix, Youssef Hajdi…
France – Polar, Drame
Sortie : 4 Mai 1985
Durée : 81 min