CANNES 2022 | Jour 12 : le palmarès du 75e festival de Cannes
Jour 12 : Le palmarès de cette 75e édition
Après 11 jours d’une édition passionnante, le Jury de cette 75e édition du Festival de Cannes, présidé par le comédien français Vincent Lindon, entouré du metteur-en-scène iranien Asghar Farhadi, de l’actrice et réalisatrice britannico-américaine Rebecca Hall, du réalisateur français Ladj Ly, du cinéaste américain Jeff Nichols, de l’actrice indienne Deepika Padukone, de l’actrice suédoise Noomi Rapace, du réalisateur norvégien Joachim Trier et de l’actrice et réalisatrice italienne Jasmine Trinca, a livré hier soir son palmarès à l’issue de la présentation des 21 films en Compétition cette année pour la Palme d’Or.
Palme d’or
SANS FILTRE réalisé par Ruben ÖSTLUND
Grand Prix ex æquo
CLOSE réalisé par Lukas DHONT
STARS AT NOON réalisé par Claire DENIS
Prix de la Mise en Scène
PARK Chan-wook pour DECISION TO LEAVE
Prix du Scénario
Tarik SALEH pour BOY FROM HEAVEN
Prix du Jury ex æquo
EO réalisé par Jerzy SKOLIMOWSKI
LES HUIT MONTAGNES réalisé par Charlotte VANDERMEERSCH & Felix VAN GROENINGEN
Prix du 75e
TORI ET LOKITA réalisé par Jean-Pierre & Luc DARDENNE
Prix d’Interprétation Féminine
Zar AMIR EBRAHIMI dans LES NUITS DE MASHHAD réalisé par Ali ABBASI
Prix d’Interprétation Masculine
SONG Kang-ho dans LES BONNES ÉTOILES réalisé par KORE-EDA Hirokazu
Prix Un Certain Regard
LES PIRES (The Worst Ones) réalisé par Lise AKOKA & Romane GUERET
Coup de cœur du Jury UCR
RODEO réalisé par Lola QUIVORON
Caméra d’Or
WAR PONY réalisé par Riley KEOUGH et Gina GAMMELL (UN CERTAIN REGARD)
Mention Spéciale
PLAN 75 réalisé par HAYAKAWA Chie
Jour 11 : Dernier jour de compétition
La Semaine et la Quinzaine ont baissé le rideau. En ce vendredi 27 mai, il était question que de rattrapages (pour celles et ceux qui seraient arrivés un peu tard sur la Croisette) mais deux longs-métrages devaient encore être présentés au public et à la presse. Outre l’invitée de dernière minute, Léonor Serraille (Jeune femme) avec son Un petit frère, c’est le nouveau long-métrage de Kelly Reichardt (First cow) qui obtenait – enfin ! – une première sélection en compétition et qui suscitait dans nos rangs une attente toute particulière.
Avec son Showing up, pour clôturer le marathon de la vingtaine de films en compétition, Kelly Reichardt montait donc les marches du Palais pour la première fois, accompagnée de son amie et complice artistique Michelle Williams. Pour leurs retrouvailles, six ans après le très beau et contemplatif Certaines femmes, elle signe « une tragi-comédie sur les affres de la création. Une œuvre toute en nuance, d’une profonde simplicité. » d’après nos confrères de Telerama. Une nouvelle oeuvre simple mais pas simpliste qui a séduit notre rédacteur, Florent Boutet : « Diable que l’épure est grande chez Reichardt, on sculpte, cuit, voit ses parents et soigne un pigeon. Ni plus. Ni moins. » (Lire sa critique)
Toujours cette après-midi, l’équipe d’Un petit frère passait à son tour sur le tapis pour la projection officielle du film dans le Grand Théâtre Lumière. Un joli bouquet pour cette 75e édition selon Florent Boutet qui salue sa très belle gestion du temps, avec deux heures de fiction bien menées qui aboutissent sur beaucoup d’émotions.
De son côté, Thomas Périllon profitait de la journée de reprise au Théâtre Croisette afin de rattraper trois films de la Quinzaine. Une journée riche en émotions, des larmes aux moments d’effroi et de sidération. Il y a d’abord eu Un beau matin qui rappelle combien c’est un « privilège d’avoir des cinéastes comme Mia Hansen-Løve, capables de raconter avec tant de délicatesse les tourments de l’existence, les amours contrariés, le chagrin de ceux qui restent. » Un portrait de femme infiniment beau et une Léa Seydoux bouleversante. Avec comme trait d’union Les nymphéas de Monet, la transition était toute faite avec le très attendu Revoir Paris d’Alice Winocour, poignant récit de reconstruction d’une survivante des attentats parisiens, porté par la brillante Virginie Efira. La journée s’est conclue sur la deuxième séance spéciale de Men d’Alex Garland, proposition radicale et saisissante du cinéaste britannique qui déploie ses élans artistiques de façon sidérante dans une évocation cauchemardesque aussi angoissante que sidérante visuellement. Un sacré choc, et une oeuvre clivante qui devrait en secouer (ou en agacer) plus d’un !
Notons enfin que la Queer Palm a été attribuée à Joyland et que les Prix d’Un Certain Regard ont été décernés dans la belle salle de Debussy : LES PIRES de Lise Akoka & Romane Gueret a reçu le Prix Un Certain Regard, JOYLAND de Saim Sadiq celui du Jury, Alexandru Belc a été récompensé pour sa réalisation de METRONOM, Vicky Krieps (pour Corsage) et Adam Bessa (pourHARKA) ont vu leurs interprétations saluées, le scénario de MEDITERRANEAN FEVERde Maha Haj a été honoré et le « Coup de coeur » est revenu à Rodéo de Lola Quivoron.
Jour 10 : La Croisette en pleine effervescence
Le programme de ce jeudi 26 mai était particulièrement intense sur la Croisette. Outre la conclusion de la Quinzaine, de nombreux événements avaient lieu dans le Palais des Festivals, attirant une foule particulièrement importante dans les différents espaces de ce lieu en pleine ébullition à deux jours du palmarès final.
Tandis que le casting d’Elvis se livrait au rituel du photocall et de la conférence de presse, un autre invité de prestige suscitait l’enthousiasme à l’étage supérieur du Palais. Une semaine après Tom Cruise, c’est le charismatique danois Mads Mikkelsen qui était à l’honneur d’une masterclass en Salle Buñuel. L’occasion de revenir pendant une heure et demi sur ses différentes expériences cannoises, du fauché Pusher (que Refn et lui distribuaient à la sauvette sur la Croisette il y a plus de vingt ans) au remarquable Drunk – qui aurait pu lui offrir un nouveau Prix d’interprétation si l’édition 2020 n’avait pas été annulée par la pandémie – en passant par ses nombreux allers-retours entre son pays natal et ses rôles hollywoodiens dans les différentes sagas cultes (James Bond, Star Wars, Harry Potter et bientôt Indiana Jones). Avec cette bonne humeur et cette spontanéité qui le caractérisent, l’immense comédien a répondu aux questions de son interlocuteur et des quelques privilégiés présents dans la salle, entre confidences et traits d’humour qui font mouche.
La Quinzaine baissait le rideau du côté du Théâtre Croisette avec Le Parfum Vert de Nicolas Pariser en clôture, sorte de pastiche du film d’espionnage aux fortes influences bédéphiles. Une conclusion en demi-teinte pour une édition 2022 particulièrement réussie, dont nous vous reparlerons dans les jours prochains tant il y avait de belles propositions. La compétition mettait les bouchées double en ce jeudi 26 mai puisque pas moins de trois films étaient présentés aux festivaliers dans le Grand Théâtre : Pacification d’Albert Serra, Les bonnes étoiles d’Hirokazu Kore-eda et Close de Lukas Dhont. Il fallait donc faire preuve d’une grande adaptabilité pour parvenir à positionner ces projections dans un emploi du temps serré. De son côté, Florent Boutet a misé sur Pacification, qui ressemble à un coup de poker gagnant puisque le long-métrage invité de dernière minute de la sélection a suscité son admiration.
En fin d’après-midi, le cinéaste Kore-eda faisait son grand retour en sélection, quatre années avec la Palme d’Or obtenue pour Une affaire de famille. Avec le talent qu’on lui connait, il brosse un touchant portrait d’une famille de circonstances pour sa première excursion en Corée du Sud – après avoir posé ses valises en France pour La vérité. Devant sa caméra, toujours aussi délicate pour filmer ses comédiens et capter leurs belles émotions, c’est un véritable bonheur de cinéphile que de voir ces acteurs prodigieux que sont Song Kang-Ho et Doona Bae. À leurs côtés, l’actrice Ji-eun Lee est une indiscutable révélation qui devrait disputer à Taraneh Alidoosti et Margaret Qualley le prix d’interprétation féminin.
Présenté en avant-première mondiale, As Bestas de Rodrigo Sorogoyen a soulevé une interrogation presque unanime : comment se fait-il qu’un tel film ne figure pas en compétition ? Pour son cinquième long-métrage, le réalisateur de Madre et El Reino signe un coup de maître avec cette production franco-espagnole absolument bluffante. « Mise en scène au cordeau, acteurs déments pour ce thriller psychologique rural sur fond de vengeance, de peur de l’autre, de masculinité toxique et de guerre sociale » vante notre consoeur Perrine Quennesson, que ne contredira pas l’auteur de ces lignes sur la même longueur d’ondes : « Tout est brillant dans As Bestas. De l’écriture à la mise en scène en passant par la direction d’acteurs prodigieuse.» Assurément l’un des grands films de cette édition 2022, accueilli de façon triomphale, qui aurait légitimement pu prétendre à la Palme d’Or tant ce thriller psychologique et social éblouit par sa maîtrise, sa force et sa justesse.
Décidément riche en émotions, la journée se terminait par la projection de Close de Lukas Dhont qui a bouleversé une partie notable des festivaliers, sortis en larmes du Grand Théâtre et de Debussy. Récompensé de la Caméra d’Or pour Girl, le réalisateur belge était de retour à Cannes avec un second film qu’il semble avoir conçu comme « une allégorie de l’angoisse d’être un jeune adolescent gay et du poids écrasant de l’hétéronormativité », doublé d’un récit émouvant sur la perte de l’innocence et l’adieu à l’enfance.
Jour 9 : Tom II, entre swing et paillettes
Ce mercredi 25 mai était marqué par l’avant-première mondiale d’Elvis, le nouveau film ultra-ambitieux de Baz Luhrmann sur l’icône populaire américaine, porté par Austin Butler et Tom Hanks. Une semaine après Top Gun et le show Tom Cruise, c’est une nouvelle soirée hollywoodienne avec un Tom de légende qui attendait les festivaliers ayant obtenu le sésame pour assister à cette projection événementielle. Neuf années après son adaptation du roman de Gatsby le Magnifique, présentée à l’époque en ouverture du Festival de Cannes, l’Australien à qui l’on doit Moulin-Rouge et Romeo + Juliette est de retour sur la Côte d’Azur avec un nouveau long-métrage démesuré qui retrace le parcours du King sur près de trois décennies, de son ascension à sa chute en passant par sa période de décadence.
Pendant ce temps, du côté de la Semaine de la Critique, c’était déjà la fin. Ce rendez-vous qui honore les premiers et seconds films a été un nouveau succès (désormais sous la houlette d’Ava Cahen), avec plusieurs belles découvertes – dont nous vous avons parlé ou vous parlerons prochainement par ici – et un palmarès dévoilé ce soir. Tandis que le Grand Prix a été attribué à La Jauria deAndrés Ramírez Pulido, le Prix French Touch du Jury est revenu au très apprécié Aftersun de Charlotte Wells, avec Paul Mescal, dont on guettera l’arrivée sur la plateforme MUBI. Notons également que le Prix Fondation Louis Roederer de la Révélation a été remis à la jeune Zelda Samson pour sa belle interprétation dans Dalva d’Emmanuelle Nicot. À l’issue du palmarès était projeté en séance de clôture le deuxième long-métrage de la coréenne July Jung, Next Sohee. « Mêlant le film d’enquête et le portrait croisé de deux personnages féminins, magnifiquement campés par Doona Bae et Kim Si-eun, Next Sohee met en lumière le désastre d’un ultra-libéralisme triomphant qui détruit l’individu ».
La Compétition a poursuivi son chemin, malgré un sentiment global plutôt mitigé sur cette 75e sélection jugée assez moyennement homogène par grand nombre d’observateurs, avec les projections officielles de Tori et Lokita, Leila’s brothers et Stars at noon en toute fin de journée. Si malheureusement Tori et Lokita a confirmé « la toute petite forme des frères Dardenne depuis La fille inconnue, avec ses dialogues dissonants, sa mise en scène peu inspirée et sa dramaturgie poussive jusqu’à un épilogue indécent », Leila et ses frères offrait à Saaed Roustaee sa première sélection cannoise avec une chronique familiale s’interrogeant sur l’héritage d’un modèle traditionaliste et patriarcal en Iran. « Prolongeant son autopsie de la société iranienne via cette fresque fleuve et faussement intime, dont les enjeux dramatiques traduisent en filigrane les bouleversements sociétaux sous-jacents d’un pays aux prises avec ses propres contradictions, le cinéaste met sa mise en scène nerveuse et heurtée à hauteur d’homme pour suivre le parcours de personnages combattifs, bien déterminés à sortir de la condition à laquelle le système semble les avoir destinés ».
Plutôt que de s’infliger le dernier long-métrage en date de Claire Denis, quelques semaines seulement après son précédent présenté à Berlin, Florent Boutet s’est offert une parenthèse avec le documentaire de la nippone Naomi Kawase sur les Jeux Olympiques (en séance spéciale dans le palais) qui lui a évoqué Chris Marker et son film sur Helsinki en 1952 « avec de jolis parti pris sur la représentation notamment des apatrides et de la maternité. Beau, comme toujours avec elle. » Un choix payant puisqu’Antoine Rousseau n’a pas goûté l’énième errance filmique de la réalisatrice française : « affligeant ce Stars at noon. Une romance moite sur fond d’intrigue d’espionnage où tout sonne faux à commencer par ses deux personnages aussi creux que les dialogues qu’ils déblatèrent ! »
Jour 8 : Des invités de prestige pour le 75e anniversaire
En ce mardi 24 mai était célébré le 75e anniversaire du Festival de Cannes. L’occasion pour Thierry Frémaux et Pierre Lescure de convier sur scène de nombreux et nombreuses invité.e.s de prestige (Wim Wenders, Guillermo Del Toro, Mads Mikkelsen, Sophie Marceau, Ethan Cohen, David Cronenberg, Julia Ducournau… et l’intégralité du jury) ayant fait les grandes heures des éditions précédentes. Ainsi, c’est un casting démentiel qui défilait sur le tapis rouge, avant l’introduction des présidents qui les conviaient à les rejoindre sur scène pour une photo souvenir historique.
La journée avait débuté de façon glamour avec les conférences de presse des films Decision to leave de Park Chan-wook et Les crimes du futur de David Cronenberg. Ce sont ensuite les Frères Dardenne qui faisaient leur retour sur la Croisette, trois ans après Le jeune Ahmed. Après quelques films considérés comme « mineurs », les deux frères belges doubles lauréats de la Palme d’Or étaient attendus au tournant. Tori et Lokita confirme-t-il la tendance déclinante de leur cinéma ou marque-t-il un net retour en forme ? Les avis à chaud sont partagés mais la standing ovation de dix minutes peut laisser penser que le duo a su conquérir une partie des cinéphiles présents dans le Grand Théâtre.
Arpentant d’autres sélections, Antoine Rousseau a profité d’une séance de reprise pour savourer le nouveau film de Quentin Dupieux, l’indescriptible Fumer fait tousser, qu’il décrit comme « un joyeux bordel hyper précis qui part dans tous les sens avec un sens de l’absurde implacable ». Dupieux à son meilleur d’après notre envoyé spécial, qui se fera un plaisir de nous en reparler très prochainement dans sa critique du film. De son côté, Florent Boutet a découvert à Un Certain Regard le confus The silent twins d’Agnieszka Smoczynska pour lequel il a eu bien du mal à trouver un quelconque intérêt du fait de son « écriture brouillonne ».
La journée s’est ponctuée par la présentation officielle de Nostalgia de Mario Martone. Après 40 ans d’absence, Felice retourne dans sa ville natale : Naples. Il redécouvre les lieux, les codes de la ville et un passé qui le ronge. Cette chronique fratricide dans la cité napolitaine n’a pas suscité un grand enthousiasme (du fait de sa longueur et de sa projection tardive ?) mais on reparle déjà d’un nouveau Prix d’interprétation pour Pierfrancesco Favino.
Jour 7 : Mysius, Chan-wook et Cronenberg embrasent la Croisette
Après sa présentation officielle en soirée de gala, l’équipe du film Les Amandiers de Valeria Bruni Tedeschi se prêtait au jeu du photocall et de la conférence de presse. Selon Florent Boutet, « la réalisatrice franco-italienne instille à son film une atmosphère très sombre, presque tragique » mais « l’absence, ou le manque d’alternance de rythme, coûte au film qui se brûle de trop à vouloir courir si vite à chaque instant. Il n’en reste pas moins fascinant dans ce qu’il dit de ces années 1980 et de cette envie dévorante de jouer pour une génération de surdoués. »
À la Quinzaine des Réalisateurs, Léa Mysius présentait son 2e long-métrage, Les Cinq Diables, pour lequel elle a imaginé « une mystérieuse histoire de petite fille étrange et solitaire comme une fresque intimiste intégrant quelques éléments du film fantastique et construit une réalité alternative visant à déconstruire nos croyances et réenchanter le monde ». Dans ce film « indéniablement politique et profondément humain », Adèle Exarchopoulos irradie l’écran et livre une nouvelle prestation bouleversante, d’après Thomas Périllon. Un enthousiasme que ne partage pas Florent Boutet, déçu par le film, regrettant « une ambiance assez terne, des personnages peu écrits et une histoire très prévisible. »
Sur les marches du Grand Théâtre Lumière se présentaient les comédiens de Decision to leave et son metteur en scène Park Chan-wook, pour son très attendu nouveau polar dont on devinait déjà qu’il profiterait d’une esthétique soignée. Ce que confirme Antoine Rousseau, saluant « ce beau travail d’orfèvre » mais regrettant « une intrigue inutilement complexe et une durée un brin excessive ». Dans sa critique du film, il évoque un « hommage évident à Vertigo tout autant qu’exercice de style ébouriffant ». On constate néanmoins que le maestro coréen a suscité des réactions contrastées, de la déception à l’adoration. Florent Boutet fait partie des déçus : « le geste de mise en scène me dépasse à un point où j’avais du mal à comprendre la narration. »
Pour conclure la journée, l’attention allait se braquer inévitablement sur le Palais des Festivals puisque David Cronenberg et son prestigieux casting (Viggo Mortensen, Kristen Stewart et Léa Seydoux) présentent en ce lundi 23 mai Les crimes du futur, huit ans après Maps to the stars qui avait consacré Julianne Moore d’un Prix d’interprétation. Il faudra assurément guetter les réactions des festivaliers car cette nouvelle œuvre de Cronenberg, où il est question de transhumanisme et d’ablation d’organes, est déjà décrite comme le film qui risque de créer de vives réactions lors de cette 75e édition.
Les Crimes du futur, titre déjà attribué à un précédent long-métrage de Cronenberg à la fin des années 60, marque les retrouvailles de David Cronenberg avec son ami et acteur fétiche, Viggo Mortensen, qu’il a déjà dirigé dans A History of Violence et Les Promesses de l’ombre. Après Crash, qui suivait le parcours d’un couple atteignant l’orgasme en simulant des accidents routiers, Les Crimes du futur troublera à nouveau la Croisette en mettant en scène de nouvelles représentations de la sexualité comme il le confiait récemment à un journaliste des Inrocks : « Saul n’est plus capable de pratiquer la sexualité que pratiquent les personnes plus jeunes et en bonne santé. Il a dû inventer une forme de sexualité nouvelle, adaptée à son corps usé et dégénérescent. »
Jour 6 : Riposte féminine et déceptions en série
L’événement de la journée, ce n’était pas la présentation hors-compétition de Novembre de Cédric Jimenez (tout juste un an après le discutable Bac Nord), ni Isabelle Huppert rendant hommage à l’AS Saint-Etienne, mais bien cette immense banderole déployée sur le tapis rouge cannois – portant les noms des victimes de féminicides en France – par des membres du collectif féministe « Les colleuses », à l’occasion du documentaire #RiposteFéministe présenté dans l’après-midi sur la Croisette.
Avant de retrouver les marches du Grand Théâtre Lumière, nos rédacteurs ont parcouru les autres sélections pour trouver leur bonheur. Tandis qu’au Miramar était présenté Aftersun de Charlotte Wells, tout fraîchement acquis par MUBI pour la France, Florent Boutet découvrait le nouveau long-métrage de Davy Chou, Retour à Séoul, sélectionné à UCR. Après Diamond Island, le cinéaste franco-cambodgien se penche cette fois sur « une thématique lourde et sensible, l’adoption d’enfants coréens, qu’il traite magnifiquement. »
Antoine Rousseau retrouvait la Semaine de la Critique pour la présentation officielle de Tout le monde aime Jeanne de Céline Devaux – qui offre un rôle sur mesure à l’humoriste Blanche Gardin. « Une jolie comédie dépressive, aux accents féministes, dont l’originalité réside dans son parti pris de montrer à l’écran la petite voix intérieure de l’héroïne. »
Du côté de la Quinzaine des Réalisateurs était présenté le plaisant La dérive des continents de Lionel Baier, attachante proposition avec quelques tacles bien sentis aux ultra-libéraux qui dirige l’Europe (Macron et Merkel en prennent pour leur grade). Thomas Périllon a apprécie ce « face à face sicilien incarné avec justesse par Isabelle Carré et Théodore Pellerin avec, comme trait d’union de leurs retrouvailles la remarquable hypocrisie des décideurs. »
Lire la critique de La dérive des continents
La Compétition reprenait avec Holy Spider d’Ali Abbasi, après son Border récompensé il y a quelques années à Un Certain Regard. Mais, après le couac Frère et soeur, c’est une nouvelle déception que cette « histoire de serial ciller vue et revue » malgré « un sujet fort (la question du féminicide en Iran) et une formidable Zar Amir Ebrahim ». Même son de cloche du côté de Florent Boutet qui n’a pas vu grand chose de plus qu’une « enquête très simpliste qui ne décolle jamais.
Le tableau ne s’est pas véritablement arrangé sur cette journée aussi mitigée que sa météo puisque Grand Paris, à l’ACID, a également déçu notre rédactrice Lena Haque, qui ne peut que constater que la proposition de Martin Jauvat fait flop. « Grand Paris n’offre finalement qu’une représentation assez paresseuse voire caricaturale des jeunes de banlieue, hésitant entre un propos parfois vaguement social et le cliché de base. »
Lire la critique de Grand Paris
Présenté Hors-compétition (et on comprend pourquoi), Don Juan de Serge Bozon est l’autre grande déception de la journée. Loin d’être convaincu par la proposition du réalisateur de Madame Hyde, Thomas Périllon a l’impression d’avoir assisté à « un spectacle hybride et inqualifiable, sorte de tragédie amoureuse improbable qui tente ponctuellement des escapades musicales (peu convaincantes) pour ne finalement n’assumer aucune de ses étiquettes : ni le film de genre, ni le drame conjugal, ni la comédie musicale. » Malgré ses trois comédiens inspirés, qui donnent de leur talent pour sauver les meubles, ce non-film approximatif peine autant à « raconter l’incommunicabilité au sein de couple qu’à communiquer avec son audience. »
La journée s’est terminé par la présentation de Les amandiers de de Valeria BRUNI TEDESCHI qui a laissé à Florent Boutet « un drôle de sentiment, comme si le puzzle était terne et incomplet. De jolis éclats mais quelque chose de négatif en périphérie qui déprime fort ».
Jour 5 : Émotions, rires et provocations
Ce samedi 21 mai a été marqué par la présentation de Plus que jamais, ultime film tourné par le comédien Gaspard Ulliel, tragiquement disparu il y a quelques mois. En effet, la projection du film à Un Certain regard a été honorée par de longues minutes d’applaudissements alors que l’équipe du film était particulièrement émue, notamment sa compagne de l’époque, Vicky Krieps. Tourné en Norvège, le film suit un couple uni mis à rude épreuve par la maladie pulmonaire de l’épouse.
Toujours à Un Certain Regard, War Pony de Riley Keough a surpris notre rédacteur Florent Boutet, « dans l’écriture de ses personnages et notamment ce jeune homme à rebours de la violence qui hante les réserves natives américaines. De la douceur au cœur de la brutalité » pour ce passage derrière la caméra de l’actrice découverte chez Soderbergh, Miller (Fury road) et Arnold (American Honey).
En compétition, au Grand Théâtre Lumière, était présenté Sans filtre (aka Triangle of sadness), cinquième long-métrage du déjà Palmé Ruben Östlund. Comme à son habitude, le suédois a suscité des réactions diamétralement opposé. Sa nouvelle comédie grinçante a provoqué un « grand plaisir inattendu » à Florent Boutet. Cette « farce grand guignolesque au vitriol virtuose sur ses deux premiers tiers » n’a en revanche pas été du goût d’Antoine Rousseau qui est resté à quai, avec la désagréable sensation d’être invité à une célébration railleuse dont le spectateur est exclu. Il faut dire que sa satire se moquant des influences, du culte de l’apparence et du matérialisme excessif ne fait pas dans la subtilité, ne lésinant ni sur les provocations, ni son mauvais goût (diarrhée, vomi…), pour peut-être se perdre en cours de route dans son dernier tiers.
Un autre réalisateur déjà récompensé de la Palme d’Or présentait aussi son nouveau long-métrage en compétition. Le Roumain Crisitian Mungiu était en effet de retour sur la Croisette, quinze ans après 4 mois, 3 semaines, 2 jours et six ans après Baccalauréat. Que vaut donc R. M. N. ? « Si la mise en place est un peu longue, elle est nécessaire pour que Cristian Mungiu puisse insuffler à son récit une intense sensation de communauté dans ce village, et signer dans sa deuxième partie un film universel sur la peur de l’Autre. »
Tandis que Quentin Dupieux présentait en Première son Fumer fait tousser et Dominik Moll son thriller (très bien accueilli) La nuit du 12, le nouveau long-métrage d’Emmanuel Mouret, Chronique d’une liaison passagère, offrait une parenthèse sentimentale particulièrement réussie. Cette « nouvelle variation du désordre amoureux et de la dualité entre le cérébral et le sentiment, avec toujours ce mélange de fantaisie et d’élégance, de magie et de cruauté » a séduit Thomas Périllon qui salue la prestation de Vincent Macaigne « plus émouvant que jamais, maintenant sous cloche ses élans pour les faire jaillir dans ses regards, ses gestes et sa touchante maladresse. »
Enfin, Antoine Rousseau découvrait enfin Armageddon time de James Gray, confirmant le bel enthousiasme sur la Croisette autour du nouveau long-métrage de James Gray. Selon lui, « la grande force du film tient dans son remarquable équilibre à faire coexister l’infiniment intime et l’universel. Un film à l’élégance folle qui, sans en avoir l’air, parvient à traduire les petits rien qui nous construisent autant qu’il propose un discours d’une terrible acuité sur l’état de la société américaine. » (Lire la critique)
Jour 4 : Les fables de Cannes
En ce vendredi 20 mai, plusieurs fables, oniriques, politiques ou intimes, ont enchanté les festivaliers comme la rédaction dans les différentes sélections de cette 75e édition qui n’en finit pas de nous surprendre, nous dérouter et de nous émouvoir.
« Fable animiste, conte métaphysique et cauchemar onirique, EO est un peu tout cela à fois » aux yeux d’Antoine Rousseau. Invité surprise de la sélection mais absent sur la Croisette, le cinéaste polonais a offert une expérience de cinéma hallucinée et hallucinante d’une grande et rare vivacité artistique. Ce « trip viscéral, immersif et total qui ne trouve que peu d’équivalent dans le paysage cinématographique actuel » a suscité de belles réactions suite à sa présentation officielle.
Du côté d’Un Certain Regard, c’est la fable politique et humaniste aux accents de récit d’anticipation de la cinéaste Chie Hayakawa qui a particulièrement retenu notre attention et nous a quelque peu glacé le sang par son réalisme presque visionnaire comme par sa qualité artistique. La réalisatrice japonaise a en effet imaginé une inquiétante fiction où le gouvernement nippon, afin de lutter contre le vieillissement de sa population, ferait adopter un plan sociétal (le Plan 75 donc) autorisant l’euthanasie pour les seniors de plus de 75 ans. Pour Thomas Périllon, « Plan 75 porte un regard sombre et terrifiant sur un avenir pas si lointain et, malheureusement, pas forcément improbable, qui resserre progressivement son étau autour du coeur jusqu’à son épilogue. Un premier geste cinématographique impressionnant, une extraordinaire révélation et une éblouissante réussite ».
À la Semaine de la Critique, Dalva a énormément ému Florent Boutet. La française formée en Belgique, Emmanuelle Nicot signe des débuts plus que prometteurs. Elle « dresse en une heure trente un portrait saisissant qui ne tombe jamais dans le misérabilisme ou l’apitoiement, préférant décrire avec subtilité le processus long et douloureux d’une renaissance et d’un espoir pour les grands blessés peuplant les foyers pour l’enfance ». Assurément l’un des beaux moments d’émotion de cette première semaine cannoise (lire la critique).
Après des débuts fulgurants dans le septième art avec Ni le ciel ni la terre, Clément Cogitore présentait son second long-métrage de fiction, Goutte d’or, renouant avec certaines de ses thématiques phares : le collectif, le sacré et la perméabilité du monde. « Déroutant le spectateur comme un marabout joue avec les dispositions de ceux qui le consultent, Cogitore brouille les pistes et offre à l’excellent Karim Leklou un rôle complexe entre fascination, antipathie et compassion. »
À la Quinzaine, enfin, deux réalisatrices ont marqué les esprits de la rédaction. Avec El agua, « Elena López Riera se plonge elle aussi dans les méandres du genre et livre un conte surprenant sur l’amour, l’eau et la jeunesse » pour Lena Haque, « La cinéaste fait le choix d’une esthétique naturaliste, dépouillée de tout artifice de mise en scène et filme un monde à première vue désenchanté, aux images ternes, désaturées, à peine étalonnées, dont la magie semble absente. Traversé par des tensions sourdes, El agua est aussi et avant tout le portrait d’une génération et de ses aspirations. »
Enfin, un an après l’enivrant Bergman Island, présenté l’été dernier en compétition, Mia Hansen-Løve était de retour sur la Côte d’Azur pour présenter un projet francophone, Un beau matin, avec Léa Seydoux dans le rôle principal. Pour Florent Boutet, la réalisatrice et scénariste française « déploie sa petite musique habituelle, faite d’émotions contenues et d’interactions intimes où la préparation du deuil côtoie la renaissance du sentiment amoureux. Une pièce supplémentaire d’une œuvre en expansion constante ».
Le Palais des Festivals était, de son côté, le théâtre d’une projection de gala événement avec la projection de Trois mille ans à t’attendre de George Miller (Mad Max), présenté hors compétition, trois mois avant sa sortie en salle. Pour Pierre Nicolas, qui l’attendait tout particulièrement, « George Miller signe un film fou sur le besoin viscéral de raconter des histoires, dont l’immense romantisme, la mise en scène généreuse souligne une obsession permanente chez le cinéaste australien d’explorer la connexions entre les êtres. »
Plus tôt, c’est Boy From Heaven de Tarik Saleh qui était présenté en compétition officielle. Un long-métrage malheureusement bancal « qui ne convainc jamais à 100% sur l’un de ces tableaux et navigue constamment entre des sentiments contradictoires » et « souffre sans doute de ses énormes ambitions de vouloir se positionner à la fois comme un thriller paranoïaque grand public, un commentaire sur une situation politico-religieuse opaque et une réflexion philosophique et théologique sur l’apprentissage de l’Islam. »
Cette faste journée se ponctuait sur la présentation de gala de Frère et soeur d’Arnaud Desplechin, qui suit Alice et son frère, en froid depuis une vingtaine d’années – mais dont on ignore les raisons de cette rupture familiale. Une histoire d’amour et de haine familiale dont on reparlera très vite sur Le Bleu du Miroir, alors que le film sort en salle simultanément.
Jour 3 : La petite musique de James Gray
Après la présentation officielle du film Les huit montagnes (lire notre critique), l’équipe du film posait devant les photographes avant la traditionnelle conférence de presse. Dans le même, au Grand Théâtre Lumière, de nouveaux festivaliers découvraient La femme de Tchaïkovski (lire notre critique) en séance du lendemain, avant les présentations des films EO de Jerzy Skolimowski et le très attendu Armageddon Time de James Gray.
Du côté d’Un Certain Regard, Antoine Rousseau découvrait le film d’ouverture de la section, Tirailleurs, un film pas forcément capable de « vraiment transcender son sujet (le recrutement de force de populations africaines par l’armée française en 14-18), la faute à un traitement trop en surface de tous les enjeux socio politiques ». C’est du côté de la relation père / fils qu’est venue l’émotion. De son côté, Florent Boutet grimpait les marches pour le Rodéo de Lola Quivoron, « un beau coup d’essai pour la cinéaste qui a démontré des talents dans son écriture et une audace dans ses choix qui sont autant de pistes pour l’avenir » mais qui devra encore travailler pour s’émanciper « des facilités dans l’écriture, notamment dans le final, qui ne permettent pas à Rodéo de remplir toutes les promesses et les belles intentions affichées pendant plus d’une heure et quart. »
Lire aussi : notre critique de Rodéo
Après ces découvertes plaisantes mais laissant un sentiment mitigé, le Armageddon Time de James Gray semble avoir beaucoup plus enthousiasmé Florent Boutet qui a retrouvé « la petite musique de Two lovers », avec cette coloration mélancolique de Gray qui transparait à nouveau dans une oeuvre « d’une grande sensibilité ». En plaçant son récit au milieu des années 1980 dans le quartier du Queens à New York, le cinéaste évoque l’hégémonie du promoteur immobilier Fred Trump, père de… Donald Trump, futur président des Etats-Unis. Le charme pourrait bien avoir opéré puisque les retours sont très favorables, laissant penser que, pour une fois, James Gray pourrait bien figurer au palmarès cannois le 28 mai prochain. Un film « hanté et bouleversant » pour nos confrères de CinemaTeaser, dont vous parlera plus longuement sur Le Bleu du Miroir d’ici ce week-end.
La journée se terminait avec la projection officielle de EO (Hi-han) de Jerzy Skolimowski, l’un des films surprise de cette édition, qui suit durant 1h26 d’expérimentations formelles, l’odyssée d’un âne filmé au travers de son regard. « HI-HAN est un film assez vertigineux, road-movie d’un âne en peine, mutique et penaud, témoin impuissant des maux du monde. » déclarait Pierre Nicolas à l’issue de la séance officielle.
Jour 2 – La Croisette prend son envol !
Après une ouverture qui a davantage séduit par sa cérémonie que par son film d’ouverture (voir notre critique), ce deuxième jour cannois aura définitivement marqué le décollage de cette 75e édition.
La Quinzaine des Réalisateurs a vu L’envol de Pietro Marcello lancer les hostilités. « La forme emporte tout, avec ce collage de formats d’images, petits détails foisonnants qui rendent la recherche du cinéaste passionnante. Et Juliette Jouant est magnifique dans le dernier tiers » affirmait Florent Boutet à l’issue de la séance avant de filer du côté de la Semaine de la Critique. Alma Viva a également séduit notre journaliste, lors d’une projection touchante : « Les belles émotions pour la 1ère séance de la compétition de la Semaine désormais dirigée par notre consoeur Ava Cahen » Ce premier film franco-portugais suit la petite Salomé au coeur de son village familial, niché au creux des montagnes portugaises, durant ses vacances qui commencent dans l’insouciance. Tandis que sa grand-mère adorée meurt subitement et que les adultes se déchirent au sujet des obsèques, Salomé est hantée par l’esprit de celle que l’on considérait comme une sorcière. Avec Alma Viva, Cristèle Alves Meira a embué les yeux des cinéphiles et lancé la compétition de fort belle manière.
Du côté du Grand Théâtre Lumière, tandis que Tom Cruise se prêtait au jeu du photocall et de sa masterclass avant la présentation en grandes pompes de Top Gun : Maverick (lire notre critique), la compétition démarrait avec le nouveau film de Kirill Serebrennikov, La femme de Tchaikovski. « Une merveille » selon Florent Boutet, qui précise que le cinéaste russe, enfin présent sur la Croisette, « crée la surprise dans sa mise en scène tout en restant fidèle à lui même ». Un diamant noir également salué par Antoine Rousseau : « Plongée dans une obsession amoureuse aux portes de la folie, La Femme de Tchaikovski déjoue toutes les attentes du film historique en costume ! Faussement classique, la mise en scène de Serebrennikov fait des merveilles quand elle s’aventure dans le dédale mental de son héroïne. ». Notre contributeur Pierre Nicolas, également de passage sur la Croisette, apporte un petit bémol tout en saluant la splendeur formelle de La femme de Tchaikovski qui, selon lui, « souffre d’une mise en scène parfois criarde et de l’écriture binaire de ses personnages principaux, qui parvient heureusement à s’éclore dans son dernier tiers. »
Lire aussi : la critique de La femme de Tchaïkovski
Du côté de la Semaine de la Critique se déroulait la soirée d’ouverture avec l’avant-première mondiale du premier long-métrage de Jesse Eisenberg, When you finish saving the world. Tandis que les mirages fendaient le ciel au-dessus du Grand Théâtre, Jesse Eisenberg remerciait le public d’avoir préféré venir à Miramar alors que l’élève populaire (Tom Cruise) donnait une plus grande fête dans la rue voisine. Quid de son film ? « Plein d’idées dans ce portrait parallèle d’un ado et de sa mère en mal de communication, mais tout semble trop anecdotique pour vraiment convaincre (malgré un cast impeccable) » selon Antoine Rousseau.
L’ACID débutait également ce mercredi 18 mai, avec en ouverture Jacky Caillou, un film plein de magie, avec son petit village de montagne, son grand méchant loup, ses allures de conte de fée et ses personnages attendrissants. « Jacky Caillou confirme le grand retour en force des monstres de la forêt dans l’imaginaire cinématographique français ; après le lycanthrope très pop de Teddy en 2020 et l’Ogre éponyme du dernier film d’Arnaud Malherbe cette année, Lucas Delangle s’attaque à la peur panique que provoque la rumeur du loup dans les petits villages. Les arbres étendent leurs ombres décharnées sur les visages des personnages et les emprisonnent parfois. En puisant dans des récits pour enfants mais aussi dans les terreurs et la morale qui leurs sont associées, le film explore la notion d’interdit qui délimite la jeunesse de l’âge adulte.» affirme Lena Haque dans sa critique du film que l’on vous recommande chaudement.
La journée s’est terminée par la projection officielle du second film de la compétition, Les huit montagnes du couple de cinéastes belges Charlotte Vandermeersch et Felix Van Groeningen (à qui l’on doit le bouleversant Alabama Monroe), adapté du best-seller de Paolo Cognetti. Un film qui a visiblement séduit les festivaliers même si certains regrettent qu’ils n’aient pas été plus court d’une vingtaine de minutes. En attendant la critique d’Antoine Rousseau (à venir sur Le Bleu du Miroir), Pierre Nicolas a livré un avis à chaud qui semble confirmer le sentiment général : « Il y a du charme dans LE OTTO MONTAGNE, porté par son casting formidable, la tendresse de ces deux frères, deux paradigmes tantôt en miroirs, tantôt en opposition. Mais il se retrouve parasité par son aspect mélo illustratif, son récit trop cyclique et quelques longueurs.»
Jour 1 : Voici venu le temps des artistes
« Voici venu le temps des artistes, des cinéastes responsables. » Ces mots sont ceux du Président de ce 75e Festival de Cannes, Vincent Lindon. Dans un très beau discours inaugural, la voix pleine d’émotion, le comédien fétiche de Stéphane Brizé, récompensé au festival par un Prix d’interprétation pour La loi du marché, s’est épanché avec le lyrisme et la sincérité qui le caractérisent si souvent. « Être vivant et le savoir« . Le comédien a rendu un bel hommage au septième art, comme Forest Whitaker, honoré de la Palme d’Or d’honneur où il a salué de son côté les « porte-flambeaux » que sont les réalisateurs dans leur mise en images du monde qui sert si souvent à mieux comprendre et représenter la planète sur laquelle nous vivons.
Présentée à la perfection par la gracieuse Virginie Efira, cette cérémonie d’ouverture diffusée par France Télévisions fut le premier beau moment de cette 75e édition ouverte avec enthousiasme par Julianne Moore. Avant cela, l’intervention du Président ukrainien a rappelé avec gravité l’actualité alarmante du continent européen, convoquant Charlie Chaplin dans son appel à la solidarité et l’union des peuples : ‘Nous allons continuer de nous battre, nous n’avons pas d’autre choix (…) Je suis persuadé que le ‘dictateur’ va perdre« .
Une invitation à « sortir de la nuit » déjà clamée par Virginie Efira dans son introduction (« Le monde est écrit dans une langue incompréhensible. Le cinéma le traduit pour nous avec des images et des émotions. Sans cette lumière, sans ce langage commun, chacun est dans sa nuit.« ) avant de fredonner le refrain de Johnny Halliday lors de la très belle reprise proposée par Vincent Delerm, assurément l’un des moments phares de cette première soirée, son chant délicat dialoguant avec l’écran en arrière-plan alors qu’apparaissaient les images de scènes de baisers (La vie d’Adèle, Paris Texas, Atlantique…).
Ce 75e festival de Cannes est ainsi ouvert, pour dix jours de salles obscures et de projections comme autant de promesses. Dix jours de découvertes de longs-métrages venus des quatre coins du monde, explorant les horizons et les genres, avec comme épilogue la présentation en avant-première du film Coupez ! de Michel Hazanivicius, récompensé de l’Oscar pour The Artist plusieurs mois après son passage sur la Croisette.
Lire aussi : la critique du film Coupez !
Jour J : C’est parti pour la 75e édition
Après deux années plus que particulières (une édition 2020 annulée et la suivante sous le joug des restrictions sanitaires), le Festival de Cannes devrait cette année se dérouler dans sa configuration habituelle. Exit le pass sanitaire et le port du masque obligatoire (qui reste recommandé), re-bonjour la billetterie en ligne instaurée l’an passée et rendue désormais pérenne pour obtenir son précieux sésame pour chaque séance des différentes sections de ce 75e festival de Cannes.
Pour décrocher la très convoitée Palme d’Or, attribuée l’an passé à un film n’ayant pas franchement suscité l’enthousiasme dans nos rangs (Titane), 21 longs métrages se tireront la bourre en Compétition avec l’espoir de figurer au palmarès du jury présidé par Vincent Lindon – dont la cinéphilie n’est plus à prouver. Aux côtés de l’excellent comédien français, on retrouvera l’actrice et réalisatrice Rebecca Hall, les comédiennes Deepika Padukone, Noomi Rapace et Jasmine Trinca, et quatre cinéastes internationaux, Asghar Farhadi, Ladj Ly, Jeff Nichols et enfin Joachim Trier (un an après avoir fait vibrer la Croisette avec son remarquable Julie en 12 chapitres).
Parmi les metteurs en scène de retour en compétition, on compte quatre lauréats de la Palme d’Or, Hirokazu Kore-Eda (pour Une affaire de famille), Ruben Ostlund (pour The Square), Cristian Mungiu (pour 4 mois, 3 semaines et 2 jours) et les frères Dardenne (qui font partie du cercle des huit réalisateurs deux fois lauréats, avec Rosetta et L’enfant). Outre les habitués, il faudra aussi compter sur la présence d’auteur.e.s reconnu.e.s tels que James Gray, Park Chan-Wook, David Cronenberg et Kelly Reichardt, ainsi que plusieurs nouveaux venus en compétition dont on a grand hâte de découvrir leur second ou troisième long-métrage (on pense notamment à Lukas Dhont après la révélation Girl).
Lire aussi : notre tour d’horizon de la sélection officielle (partie 1 et partie 2)
Mais d’autres belles surprises arriveront assurément des sections parallèles, d’Un Certain Regard à la Semaine de la Critique, en passant par l’alléchante Quinzaine des Réalisateurs. Cette dernière réunit en effet plusieurs films que l’on attendait particulièrement – avec même l’espoir de les voir en compétition pour la Palme – dont les dernières réalisations de Mia Hansen-Love, Alice Winocour, Nicolas Pariser, Léa Mysius, Philippe Faucon et même Alex Garland dont le Men sera présenté en séance spéciale.
Ce mardi 17 mai marquera donc l’ouverture d’un 75e festival de Cannes alléchant, que l’on devine déjà excitant, émouvant, déroutant et riche en débats. Sur place, nos envoyés spéciaux Florent Boutet et Antoine Rousseau vous rendront compte de ce Cannes 2022 foisonnant, assistés de l’indispensable Elodie Martin en coulisses, et rejoints en fin de festival par l’auteur de ces lignes.
Pour lancer les hostilités, c’est le réalisateur oscarisé Michel Hazanavicius qui a été choisi avec son Coupez – dont on peut déjà vous dire qu’il ne fera pas l’unanimité mais proposera une ouverture récréative avant la douzaine de jours intenses qui s’annonce. Rendez-vous sur Le Bleu du Miroir après la cérémonie (présentée par la sublime Virginie Efira) pour découvrir notre critique du film.