Cannes 2025

CANNES 2025 | Une sélection encore loin de la parité

Comme chaque année, tout le monde se prêtait au jeu des pronostics, entre les habitué·es qu’on aime retrouver (ou pas) et les surprises potentielles, mais une question récurrente brûlait nos lèvres, surtout avec le nombre de candidates potentielles : celui de la présence des femmes en compétition. « Les femmes ne demandent plus leur place, elles la prennent » déclarait Iris Knobloch, présidente du festival de Cannes pour la 3e année consécutive, offrant de beaux espoirs, rapidement douchés. Car elles ne sont que six à avoir intégré le cercle fermé des élu·es cette année, une représentation certes en progrès mais toujours insuffisante pour atteindre un semblant de parité. « Je crois qu’on a déjà atteint ce chiffre, mais je ne sais pas car ce n’est pas vraiment ce qu’on regarde » balayait l’inimitable Thierry Frémaux, définitivement déterminé à ne pas considérer les remarques chaque année.

Outre Julia Ducournau, qui reviendra après sa Palme d’Or en 2021 et dont on vous parlera dans la seconde partie de notre tour d’horizon de la sélection cannoise 2025, on pouvait légitimement espérer trouver Rebecca Zlotowski, mais son nouveau film pourtant très alléchant, Vie privée, devra se contenter d’une projection hors-compétition, pour une séance de gala qui devrait voir Jodie Foster, Daniel Auteuil, Virginie Efira, Vincent Lacoste, Luàna Bajrami et Sophie Letourneur monter les marches à ses côtés.

partir un jour

Bon point en revanche, la place très convoitée, mais aussi parfois redoutée, en ouverture a été cette année attribuée à Amélie Bonnin, qui nous avait enchanté·es avec son court-métrage Partir un jour, dont l’adaptation en long-métrage aura donc les honneurs d’ouvrir cette 78e édition, et de sortir en salle dans la foulée. Juliette Armanet et Bastien Bouillon pousseront à nouveau la chansonnette dans cette version étendue de son oeuvre césarisée en 2023. L’intrigue a été retouchée et étoffée et suivra Cécile alors qu’elle s’apprête à réaliser son rêve, ouvrir son propre restaurant gastronomique. Contrainte de rentrer dans le village où elle a grandi suite à l’infarctus de son père, elle retrouvera celui qui faisait battre son coeur d’adolescente. Un joli choix plein d’audace, qui privilégiera la douceur et la nostalgie, après deux années de choix douteux pour ouvrir le bal.

La petite dernière

C’est aussi une très belle surprise que de retrouver Hafsia Herzi en compétition pour son 3e long-métrage, La petite dernière, dont on espère qu’il confirmera les belles promesses de ses deux premiers films, Tu mérites un amour et Bonne mère. Le récit suivra Fatima, 17 ans, benjamine d’une famille joyeuse et aimante de la banlieue parisienne, et racontera sa découverte de la vie étudiante et ses premiers pas vers l’indépendance et l’émancipation. Nul doute que l’artiste derrière la caméra, qui nous a tant ému·es devant, saura parler de désir féminin et de dilemmes intérieurs, comme elle l’avait si bien fait dès sa première fiction.

Renoir

Tout aussi réjouissante, la présence de la cinéaste nippone Chie Hayakawa, trois ans après son remarquable Plan 75 honoré à Un Certain Regard. Avec Renoir, elle plongera les festivaliers au cœur de l’été 1987 dans la capitale japonaise, alors que le pays est en plein essor économique. Le film suivra une jeune fille de 11 ans devant faire face au cancer de son père en phase terminale et au stress de sa mère surchargée de travail. S’il suit la lignée de son précédent effort, on peut déjà imaginer un film teinté de gravité et de mélancolie qui touchera durablement.

Nouvelle vague

Tourné à Paris, Nouvelle vague de Richard Linklater faisait naturellement partie des prétendants sérieux à une présence en compétition sur la Croisette. Revenant sur la production du long métrage À bout de souffle de Jean-Luc Godard et plus généralement sur la naissance de la Nouvelle Vague, le film verra Zoey Deutch incarner l’iconique Jean Seberg tandis que le français Guillaume Marbeck tiendra le rôle du cinéaste récemment disparu. Sauf erreur de notre part, ce sera une grande première pour le réalisateur de la trilogie des Before, qui était plutôt un habitué de la Berlinale jusqu’à présent. Une belle prise pour le comité de sélection.

Du côté des revenants, on savait déjà de source très fiable que Valeur sentimentale de Joachim Trier était presque assuré de figurer en compétition cette année. Quatre ans après Julie en 12 chapitres, le norvégien sera de retour accompagné de celle dont il a révélé le talent au monde entier, l’actrice Renate Reinsve, qu’il a dirigée pour la 3e fois l’été dernier. Tournée majoritairement en Norvège, mais aussi en partie en Normandie, la nouvelle collaboration du tandem Trier/Vogt suivra Gustav, un réalisateur un peu tombé dans l’oubli (interprété par l’immense Stellan Skarsgård), qui assiste à une rétrospective qui lui est consacré lors du festival de Deauville. Mais lorsque son ex-femme décède, il est contraint de rentrer pour s’occuper de la vente de la maison familiale, ravivant ainsi de nombreux souvenirs et probablement des dysfonctionnements relationnels avec Nora et Agnès, ses filles qu’il ne voyait plus. La distribution du film est complétée par Inga Ibsdotter Lilleaas et Elle Fanning, qui tiendra le rôle d’une comédienne ayant manifesté son désir de travailler avec Gustav.

Jeunes mères

« Encore un film des Dardenne ? Oui, encore un film des Dardenne » assumait le puissant programmateur du rendez-vous cannois, s’auto-comparant aux éditeurs fidèles à leurs auteurs. C’est ainsi que le duo belge présentera sa dernière production, Jeunes mères, qui devrait ressembler à un récit choral autour de cinq jeunes mamans (Jessica, Perla, Julie, Ariane et Naïma) hébergées dans une maison maternelle, afin de les accompagner dans leur vie de mère précoce. Espérons que les cinéastes doublement palmés retrouveront leur inspiration d’antan, leurs derniers films présentés à Cannes n’ayant pas particulièrement emballé la rédaction. Notons que le film sortira dans les salles françaises pendant le festival.

L'agent secret

Autre auteur de renom à avoir ses entrées au Théâtre Lumière, Kleber Mendonça Filho présentera L’agent secret. Avec Wagner Moura, Maria Fernanda Cândido et Gabriel Leone, le film nous renverra au Brésil en 1977 et suivra Marcelo, un professeur qui fuit la dictature et son passé mystérieux. De la bouche même de Frémaux, on n’en saura pas plus en attendant de découvrir le mois prochain le nouveau film du réalisateur d’Aquarius.

Récompensé du prix de la mise en scène à Un Certain Regard en 2018 pour Donbass, Sergei Loznitsa sera lui aussi de retour à Cannes, avec Deux procureurs, un film politique qui résonnera forcément avec l’actualité puisqu’il suivra le début des procès staliniens en Ukraine dans les années 30. Alors que la Russie brutale de Poutine tente d’imposer sa force sur l’Ukraine de Zelensky sous l’approbation du déséquilibré de la Maison Blanche, sa sélection en compétition sera forcément très attendue.

sirat

Mettant en vedette Sergi López dans le rôle d’un père à la recherche de sa fille au milieu du désert marocain, Sirat d’Oliver Laxe vient confirmer la belle santé du cinéma ibérique avec cette sélection en compétition. Tourné autour de Teruel et Saragosse mais aussi au Maroc, bravant parfois des conditions de tournages éprouvantes (des nuits glaciales aragonaises à la chaleur extrême du Sahara en été), Laxe considère qu’il a relevé son plus grand défi et espère offrir aux festivaliers « un film intense et vertigineux ».

null

Récompensée de l’Ours d’or à Berlin avec Alcarrás (Nos soleils), Carla Simón viendra pour la première fois au Grand Palais pour présenter sa nouvelle réalisation, Romería. Le synopsis confirme son exploration des dynamiques familiales par le prisme de l’enfance : Afin d’obtenir un document d’état civil pour ses études supérieures, Marina, adoptée depuis l’enfance, doit renouer avec une partie de sa véritable famille. Guidée par le journal intime de sa mère qui ne l’a jamais quitté, elle se rend sur la côte atlantique et rencontre tout un pan de sa famille paternelle qu’elle ne connait pas. L’arrivée de Marina va faire ressurgir le passé, ravivant le souvenir de ses parents et déterrant les secrets enfouis de cette famille

Fuori

Biopic sur la comédienne et écrivaine italienne, Goliarda Sapienza (célèbre pour L’art de la joie), Fuori de Mario Martone sera lui aussi en compétition cette année, avec un beau trio féminin à l’affiche : Valeria Golino, Jasmine Trinca et Matilda De Angelis. Le seul représentant du cinéma italien nous ramènera en 1980 pour narrer l’expérience carcérale dramatique mais profondément humaine de l’écrivaine, suite à son arrestation pour vol de bijoux. C’est bien sûr l’unique Valeria Golino qui prêtera ses traits à l’auteure anticonformiste, considérée comme une figure majeure de la littérature du 20e siècle.

 


Suite : 2e partie de notre tour d’horizon de la compétition


En attendant d’éventuels compléments de sélection, déjà annoncés par Thierry Frémaux dans les jours à venir, on ne peut que regretter que cette sélection 2025 ne comporte aucun documentaire ni de film d’animation cette année encore… Sylvain Chomet aurait pu y prétendre, mais il devra se « contenter » d’une projection en séance spéciale avec Marcel et Monsieur Pagnol.

Hors-compétition, outre le film de Rebecca Zlotowski et La femme la plus riche du monde de Thierry Klifa, La venue de l’avenir offrira à Cédric Klapisch sa première présentation cannoise, tandis que Tom Cruise sera de retour après Top : Gun Maverick pour la première mondiale de Mission : Impossible – The Final Reckoning, dont on espère qu’il sera plus réussi que le septième volet.

La vague

Enfin, en attendant de nous pencher plus amplement sur l’alléchante sélection d’Un Certain Regard, du côté de la sélection Cannes Premières, le public de Debussy pourra découvrir les nouveaux films de Fatih Akin, Michael Angelo Covino, Alex Lutz, Raoul Peck et Kirill Serebrennikov… Mais notre attention se portera tout particulièrement sur La Vague de Sebastián Lelio, avec Renata González Spralja, Amparo Noguera et Néstor Cantillana, qui sera consacré à une étudiante chilienne qui devient une figure centrale d’un mouvement féministe dans son université.