BABEL
Dans le film 21 grammes, on avait déjà pu remarquer le formidable talent avec lequel Inarritu s’attarde sur trois destins différents avant de les rassembler à partir d’un terrible incident. Avec Babel, le cinéaste emploie la même recette et l’utilise avec brio. Du désert marocain à la ville surpeuplée de Tokyo, en passant par la frontière mexico-américaine, rien ne semble lier les protagonistes. Mais un scénario remarquablement construit va finalement mettre en emphase le fil conducteur du film : comment une simple bêtise d’enfant va avoir des conséquences dramatiques.
Au fur et à mesure, le spectateur assemble les pièces du puzzle et comprend que ce qui unit avant tout ces personnages, ce n’est finalement pas ce coup de fusil, mais la solitude, le désespoir et la peur. Cette condition propre à chacun de nous est poussé ici à son paroxysme.
Inarritu s’illustre une nouvelle fois dans l’art de diriger ses acteurs, qu’il filme avec une simplicité et un réalisme maîtrisés. Brad Pitt est excellent, Cate Blanchett d’une justesse bouleversante. La jeune Rinko Kinchuki est très convaincante dans la peau de cette jeune nippone sourde et muette tout comme l’admirable actrice méxicaine Adriana Barraza, qui joue cette nounou dévouée au grand coeur dont la vie a été faite de sacrifices sans retour des choses.
Babel est également une véritable réussite technique tant au niveau du montage que de l’image et du son. La rétine se régale de ces plans larges dans le désert nord-africain ou au sommet d’un building japonais. Les coupures sonores marquent une rupture à chaque transition comme pour symboliser cette barrière de la langue qui nous propulsera dans un contexte linguistico-culturel différent. Egalement utilisées dans une visée empathique lors de certaines scènes comme celle de la discothèque, elles accentuent davantage le sentiment d’isolement qu’éprouve l’adolescente japonaise par rapport au reste du monde.
Babel, donc, pour la diversité de ce monde où s’entrechoquent les cultures, le langage et les conflits socio-politiques, où un incident peut avoir des répercussions énormes à l’échelle mondiale, mais dans lequel la solidarité, le chagrin et l’amour se passent aisément des mots. Un excellent film qui vient donc conclure ce tryptique de destins croisés.