CONSPIRACY
Alice Racine, ancienne agent de la CIA plongée dans un semi-repos après avoir échoué à prévenir un attentat terroriste à Paris, est forcée de revenir sur le terrain alors qu’une nouvelle menace de grande ampleur se profile à Londres.
Lundi transpi, mercredi conspi.
Conspiracy, c’est d’abord la promesse d’un peu de sérieux après une avalanche de comédies d’agents secrets peau-de-banane et déclinés à l’infini ces temps-ci. De Kingsman à Agents très spéciaux – Code U.N.C.L.E en passant par Agents Presque Secrets voire Spy, les pauvres agents de renseignements semblent davantage enchaîner les tartes à la crème que les vodka martini, mélangés au shaker et pas à la cuillère. Ici, le film du britannique Michael Apted, passé par la case James Bond avec Le Monde ne Suffit pas, se lance dans une aventure libérée de toute franchise sérialisée, et met en scène une espionne ni greluche, ni maladroite, ni sidekick rigolote en la personne de Noomi Rapace. L’actrice danoise, toujours efficace dès qu’il est question de personnages au lourd passé, se retrouve donc au cœur d’un action/espionnage qui ne peut quasiment pas se dérouler sans elle.
Alors qu’il a à peine le temps de mettre son smartphone en mode avion, Conspiracy se lance dans une opération on ne peut plus périlleuse. Une piste ultra-glissante. Une fine couche de glace prête à se fissurer. La menace du terrorisme islamique est étouffante, avec le miroir déformé d’une attaque parisienne et le risque imminent d’une réplique à ampleur égale à Londres. Sale parallèle avec la réalité dont le traitement semble clairement manquer de finesse. On panique un peu, les clichés s’accélèrent et le malaise commence à être salement palpable. Sauf qu’en bon agent double, le long-métrage de Michael Apted cache son jeu et son enjeu. L’élément perturbateur n’est finalement pas celui qu’on croyait, et ce « twist », si l’on peut l’exprimer ainsi, habilement caché, fait rebattre les cartes et sort le spectateur de sa torpeur. Première bonne surprise. Dernière bonne surprise aussi, malheureusement.
Une fois les véritables enjeux de Conspiracy dévoilés, le déroulement de son intrigue est loin d’être désagréable. Le tempo binaire a le mérite d’être simple à suivre et d’alterner les phases d’action, avec un Orlando Bloom complice qui cabotine un poil moins qu’à son habitude, et des phases d’assimilation et d’avancées de l’intrigue qui remettent les actions de Noomi Rapace dans leur contexte global et forcément mondialisé, actualité et sujet obligent. Ces dernières vivent en grande partie grâce au duel quasi-comique entre la responsable du MI5/6* Emily Knowles (Toni Collette) et celui de la CIA Bob Hunter (John Malkovich). Moins réussi, aussi parce que moins bien écrit, l’ex-mentor d’Alice, Eric Lasch (Michael Douglas) paie les premiers pots cassés d’un scénario qui panique à mesure que sa conclusion approche.
Les causes désormais reliées à leurs conséquences, il reste encore une bonne demi-heure à tenir pour un Conspiracy jusque là plutôt honnête. C’est malheureusement là où le bât blesse. Plutôt que de s’en tenir à la version officielle et de terminer dans la discrétion, ce qui n’aurait en l’occurrence pas été un si mauvais choix d’aboutissement de mission, le film s’embourbe dans une série de révélations/contre-révélations, d’agent double/triple/quadruple à la limite de l’incohérence et surtout, cramés par le spectateur à la distance d’un sniper professionnel. Conspiracy passe l’intégralité du temps alloué à son dénouement à convaincre qu’il est un espion hors-pair, alors qu’il a la discrétion d’un bleu-bite en permission dans le bar jouxtant sa base militaire. Sans véritable talent pour sublimer les codes de son genre et encore moins pour les dépasser, il aurait pu être un agent taiseux mais néanmoins opérationnel. Dommage.
*NDLR : je n’ai jamais su faire la différence entre les deux, si quelqu’un veut m’éclairer : https://twitter.com/RobinSouriau
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