120 BATTEMENTS PAR MINUTE
Début des années 90. Alors que le sida tue depuis près de dix ans, les militants d’Act Up-Paris multiplient les actions pour lutter contre l’indifférence générale. Nouveau venu dans le groupe, Nathan va être bouleversé par la radicalité de Sean.
De battre mon coeur s’est arrêté.
À la sortie du Grand Théâtre Lumière, les yeux sont rougis et les spectateurs complètement étourdis après avoir reçu en plein cœur 120 battements par minute, le nouveau long-métrage de Robin Campillo, premier uppercut de cette 70ème édition. Avançant au probable rythme de ces deux battements par seconde, les uns et les autres se retrouvent hagards et émus, conscients d’avoir découvert un film important – quel que soit le résultat du palmarès – motivé par une démarche cinématographique en tous points admirable.
Tout est ainsi histoire de courage, d’audace et de désir dans cette recréation des années 1990 où, à peine née, l’association Act Up redéfinissait à sa manière la lutte contre le sida grâce des actions chocs. Avec une intensité quasi-documentaire, Robin Campillo capte brillamment ce vivier d’idées en plaçant la communauté au centre de son film. L’amour, l’amitié, la colère y cohabitent, éclatés dans un amas de paroles incessantes, de discussions sans fin, remettant indéfiniment en marche les mêmes mouvements. Jamais le film ne se pose, jamais la caméra ne se dérobe. Le fourmillement de cette génération pourchassée par la tragédie lui impose sa cadence, celle d’une existence dans l’urgence.
Alors, les personnages décident de vivre vite, maintenant, au moment où le temps leur laisse encore suffisamment de répit. Celui qui les entraîne à défier l’inéluctable, qui les force à tout bousculer dans l’espoir de faire changer les choses. Le combat a beau être inégal, l’échéance recule et chaque victoire dessine les contours d’une déclaration de guerre à la mort. Le réalisateur, ancien militant, le sait très bien et le prouve en cimentant son film autour de cette dynamique de groupe. La clé se trouve dans l’action : se taire, c’est disparaître, rester immobile, c’est mourir.
Malgré ses imperfections (notamment dans une dernière partie plus fragile), 120 battements par minute associe les beaux élans du cinéma social à une sensibilité qui pétrifie l’écran. De ces corps meurtris, soumis ou momentanément affranchis, il extirpe les fragments d’une histoire d’amour poignante (portée par les magnifiques Nahuel Perez Biscayart et Arnaud Valois) s’élevant contre la fatalité et l’injustice. Ce sont alors ces regards, ces séquences d’évasion qui s’impriment dans nos têtes et composent l’inventaire d’un film nécessaire (le terme a rarement été aussi juste) et profondément déchirant.
La fiche
120 BATTEMENTS PAR MINUTE
Réalisé par Robin Campillo
Avec Nahuel Perez Biscayart, Arnaud Valois, Adèle Haenel…
France – Drame
Sortie : 23 août 2017
Durée : 140 min