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À MON SEUL DÉSIR

Vous n’avez jamais été dans un club de strip-tease ? Mais vous en avez déjà eu envie … au moins une fois… vous n’avez pas osé, c’est tout. Ce film raconte l’histoire de quelqu’un qui a osé.

Critique du film

Une femme regarde la caméra, elle veut nous raconter une histoire, celle d’une consoeur, qui a osé entrer dans un cabaret érotique et proposer de faire un essai. Au moment de la quitter, nous rejoignons Louise Chevillotte, attendant sous la pluie de trouver le courage d’entrer dans ce lieu sulfureux, avec une division des sexes strictes : les hommes sont dans l’assistance, les femmes sont, elles, sur la scène. Sa présence dans le public interpelle les habitués. Qui est cette femme qui vient de leur coté, déjà elle constitue une étrangeté dans un univers codifié où chaque geste et chaque parole correspond à un script bien établi. C’est sur cette base que Lucie Borleteau nous introduit dans son nouveau film, À mon seul désir, son troisième en temps que cinéaste, après le très beau Fidélio, l’Odyssée d’Alice, et Chanson douce, adaptation du best seller de Leïla Slimani.

Ce scénario original bouscule le spectateur en le confrontant à un personnage qui le confronte à son désir d’être strip teaseuse sans chercher à s’en justifier par les pirouettes habituelles, que ce soit des problèmes d’argent ou une déroute affective trop évidente. Aurore a certes besoin de quitter son emploi de caissière et l’impasse qu’est devenue sa thèse de sociologie, mais elle se présente avant comme une personne qui explore sa sexualité et sa sensualité. Ce désir est représenté par de petites scènes courtes où elle imagine les gens qu’elles aperçoit dans la rue dans le plus simple appareil. Comme le disait sa collègue en introduction, Aurore est de celles qui osent faire ce que les autres s’interdisent, par peur du regard de la société sur ce qu’elle considère comme une activité tabou. Aurore explore ses limites et celles ci semblent inexistantes face à sa faim de prendre du plaisir.

A mon seul désir
En cela, le personnage de Mia représente à la fois l’amour, sentiment nouveau pour elle, mais aussi un miroir dans lequel pointent des divergences de vue qui vont devenir fondamentales et excluantes. La frontière entre le spectacle érotique et la prostitution est clairement montrée du doigt dans le film, l’une s’en défendant quand l’autre ne voit pas pourquoi elle ne pourrait pas profiter de l’opportunité qui lui est offerte. Il est notable de souligner la douceur avec laquelle ces scènes sont écrites et mise en scène par Lucie Borleteau. Au lit avec un client, les deux escorts donnent des conseils sur un ton badin, le sordide de la situation est dès lors désamorcé par la banalité du quotidien échangé par trois personnes qui ne se connaissent pas et dédramatisent ce moment qui aurait pu être chargé d’intensité dramatique inutile.

D’une manière générale, la réussite du film tient dans ce regard de la caméra qui, à l’image de la mise en scène de Borleteau, propose beaucoup de situations, sans jamais les juger ni imposer une morale particulière. Aurore et Mia sont dans deux trajectoires de vie différentes, qui finissent par se croiser sans épouser un même patron. Les détails de chacune les rendent passionnantes, deux visions dissymétriques qui racontent pourtant une même histoire, celle de deux femmes qui profitent d’un système où elles deviennent des objets pour un public masculin. Si l’une se sert de la scène du cabaret pour travailler son jeu d’actrice, l’autre en fait le réceptacle de son érotisme naturel, une frontière à conquérir pour s’en affranchir. Mais cela constitue aussi le lieu de leur rencontre, celle d’une histoire d’amour qui se moque du cadre pour exploser dans une fièvre magnifique.

Lucie Borleteau réussit à faire presque disparaître la nudité pourtant évidente dans ce lieu, le voyeurisme n’ayant pas sa place dans une histoire qui parle avant tout d’amour, d’audace, avec une tendresse assez inattendue qui est comme un fil rouge de la première à la dernière scène. Ce troisième long métrage est bien celui de la confirmation d’un grand talent pour l’une des cheffes de fil d’une génération de cinéastes françaises talentueuses.

Bande-annonce

5 avril 2023 – De Lucie Borleteau, avec Zita Hanrot, Louise Chevillotte et Laure Giappiconi.