Another end

ANOTHER END

Sal ne se remet pas de la mort de Zoe, l’amour de sa vie. Sa soeur, Ebe, lui suggère d’essayer « Another end », un nouveau logiciel permettant de ramener brièvement à la vie la personnalité d’un défunt. Sal retrouve ainsi Zoe, son esprit imbriqué dans un nouveau corps, bien décidé à ne pas laisser cette expérience s’achever à la fin du programme.

Critique du film

À la lecture du synopsis d’Another end, l’originalité du projet contenait de nombreuses promesses, notamment celle d’un scénario porté par un casting ambitieux. Gael Garcia Bernal et Renate Reinsve occupent les premiers rôles, secondés par Bérénice Bejo et Olivia Williams. La question de la gestion du deuil, dans une société qui permet de créer une simulation d’une personne décédée via des hôtes abritant les souvenirs d’une personne, était une proposition des plus séduisantes, avec notamment toute une question morale et affective particulièrement lourde de sens.

Pourtant, le film de Piero Messina déçoit très vite avant de sombrer dans une mise en scène particulièrement lourde. Sal, joué par Garcia Bernal, n’arrive pas à faire le deuil de sa compagne Zoe, décédée dans un accident de voiture où il conduisait. Sa sœur, Ebe, est une responsable au sein de l’équipe qui commercialise cette possibilité, en quelques séances, de revivre quelques journées avec le défunt, pour réussir à dépasser le chagrin d’une perte intervenue trop brutalement. Ce postulat devait sembler trop simple et évident aux yeux du réalisateur italien, qui double son histoire de sous intrigues peu convaincantes.

Tout d’abord, il est question de cet immeuble où vit Sal, où chaque étage semble abriter des cas similaires au sien, comme si tous ces locataires avaient perdu un mari, une fille, ou les deux au même moment. La récurrence de ce motif dans un lieu aussi petit est au mieux intrigant, au pire une première erreur dans l’écriture du film, qui ne va pas s’arrêter en si bon chemin. En effet, et ce dès la première moitié du film, Messina choisit dans son dispositif de rythmer son film par des rebondissements. Des secrets sont révélés au fil de l’eau, chaque personnage, même fugace, cachant quelque chose, révélés subitement dans un artifice brutal et vain.

Renate Reinsve Gael Garcia Bernal

Plutôt que de creuser l’écriture du personnage de Sal et de sa sœur, les seuls hispanophones du film dont on ne saura jamais ni d’où ils viennent, ni même où ils vivent exactement, l’auteur préfère multiplier les intrigues, notamment autour de l’hôte qui remplace Zoe. Interprétée par la très charismatique Renate Reinsve, cette remplaçante va devenir une obsession pour Sal. Il commence à la suivre la nuit après qu’elle soit « redevenue elle même », et entre peu à peu en contact avec elle. Ceci devient le moteur de l’histoire qui n’a plus comme axe que cette filature étrange et lubrique à travers les milieux interlope de cette ville vaguement futuriste.

Intéressante et vénéneuse, cette femme a elle le droit à une écriture plus poussée, et son histoire se dévoile plus que celles des autres personnages. La déception naît de l’abandon de cette piste pourtant plutôt pertinente, au profit d’un nouveau rebondissement, le dernier mais pas le moins rocambolesque, annihilant toute tentative antérieure de construire quelque chose de cohérent dans le film. Piero Messina semble ne jamais savoir exactement ce qu’il veut raconter dans Another end, préférant s’en tenir à cette intrigue à tiroir qui tire des ficelles éculées vues mille fois dans le genre de la science-fiction et la littérature de l’imaginaire.

Tous les enjeux moraux, et les pistes nées autour de l’hôte de Zoé se désintègrent au profit de cette résolution ridicule qui fait de Sal une coquille vide repliée sur elle-même, comme un bon mot qui tomberait à plat faute d’un contexte bien travaillé. Il est au final difficile de retenir autre chose que la prestation de Renate Reinsve, parfaite dans son double rôle, dans une gestion de la corporalité saisissante et passionnante.


De Piero Messina, avec Gael Garcia Bernal, Renate Reinsve et Bérénice Bejo


Berlinale 2024