ANTOINETTE DANS LES CEVENNES
Des mois qu’Antoinette attend l’été et la promesse d’une semaine en amoureux avec son amant, Vladimir. Alors quand celui-ci annule leurs vacances pour partir marcher dans les Cévennes avec sa femme et sa fille, Antoinette ne réfléchit pas longtemps : elle part sur ses traces ! Mais à son arrivée, point de Vladimir – seulement Patrick, un âne récalcitrant qui va l’accompagner dans son singulier périple…
Critique du film
Vingt ans se sont écoulés depuis la sortie du premier film de Caroline Vignal, Les autres filles, qui fut selon elle, une expérience douloureuse. Antoinette dans les Cévennes naît dans ce contexte, une nouvelle expérience en tant que réalisatrice, avec un profond attachement à la féminité qui s’exprime à la fois par le personnage éponyme, mais aussi par une équipe où on trouve de nombreuses femmes, notamment à la production et au montage. Le parallèle entre la vie de l’autrice et la fiction se prolonge par la figure du chemin, cette longue introspection qui permet à toutes deux de se trouver.
Antoinette est une quarantenaire, professeure des écoles, pétulante et spontanée qui a une liaison avec Vladimir, le père d’une de ses élèves, un homme marié. Le faux départ de leurs vacances en commun la pousse à le suivre dans le chemin de Stevenson en plein cœur des Cévennes. On ne fait plus évident parcours initiatique : si Antoinette décide sur un coup de tête d’entreprendre ce voyage imprévu pour rejoindre son amant, c’est tout autre chose qui se présente. Robert Louis Stevenson, auteur notamment de L’île au trésor au XIXème siècle, avait entrepris ce voyage avec un âne comme seul compagnon, trouvant au bout du chemin l’amour de sa vie. La parabole paraît dès lors évidente, Antoinette doit avant tout se trouver sur la route.
Mais le premier être qu’elle rencontre est Patrick, l’âne gris avec lequel elle va marcher des heures durant à travers le désert cévenol, zone blanche où le téléphone portable n’est d’aucune utilité. Le lien entre l’animal et l’institutrice est celui d’une mise en abyme profonde : l’âne n’avance que quand Antoinette lui parle, se confie, notamment sur ses histoires d’amour. Échecs à répétition, itinéraire typique d’une adulte qui a beaucoup trébuché sur les chemins relationnels, se retrouvant coincée dans des couples dysfonctionnels et éphémères voués à l’échec. Antoinette dans les Cévennes est, on l’aura compris, avant tout une comédie. Si l’intrigue est simple et évidente, elle tient magnifiquement par son humour qui est présent dans chaque scène jusque dans l’attitude de l’âne Patrick qui souligne la tonalité des scènes.
Laure Calamy incarne une Antoinette belle de sensibilité et de fragilité, elle offre à ce rôle toute la générosité qu’on lui connait, navigant au sein du cinéma français auquel elle apporte sa vivacité et sa fraîcheur sans cesse renouvelée qui est aussi juste dans le drame que dans la comédie. Dans Antoinette dans les Cévennes, elle est l’astre autour duquel toute l’attention est polarisée, occupant chaque plan, impulsant joie et tristesse jusque dans une scène déchirante où elle retrouve Patrick devenu entremetteur de la dernière heure.
Si nous sommes loin du Au hasard Balthazar de Robert Bresson, qui consacrait la grâce venue d’un âne, c’est ici du pur bonheur que nous distille ce divin équidé. Patrick et Antoinette sont les véhicules d’un profond message d’espoir et de joie qui revigore les cœurs endoloris. Si l’essentiel n’est pas la destination mais bien le voyage, aphorisme que cite le film, les détails et le lâché prise contenu dans cette petite histoire sans prétention sont autant de cadeaux faits au spectateur. Fort du label « Cannes 2020 », Antoinette dans les Cévennes est la comédie dont nous avions besoin et qui mérite un beau succès pour le retour dans les salles de cinéma.
Bande-annonce
16 septembre 2020 – De Caroline Vignal, avec Laure Calamy, Benjamin Lavernhe et Olivia Côte.