APOCALYPSE NOW (final cut)
Cloîtré dans une chambre d’hôtel de Saïgon, le jeune capitaine Willard, mal rasé et imbibé d’alcool, est sorti de sa prostration par une convocation de l’état-major américain. Le général Corman lui confie une mission qui doit rester secrète : éliminer le colonel Kurtz, un militaire aux méthodes quelque peu expéditives et qui sévit au-delà de la frontière cambodgienne.
La folie des Hommes
Troisième version du film Apocalypse now (1979), après une version « Redux » (2001) qui ajoutait au film original plus de 50 minutes de scènes coupées au montage (la fameuse scène de la plantation française entre autres), Apocalypse now – Final Cut est un compromis entre les deux versions pour le montage (version plus longue que l’originale mais plus courte que la Redux) et représente une expérience visuelle et sonore exceptionnelle grâce à une restauration 4k faite à partir du négatif original. L’image est splendide et ses effets sonores impressionnants. On est au cœur de l’action, sentant physiquement les vibrations lors des bombardements de napalm.
Libre adaptation du roman de Joseph Conrad, Au cœur des ténèbres, Apocalypse now, plus qu’un film sur la guerre du Vietnam, est un film sur la folie des hommes, l’hypocrisie de ceux qui désignent un bouc émissaire pour mieux faire l’impasse sur leurs propres égarements et crimes et aussi un grand film psychédélique (musique atmosphérique de Carmine et Francis Ford Coppola, fumigènes multicolores, drogues de toutes sortes : alcool, cannabis, acide, opium). On peut d’ailleurs imaginer une sorte de cauchemar éveillé, impression amplifiée par le fait que c’est le même morceau de musique qui ouvre et clôture le film (« The End » de The Doors, morceau fleuve de plus de 11 minutes et segmenté en deux parties).
Visuellement, le film est mis en valeur par la direction artistique de Dean Tavoularis (qui avait déjà travaillé avec Coppola sur les deux premières parties du Parrain et Conversation secrète), la photographie de Vittorio Storaro (Le dernier tango à Paris, 1900), qui remporta un Oscar pour ce film, et par la mise-en-scène majestueuse de Coppola.
Transformer un désastre en chef d’oeuvre
Ce film est célèbre également par son tournage qui faillit tourner au désastre : 18 mois de tournage, dépassement de budget pharaonique, comportement erratique de plusieurs membres de l’équipe (et Coppola n’était pas en reste, se droguant et se livrant à des dépenses somptuaires pour adoucir la dureté des conditions de tournages). Un typhon détruisit les décors et Martin Sheen manqua d’être emporté par une crise cardiaque. Quant à Marlon Brando, il débarqua sur le tournage en ne connaissant pas son texte et en ayant pris tellement de poids que Coppola décida que ses interventions auraient lieu dans une sorte de pénombre, ce qui donne lieu aux fameuses scènes de la dernière partie du film. Scènes très belles visuellement, mais aussi chargées d’intensité et de mystère.
Le montage de 183 minutes (contre 141 pour l’originale et 194 pour la « Redux ») produit un excellent résultat et offre une version plus resserrée que la précédente tout en ayant le mérite de conserver les scènes de la plantation française – intéressantes car elles exposent le point de vue des colons français (personnage de Hubert De Marais, interprété par Christian Marquand), le marasme de la situation (il semblerait qu’il y ait eu des escarmouches entre américains et français autour de la plantation) et l’omniprésence de la drogue (l’opium offert par le personnage de Roxane, joué par Aurore Clément). Cette version ne souffre d’aucun moment faible ou de longueurs.
Film de la démesure, tant par ce qu’il montre que par le tournage chaotique (Qui fit l’objet d’un superbe documentaire, « Au cœur des ténèbres, l’apocalypse d’un metteur-en-scène »), Apocalypse Now est méritait ce traitement exceptionnel tant il est charnière dans l’histoire du cinéma et d’une œuvre d’art.