ASSAUT
Les élèves d’un lycée de Karatas au Kazakhstan sont pris en otage par des inconnus armés portant des masques. Ces ravisseurs ne font pourtant aucune demande. Apprenant que l’armée n’arrivera que dans deux jours car une tempête de neige fait rage, Tazshi, le professeur de mathématiques, prend la décision de partir à l’assaut avec d’autres parents.
Critique du film
Adilkan Yerzhanov frappe les années 2020 de sa productivité inégalable. Avec trois longs-métrages sortis en 2022, le cinéaste kazakhstanais devient incontournable. Dans Assaut, il s’attaque aux fondations de son pays. C’est sur une séquence d’introduction totalement absurde que Yerzhanov présente ses personnages. Alors que des braqueurs masqués pénètrent dans une école sans même se cacher, les professeurs et membres du personnel sont trop occupés à s’attarder sur des futilités pour les remarquer.
Et quelques minutes plus tard, l’inévitable drame. Sans aucune revendication, les braqueurs prennent toute une classe en otage, abandonnée par le professeur de mathématiques. Le cinéaste s’attarde ensuite sur le portrait de ses personnages, pour la plupart antipathique. Lâches, bavards, impulsifs, cette équipe de bras cassés apparaît d’abord comme une anomalie. Puis Yerzhanov nous apporte des éléments de réponse et dénonce tout un système.
Portrait d’un pays en feu
Situé dans un village totalement isolé du reste du Kazakhstan, Assaut expose le désintérêt morbide des autorités pour les plus pauvres. Sans possibilité d’intervention d’une unité d’élite dans les 48 heures, les enfants semblent condamnés. Le véritable portrait de l’équipe se dresse enfin, transformant l’alcoolique notoire en vétéran de la guerre d’Afghanistan, un professeur de mathématiques lâche en dépressif muet, une mère aimante et torturée en tireur d’élite.
Assaut n’est pas prétentieux. Yerzhanov expose des faits : il multiplie les plans larges sur la campagne enneigée témoignant de l’infinie solitude de ses personnages, met l’accent sur les bâtiments publics (école, commissariat) délabrés de son pays et sur l’absurdité des propos des forces de l’ordre, visiblement incapable de témoigner d’une quelconque humanité. Le long-métrage répond parfaitement à chacune des attentes. Difficile de ne pas se tordre de rire devant l’effroyable cynisme de certains personnages ou de retenir ses larmes lors d’un monologue sur l’atrocité de la guerre. Yerzhanov nous présente la vie telle qu’elle est. Froide, crue, sale, mais réelle. Unique. La mise en scène, au moins aussi glaciale que la neige encore plus présente que dans Fargo, accentue la radicalité du propos. Et l’assaut en lui-même confirme le pari réussi de Yerzhanov.
Après avoir fait monter la tension en affichant l’heure de l’attaque dès le début du film, le cinéaste décide de prendre le contrepied de nos attentes. « Une minute avant l’assaut ». Le souffle coupé. Puis l’action, la vraie, maladroite et mal chorégraphiée, drôle et tragique. Assaut réussit tout ce qu’il entreprend, sans jamais dévier. Yerzhanov réussit son pari et nous offre un portrait magnifiquement dramatique d’un pays en pleine dérive.
Bande-annonce
12 juillet 2023 – D’Adilkhan Yerzhanov, avec Nurbek Mukushev, Azamat Nigmanov