AT ETERNITY’S GATE
La ficheRéalisé par Julian Schnabel – Avec Willem Dafoe, Mads Mikkelsen, Oscar Isaac, Mathieu Amalric, Emmanuelle Seigner, Niels Arestrup, Anne Consigny, Amira Casar, Alexis Michalik, Vladimir Consigny…
France – Biopic, drame – Sortie (Netflix) : 15 février 2019 – Durée : 111 mn
Synopsis : Un voyage dans l’esprit et l’univers d’un homme qui, malgré le scepticisme, le ridicule et la maladie, a créé l’une des œuvres les plus incroyables et admirées au monde. Sans être une biographie officielle, le film s’inspire des lettres de Vincent van Gogh (Willem Dafoe nommé pour l’Oscar® du meilleur acteur), d’événements de sa vie, de rumeurs et de moments réels ou purement imaginaires.
La critique du film
Soyons franc. Le biopic est un genre qui a la fâcheuse tendance à tomber dans un classicisme désuet, en cherchant à tout prix à coller à la réalité historique de son personnage, au point d’oublier de faire du cinéma. La majorité de ceux-ci, souvent populaires, échoue à donner vie à des êtres extraordinaires, et l’on finit tragiquement par éprouver un ennui poli. Mais il existe aussi (heureusement) des « biopic » qui parviennent à s’affranchir du carcan du genre. At Eternity’s Gate de Julian Schnabel surprend dans sa manière de raconter Vincent Van Gogh.
Présenté à la Mostra de Venise en septembre dernier, At Eternity’s Gate opte pour un récit éclaté et revient sur les derniers moments de la vie du peintre, dans le sud de la France. Le film se débarrasse des faits historiques pour dresser le portrait de l’homme derrière le pinceau. La caméra épouse le regard de Van Gogh et s’immisce dans l’intimité du peintre, effleure ses doutes, mais aussi son immense solitude et sa détresse. À travers plusieurs ellipses, qu’on jugera parfois compliquées, le long-métrage aborde sa relation fusionnelle avec son frère Theo, son amitié avec Paul Gauguin, sa folie créatrice jusqu’à sa mort. Van Gogh est un personnage complexe, génie incompris et rongé par la douleur, qui trouve refuge dans la peinture.
Biopic sensoriel
Visuellement sublime, At Eternity’s Gate ne cherche pas à raconter mais à montrer Van Gogh. Le biopic est étrangement sensoriel et nous plonge dans la tête du peintre. La cruauté de la société s’incarne dans un monde fade et sans couleurs, où la multiplicité des gros plans déforme les visages jusqu’à les rendre laids et inquiétants. Mais dans la nature, la magie opère. Les paysages revêtent des couleurs éclatantes, teintés de jaune et de bleu, dominantes dans les tableaux du maître. S’en suit alors de longues scènes de contemplations, d’une poésie délicate, source de liberté et de beauté pour le peintre. Si le procédé est d’abord efficace, on lui reprochera tout de même de tomber dans la répétition, rendant ces nombreuses scènes un peu longues.
Portrait bienveillant et d’une rare humanité co-écrit avec Louise Kugelberg, At eternity’s gate raconte le peintre à travers sa sensibilité qui le rend touchant. Nommé pour l’Oscar du meilleur acteur, Willem Dafoe incarne avec justesse l’artiste, accompagné par un casting fabuleux, d’Oscar Isaac à Mathieu Amalric, en passant par Mads Mikkelsen et Niels Arestrup. On peut regretter qu’un tel film ne trouve pas le chemin des salles obscures. La décision n’est cependant pas étonnante : At Eternity’s Gate est un film déstabilisant dans son approche du genre, dont l’audace narrative est à la fois sa force et sa faiblesse. Réjouissons nous donc de son acquisition par Netflix : une plus grande audience, aussi hétéroclite, permettra peut-être de ne pas laisser le film tomber dans l’oubli. Du moins, on l’espère.