BANLIEUSARDS
L’histoire des trois frères Traoré issus d’une banlieue parisienne sensible : Soulaymaan (Jammeh Diangana), modèle de réussite scolaire, est en passe de devenir avocat à Paris et se prépare à débattre de la responsabilité de l’État français dans la situation actuelle des quartiers ; Demba (Kery James), le plus âgé, est un déliquant dont la vie est passablement rythmée par les trafics et les règlements de compte ; Noumouké (Bakary Diombera), le benjamin de 15 ans, est un élève agité qui cherche encore à déterminer quelle voie suivre entre celles tracées par ses aînés.
Critique du film
Quiconque a entendu au moins une fois une chanson de Kery James connaît son engagement pour l’émancipation des jeunes des quartiers populaires. Dans son titre Banlieusards (2008), le rappeur proclamait haut et fort « On n’est pas condamné à l’échec« . Plus d’une décennie plus tard, la sortie d’un film éponyme était l’occasion de confronter ces paroles exhortatrices à la diégèse d’une fable au milieu des tours.
Pourtant, si le film évite – quoiqu’un peu artificiellement – de tomber dans un manichéisme dont il sait pertinemment qu’il aurait affaibli son propos, son scénario reste tout de même trop frontal pour emporter l’adhésion. Celui-ci aurait pu gagner en profondeur et en cohérence s’il s’était concentré sur le parcours d’un des trois frères, ou même de leur mère, qui soulève chacun des problématiques bien différentes quant à la vie dans les banlieues françaises.
Un coup de poing pour rien
Les acteurs, notamment les plus jeunes, déçoivent, pas aidés par des dialogues qui semblent parfois bien creux (un comble pour la plume d’ordinaire si acérée de Kery James). L’esthétique et la mise en scène lissées des réalisateurs peinent à éloigner de l’impression d’un clip musical étendu sur plus d’une heure et demi. Seule la finale du concours d’éloquence parvient un temps soit peu à captiver le spectateur, bien qu’elle relève davantage de la tribune politique offerte au rappeur que de l’objet cinématographique engagé.
On devine que le premier long-métrage de Kery James et Leïla Sy n’a pas eu les moyens de ses ambitions : rejeté par bon nombre de diffuseurs, le rappeur s’est tourné en dernier lieu vers Netflix pour voir son projet finalement réalisé, au prix d’une production réduite. Le film souffre de la comparaison avec d’autres longs-métrages traitant du même sujet : La Haine, référence première (à noter l’apparition furtive de Mathieu Kassovitz), ou bien Les Misérables, sorti la même année. Le résultat se montre inégal, et l’on ne sort pas de son visionnage beaucoup plus avancé sur les responsables à la situation désastreuse de certaines banlieues françaises, encore moins sur les mesures à prendre pour y remédier.
Paul LAILLIER
Bande-annonce
12 octobre 2019 (Netflix)