BARBARA
Une actrice va jouer Barbara, le tournage va commencer bientôt. Elle travaille son personnage, la voix, les chansons, les partitions, les gestes, le tricot, les scènes à apprendre, ça va, ça avance, ça grandit, ça l’envahit même. Le réalisateur aussi travaille, par ses rencontres, par les archives, la musique, il se laisse submerger, envahir comme elle, par elle.
Balibarbara.
Pour les puristes, le simple fait d’imaginer que l’on puisse reprendre une chanson de Barbara est mission impossible. Aucun artiste ne serait en mesure de retrouver l’intensité d’une auteure et compositrice qui racontait tant de sa vie dans ses textes, la voix toute en pleins et en déliés. Alors, chercher à l’incarner sur grand écran serait tout bonnement impensable.
Pourtant, avec Jeanne Balibar dans le rôle titre du film de Mathieu Amalric, le miracle se produit. Sans doute parce qu’il ne suit jamais les rails d’un biopic classique, relatant la vie d’une personnalité de l’enfance à l’âge adulte, entre gloire et insuccès, psychologisant un parcours de vie autour d’un trauma originel. Bien sûr, Barbara comporte plusieurs éléments biographiques, mais on est très loin de l’inventaire Wikipedia.
On se rend vite compte que le sujet du film est double, pour ne pas dire ailleurs. Le scénario est celui d’un making-of. Un récit de tournage dans lequel une comédienne, Brigitte, évolue sous la caméra d’Yves Zand. Entre deux réflexions sur son plan de travail, celle qu’il filme devient un objet de fascination. Difficile de ne pas voir dans ce réalisateur et cette actrice personnages de fiction un reflet d’Amalric et Balibar eux-mêmes. Tous deux ont vécu une histoire d’amour « à la ville », comme on dit et quiconque est au courant de cette relation passée ne manquera pas de regarder le long-métrage par ce prisme.
Barbara est donc un film dans le film. On serait tenter d’écrire « un film dans le film dans le film » car la Dame en noir était déjà une icône, un personnage fantasque, qui, avec son sens de la mise en scène, donnait à voir et à entendre ses fêlures et sa folie douce.
Jeanne Balibar (ou l’actrice qu’elle incarne ?) se fond dans la gestuelle gracile et dans les élans débordants de la chanteuse. Elle est en partie dans l’imitation, certes, mais il y a quelque chose dans son jeu qui capte une émanation de la star, comme le faisaient, il y a dix ans, les acteurs de I’m not there (Cate Blanchett en tête) qui, dans leur diversité et leurs approches variées, parvenaient à représenter une facette de Bob Dylan.
Des images d’archives viennent s’amalgamer à celles de la fiction avec une telle efficacité qu’il devient alors une gageure de les dissocier, de trier le vrai du faux. Dès lors qu’on en prend conscience, on est saisi d’un doux vertige. C’est un film sur Barbara, un film sur Balibar, sur la création et sur l’art qui imite la vie et l’art qui imite l’art. Pour le spectateurs, c’est une tournée, un tournage et un tournis.
La fiche
BARBARA
Réalisé par Mathieu Amalric
Avec Jeanne Balibar, Mathieu Amalric, Vincent Peirani …
France – Drame
Sortie : 6 septembre 2017
Durée : 97 min